« Empathie » ! Qui découvre l'empathie ? Que ne dit et dira-t-on en son nom ? Encore une marotte ? Des cours d'empathie avec un programme dûment validé par le conseil national des programmes je suppose. Pour avoir séjourné dans cette Education Nationale pour qui le « pas de vague » et « faire comme si » est la double maxime frappée du sceau de l'implicite, il s'agit d'un foutage de gueule dans les plus belles largeurs ou plutôt l'art de dire qu'on s'en occupe quand on regarde ailleurs que le temps devienne beau aux heures chaudes de l'actualité médiatique et émotionnelle.
Des cours d'abord ! Des cours : réflexe de gratte-papiers ! Eussent-ils dit « des heures par intervenant·es (mais qui?) » eut pu sembler crédible mais des cours vite bricolés par quelques non-empathiques de bureau, de cabinet, pour pondre une trame et va comme j'te pousse dans les bahuts...Faut y croire avec la foi du charbonnier.
J'ai bien trop vu et vécu l'absence d'empathie pour croire que du jour au lendemain, cette dimension nécessaire à entendre l'autre dans sa souffrance, dans son angoisse, dans une demande qui ne peut se dire explicitement, qui se dit en symptômes, en mots ailleurs ... peut être prise en compte au claquement de doigt du ministre. J'ai bien trop œuvré comme formateur à ouvrir des horizons dans cette E.N. non par des concepts et des discours mais par la possibilité d'expériencer qui amène chacun à une prise de conscience et une possible intégration dans sa pratique d'écoute et d'accompagnement pour douter que des cours d'empathie puissent changer quoique ce soit sinon donner des éléments de langage pour savoir esquiver sa responsabilité comme nous en avons bien l'habitude à longueur d'antennes et d'ondes.
La dimension empathique est absente à tous les échelons de cette Grande Maison où n'est demandé que la « loyauté » pour ne jamais dire ce qui ne va pas en s'en rendant complice, pour faire comme si ce qui est devant les yeux n'était pas devant les yeux, faire bonne figure pour ne pas effrayer ou alerter des parents. Tous les échelons de ces minables petit·es chefaillon·nes qui servent leurs intérêts de carrière d'abord (sinon dans une servilité à toute épreuve) en utilisant les éléments de langage du moment (quitte à en changer presto quand d'autres arrivent) comme des coquilles vides de sens pour justifier et faire prendre les vessies pour des lanternes des multiples réformes qui n'en sont pas, qui dénaturent ou démantèlent.
Bien sûr certains ont cette faculté empathique mais précisément doivent bien trop souvent la neutraliser, s'en servir discrètement autant que faire se peut pour être au diapason de l'ensemble, pour ne pas se faire trop remarquer, pour ne pas se faire briser comme tant l'ont été, le sont.
Empathie ? Entendre l'autre dans sa dimension souffrante ne suffit pas, si après, rien ne se passe ou se perd dans un temps sans fin des procédures et des atermoiements de ceux qui ouvrent le parapluie plutôt que prendre leurs responsabilités, ce qui coûte cher dans la maison, si après rien n'est mis en œuvre pour remédier au sein des bassins et des établissements.
J'en ai signalé des harcèlements au sein de ces établissements qui sont restés lettre morte quand je n'étais pas prié de me taire, comme si j'avais transgressé un non-dit, soulevé le tapis ou obtenu une réponse de ne rien pouvoir faire sauf changer d'établissement pour l'élève harcelé. C'est fini parait-il. Enfin ? Faudra voir dans les faits.
Encore que le téléphone portable et les réseaux sociaux complique singulièrement l'arrêt du harcèlement car c'est bien avec ce téléphone portable dont on équipe les enfants de plus en plus jeunes qui donne l'exponentielle du harcèlement. Qui dira aux enfants que c'est la peste quand maints parents se rassurent avec cet objet avant de comprendre trop tard qu'ils ont fait une grave erreur parce que trop tôt ? Qui contrôle véritablement cet objet où tout devient possible isolément dans une spirale d'enchaînements avec les pairs ? On ne peut pas à l'infini rejeter aux parents, formule commode et mensongère qui ne rend pas compte de ce que sont aujourd'hui les « familles », désunies, recomposées, non intégrées, parent-célibataire, sans-emploi, enfant laissé seul etc qui masquent la responsabilité collective, notre responsabilité collective et celle des décideurs de ce pays et de ses territoires où tout est fait pour que les entreprises vendent tout ce qui est possible de vendre pour un profit maximal sans se soucier de la santé collective, mentale et physique, en particulier des plus jeunes.
C'est toujours au moment de faits d'actualité médiatisés à forte valeur émotionnelle qu'on semble vouloir se réveiller, que ce soit pour le harcèlement qui conduit à la déscolarisation, à la scolarité gâchée quand ce n'est pas jusqu'au suicide de plus en plus jeune ou la pornographie accessible aux mineurs qui, faute d'une éducation à l'éthique de la sexualité qui établit les fondements du consentement et de l'agression comme du plaisir, construit leur représentation de la norme sexuelle et traumatise quantités de trop jeunes.
L'empathie demande une qualité humaine qui fait défaut à beaucoup pour écouter quand la sélection organisée tout au long des études, dans la promotion des élites et tout au long des carrières écarte ceux et celles qui ont cette qualité humaine pour ne garder que les plus froids, les plus flegmatiques, les plus inémotifs pour prendre les décisions qui perpétuent un ordre qui a mené au dérèglement climatique, la pollution générale, l'effondrement de la bio-diversité comme la dérive autoritaire que nous vivons au jour le jour quoi que dise l'ONU et bien des observateurs extérieurs.
L'Hôpital, l'Ecole, la Justice, des services publics où la dimension empathique du travail se brise sur les décisions politiques qui organisent leur reflux et leur extinction progressive.