Wax, un tissu sans frontières
- 24 janv. 2021
- Par Géographies en mouvement
- Blog : Le blog de Géographies en mouvement

Anne Grosfilley, qu’on avait remarquée au Festival mondial des arts nègres à Dakar en 2010 et lors de l’exposition Seydou Keïta au Grand Palais à Paris en 2016, a cherché à Manchester ce qui restait des usines de wax. Elle est la première surprise lorsqu’elle découvre qu’ils sont hollandais ! Et se demande «pourquoi jusqu’en Occident, des femmes africaines se parent de ce tissu fabriqué en Europe» avant de réaliser qu’elles ne le portent qu’en privé, le portent en grande estime comme «tout bon parfum est français, un bon wax est anglais ou hollandais» !

Attention, la géographie pousse à citer les tissages aso-oke du Nigeria, des kente du Ghana, des cotonnades teintes à l’indigo ou dans des couleurs chatoyantes. Certains renvoient à une histoire du coton filé, tissé, teinturé à l’indigo sur la falaise de Bandiagara au Mali il y a mille ans. Une explication sur le rôle que joue aujourd’hui la boucle du Niger, et tous les stylistes et modistes du Mali et d’ailleurs. On n’évoque pas la qualité, depuis les damassés de facture autrichienne jusqu’aux simples boubous en basin dont les étoffes sont importées de Chine mais permettent, pour Anne Grosfilley, de «restaurer un sentiment de fierté, d’élégance chez des personnes aux revenus modestes, les mêmes qui ne fréquentaient pas les friperies que par nécessité car réduites à se vêtir avec les poubelles de la bonne conscience occidentale».
Des tissus "africains" avec des capitaux chinois

Pour Anne Grosfilley, l’ère des conflits entre Anglais et Hollandais devrait être révolue. Les tissus «africains» ne sont pas que des textiles, mais des symboles qui pourraient être, osons-le comme géographes, protégés par l’Organisation mondiale du commerce, comme on protège les nourritures paysannes par les appellations d’origine.
Anne Grosfilley montre dans un très beau livre (1) paru en 2017comment on passe des indiennes au wax, quels sont les procédés de fabrication, qui partage le marché (façons et contrefaçons), comment on passe du tissu au vêtement avec les magazines, les objets, la vie urbaine et même... le patriotisme.
African way of life
Et les marques, comment naissent-telles ? En 1985, Patrick Liversain, directeur marketing d'Uniwax propose une ligne d'imprimés - non de wax - baptisée Woodin pour vendre des collections thématisées en édition limitée et créer des tendances. Une vision occidentale contraire à la manière dont sont pensés les wax (parfois centenaires). "Woodin le créateur" cible les jeunes aisés de 18-25 ans, jeunesse urbaine, festive qui voyage en Europe et qui va inspirer l'idée d'une promotion à partir d'Abidjan de l'african way of life. En Europe, Woodin surfe sur la vague indigo, créé des tee shirts, recrute des mannequins, s'installe sur les réseaux sociaux. L'african print démarre ainsi.

Les artisans locaux apportent aussi des anciens tissus, leur répertoire traditionnel pour des tissus qui ne sont pas que vestimentaires. Et dans les petites séries, ils peuvent en montrer aux industriels à l'affût des nouveautés. Si vous aimez les animaux sans avoir envie de les chasses, vous ferez honneur aux gazelles, lions, crocodiles, araignées, porc-épic (Ghana), tortue,s paons, papillons, singes, serpents, pintades, coq, hirondelles, poissons (évoquant la prospérité), crevettes... qui agrémentent des décors rappelant la terre, la flore. Qui peuvent métisser des types d'imprimés dont la variété est infinie.

(1) Ed. La Martinière
Pour nous suivre sur Facebook : https://www.facebook.com/geographiesenmouvement


Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.