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Géographies en mouvement

Manouk BORZAKIAN (Neuchâtel, Suisse), Gilles FUMEY (Sorbonne Univ./CNRS). Renaud DUTERME (Arlon, Belgique), Nashidil ROUIAI (U. Bordeaux), Marie DOUGNAC (U. La Rochelle)

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Billet de blog 19 octobre 2023

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La beauté du monde dans le sexe ?

Le géographe Pierre Gentelle s’était posé la question : y a-t-il une géographie du sexe ? En partant de l’ensemble du corps humain comme objet de plaisir sexuel, Gentelle voyait la pulsion sexuelle comme constitutive de l’identité. « Personne n’y échappe, moralistes et adversaires du sexe compris. » (Gilles Fumey)

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Pour Pierre Gentelle [1], vue comme une pulsion « essentielle », le sexe devrait être pratique librement, « à la vue de tous, comme le font les animaux ». Pourtant, il est devenu une activité culturelle réservée au privé. Le sexe humain crée des zones intimes, des lieux qui font une géographie.

Illustration 1
Pratiques

Le naturaliste Marc Giraud et la sexologue Annabelle Pongratz ont exploré ces lieux chez les humains et les animaux, et ces pratiques de masturbation, cunnilingus, fellation, homosexualité, transsexualité, amour de groupe, voire quelque fois abstinence. Les sexes qu’ils décrivent sont étonnants, tels ces pénis doubles à tête chercheuse, musicaux ou détachables, ces utérus triples ou vagins en spirale, vulves clignotantes, clitoris épineux ou en forme de phallus… Il faut prendre à rebours la question de l’évolution pour comprendre la diversité. Car on ne compte pas dans la sphère animale les femelles se reproduisant sans mâle, les poissons anti-machos, les crapauds obsédés sexuels, les mouettes bisexuelles, les girafes gays, les mouflons asexuels, les poissons transsexuels, l’oiseau qui drague en offrant des fleurs, le homard qui séduit en urinant par les yeux, la ceinture de chasteté du hérisson, etc. L’invitation dans l’introduction du livre est encore plus riche. Et la géographie génitale humaine à l’avenant permet de comprendre les singularités de ce qui provoque les tempêtes hormonales de l’état amoureux.

Lieux

On peut prendre la géographie du sexe par « l’industrie », la prostitution, les déplacements des jeunes proies des « clients » - un rappel des termes de l’échange, conclut Gentelle : « Là où il y a de la demande en excès se déverse le produit des lieux où l’offre (licite ou illicite) est en excès ».

Nos espaces géographiques sont fortement sexués : lieux publics réservés, lieux privés, canaux d’informations, de circulation des productions dédiées à la sexualité, etc. Gentelle qui connaissait bien la Chine avait expliqué dans un débat à Saint-Dié combien les bords de l’eau, aussi bien en Occident qu’en Chine qui sont souvent mouvants - les rives fluviales -, voire indéterminés, sont des lieux propices à des rencontres interdites par la morale locale. Ces lieux ont une histoire changeante que les historiens ont bien mis au jour, depuis les antiquisants dont Paul Veyne pour Rome jusqu’à Michel Foucault et ses émules.

Illustration 2
© Marc Giraud

Marc Giraud et Annabelle Pongratz développent des recherches sur les stratégies d’accès à l’espace de l’autre, aussi bien humains qu’animaux : séduction par le parfum, chants, danses, grimaces, fraternité… L’historien Pastoureau a mis en avant le rôle des couleurs, notamment le rouge (pas seulement sur les lèvres), le rôle des costumes pour les parades, des cadeaux (chez les araignées, les grillons des sauges, par ex., comme chez les humains).

Les plaisirs et rivalités se pratiquent dans des espaces parfois dédiés, avec des formes de violence plus ou moins subtiles : « sodomination » ? pédophilie (chez les moustiques, les éléphants de mer, les bonobos et, parfois les dauphins) ? Apparentées à nos boites de nuit, certaines plateformes de parade collective ressemblent à des lieux de partouze chez les oiseaux, les chauves-souris, les dauphins, certains serpents…

L'hilarante parade de l'oiseau du paradis

« Le sexe embellit le monde »

Livrons la conclusion :  « Au cœur de l’évolution du vivant, le désir, le plaisir, la séduction, l’attachement, l’empathie ou la tendresse bouillonnent d’une foisonnante diversité et tissent un monde plus beau, plus uni, plus élevé. Plus inspiré aussi : combien de symphonies de musiques et de couleurs, combien d’œuvres d’art, qu’elles soient issues de la nature ou de création humaine, ont-elles été forgées par l’énergie incandescente des élans amoureux ? C’est peut-être l’exigeante nécessité de la reproduction, source de pulsions et de comportements si divers, qui a offert au monde toute sa beauté ».

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[1] Le sexe, objet géographique, Cafés géographiques, 22 octobre 2006.

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On peut signaler l'excellent livre de l'anthropologue Agnès Giard sur le Japon

Illustration 4

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