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Aujourd’hui, qui fait attention aux feuilles qui tombent dans les villes, à part les cyclistes et les piétons qui pestent contre le risque de glisser ? Pourtant, les paysages font partie de nos rythmes et les signaler, les fêter comme les Japonais le font au printemps avec les cerisiers et les Canadiens à l’automne avec les érables, n’est-ce pas aussi les intégrer à nos imaginaires? Même la sphère financière s’en sert pour le business touristique...

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Reste à convaincre les politiques, que les paysages végétaux, notamment forestiers, sont aussi les sentinelles du climat. Et qu’il faut changer le logiciel productiviste que Macron a entonné avec son «milliard d’arbres à planter d’ici 2030». Car la forêt française a doublé sa superficie en deux cents ans pour atteindre 17 millions d’hectares, mais le puits de carbone forestier a été divisé par trois dans les vingt dernières années et la mortalité des arbres a doublé en dix ans... Les plantations sont une fausse solution, pire elles aggravent la situation.
Aux enfants qui nous demandent pourquoi les feuilles des arbres changent de couleur, on sait maintenant répondre, car la biologie des plantes est bien connue. Voici comment. Au fil des jours d’automne, les chlorophylles des plantes se dégradent, et les pigments caroténoïdes jaunes jusqu’alors masqués apparaissent. Quelques espèces synthétisent durant la saison des pigments de la famille des anthocyanes qui colorent ces feuilles en rouge ou orange. Pas pour la beauté du paysage, mais pour se protéger de certains insectes, voire de l’oxydation des feuilles. Tout cela pour améliorer la récupération des nutriments des feuilles. Certaines variétés de plantes n’en ont pas, elles sont plus sensibles au stress lumineux, récupèrent moins bien les molécules qui ont de l’azote, nécessaire à la croissance de la plante. Et la couleur brune? Celle des feuilles mortes est due à la formation de mélanines, selon le même processus de brunissement d’un quartier de pomme fraîchement coupé.

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Pour le biologiste Jean-Michel Gibert (CNRS), la sénescence des feuilles est un processus vital très bien régulé pour les arbres qui y récupèrent, à l’occasion, les nutriments qu’ils stockent dans les rameaux, les bourgeons. Certaines hormones végétales peuvent activer la sénescence, d’autres l’inhibent. Certaines feuilles n’ont pas de sénescence uniforme. Ici, la chlorophylle s’est maintenue alors qu’ailleurs, la feuille est jaune. Ces parties vertes sont, en fait, infectées par un champignon produisant de la cytokinine qui inhibe la dégradation des chlorophylles.
Selon Marc-André Sélosse (MNHN), on ne connait pas bien la fonction biologique des tanins automnaux. Avec l’hypothèse évoquée plus haut sur la protection des feuilles qui renvoient ce qu’elles ont de meilleur dans l’arbre, on imagine que les tanins protègent contre le froid et la lumière. Sélosse évoque aussi une hypothèse de William Hamilton sur une coévolution avec des insectes parasites dont les plantes se protègent par des tanins colorés. Exemple: les pucerons sont 70% à moins aimer les feuilles rouges et encore moins les feuilles jaunes.
Aujourd’hui, le business mondialisé vend des émotions colorées, moyennant des voyages hypercarbonés qui accélèrent l’accroissement des températures et menacent la planète. Le carbone turbine à grande vitesse et les forêts paient sévèrement leur écot. Verlaine, ce ne sont plus les sanglots longs des violons de l’automne qui blessent [nos] cœurs.

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Sur le blog
«Qui veut encore des forêts?» (Gilles Fumey)
«Les forêts menacées par la politique» (Gilles Fumey)
«Des chênes français pour la Chine» (Gilles Fumey)
«Le capitalisme touche du bois (Locarno 2018)» (Manouk Borzakian)
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