
La cause est entendue. Nos bagnoles sont les causes d’incommensurables dégâts sociaux, matériels, humains (plus de morts depuis 1945 que les deux guerres mondiales réunies). Nos villes ont été l’objet d’un hold up de la part des firmes automobiles qui ont imposé les voitures individuelles au détriment des modes de transport collectifs. Le scandale des tramways américains (photo ci-contre) mis à la casse est édifiant. Aujourd’hui, les constructeurs nous inondent de messages sur les voitures électriques qui sauveraient la planète. Lucien Willemin enfonce la bagnole, veut nous faire rouler moins, se déplacer à pied, à vélo, en transports publics, « développer de nouveaux modes de vivre ensemble capables de nous combler sans avoir besoin de courir après d’innombrables consommations futiles ».
Son opuscule rappelle les tricheries de VW en 2015, les 300 000 véhicules parqués dans un désert et sitôt remplacés, soit une colonne de 1200 km, ou un bouchon de Strasbourg à Naples. Que faire si les COP ne parviennent pas à redresser la barre ?
Combien d’autos, me direz-vous ? Personne n’en sait rien. Mais on ne cesse les primes à la casse, la prime à la conversion ou à la vignette Crit’air… qui interdira bientôt à tout moteur diesel l’accès à Paris ou Genève en cas de pic de pollution. La santé publique, le climat, tout cela est mis en avant pour inciter à la propulsion électrique. L’industrie automobile est ainsi l’une des plus aidées, sous couvert de protéger des emplois et de participer à la bonne santé de la planète. « Elle est assurée de continuer à surproduire à tour de bras et engranger de juteux bénéfices ». Le parc automobile d’occasion est ainsi exporté vers des pays moins réglementés (merci pour les pauvres de l’Afrique ou de l’Inde).
Le gaspillage de ressources naturelle ne s’applique pas qu’à l’eau, l’énergie, l’alimentation, le plastique, les médicaments. Il est au cœur du système de production automobile. Pourquoi l’accepte-t-on ? Willemin cite le Conseil d’Etat genevois pour sa vignette Crit’air : « la question est celle-ci : est-ce que la liberté d’utiliser un véhicule polluant prime sur le droit à un air sain ? » Le but est louable, mais creusons un peu.
Selon l’Ademe (agence de transition énergétique), 12% des particules fines viennent de l’échappement, le reste concerne plutôt les freins, l’usure des pneus, de la chaussée. Willemin liste l’impact pour des vies humaines de la fabrication d’une voiture : déforestation pour accéder aux ressources primaires du sous-sol, extraction pour la fabrication de l’aluminium (exigeant de l’arsenic, du plomb, du mercure, de la soude caustique), fabrication (énergie nécessaire pour les 180 000 composants d’une voiture). Pour lui, la complexité d’une voiture en fait « l’un des objets les plus polluants de notre quotidien ».
La question qui fâche : peut-on garder sa vieille voiture ? La réponse claire et nette : « contrairement au CO2, la pollution chimique n’est pas compensable. » Plus nous fabriquons de voitures, plus nous empoisonnons le vivant. Garder sa vieille guimbarde est « plus écologique que d’en changer.»
Willemin se met à rêver : « En tant que politicien, je légifère de manière à valoriser le parc automobile tout en préparant la transition de l’évolution du secteur. En tant que citoyen, je renonce à acheter du neuf, garde ma voiture et l’use jusqu’au bout. Les dégâts environnementaux subis par les populations des pays extracteurs, constructeurs et importateurs de véhicules usagés sont écartés ».
Si l’on veut voir plus loin que le réchauffement climatique, il faut agir sur la pollution chimique et la perte massive de biodiversité (extractions, urbanisation, déforestation).
Willemin explique que 300 000 véhicules neufs entrent en Suisse chaque année, impliquant que 70 000 voitures (parfois en bon état) vont à la casse, 150 000 sont exportés (la pollution de l’air est externalisée dans les pays pauvres). Le recyclage est-il la solution sachant que 95% d’un véhicule est recyclable… Willemin enfonce le clou : en 2021, on comptait 33% de voitures en plus sur les routes suisses par rapport à 2000. Folie ! D’autant qu’un grand nombre de PME ont pour tâche d’absorber les véhicules non immatriculés (et non comptabilisés) correspondant au parc d’occasion du pays. Gâchis !

« Le gaspillage est le symptôme d’un manque d’intelligence. » On pourrait ajouter de courage politique pour résister face aux multinationales de l’automobile : qui peut abolir la vignette Crit’Air ? interdire les exportations de voitures ? harmoniser les conditions d’expertise ? reconsidérer l’ensemble des taxes ? autoriser le leasing pour les véhicules d’occasion.
Un appel à une intervention gouvernementale est signé, notamment par Dominique Bourg, Celia Sapart, Jean Ziegler bien connus en France.
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Pour en savoir plus :
Le site de Lucien Willemin
Faut-il entraver les routes ? Gilles Fumey
Le transport urbain est une affaire commune Olivier Ducharme
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