Ces deux guerres du XXIème siècle sont deux plaies dans une région du monde marquée par les guerres durant des siècles et au siècle dernier dans toutes les mémoires. Peut-on esquisser quelques similitudes et différences, illustrées par la manifestation à Clermont-Ferrand du 2 mars de la place de Jaude au tribunal à l'appel du collectif pour une paix juste et durable regroupant 33 organisations ?
Ces deux guerres sont menées par deux états impérialistes. La Russie de Poutine veut conquérir par soumission ou déluge de bombes des états voisins pour reconstituer au mieux une Union Russe, sur le modèle de feu l'URSS et ses vassaux, dominée par un seul homme comme elle le fut avec Staline et ses services secrets successifs. Israël s'assoit sur toutes les résolutions contraignantes de l'ONU, du droit international (dernièrement de la décision de la Cour Internationale de Justice) depuis la guerre des six jours en 1967 en aggravant et étendant la colonisation des territoires occupées par tous moyens militaires, destructions et spoliations avec récemment l'armement des colons qui tuent, parfois aidés par l'armée, par un gouvernement d'extrême-droite de religieux fanatiques qui veulent toute la Palestine de la mer au Jourdain. Ce gouvernement mène depuis l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 une guerre contre la population de Gaza aux méthodes génocidaires pour punir, terroriser, provoquer la fuite de la population palestinienne du territoire de Gaza comme les plus extrémistes le réclament. Israël dénie à l'ONU toute validité, veut la disparition de l'Urnwa, rejette en bloc le droit international dans un déni monstreux digne des plus fermés des états.
Chacun de ces états mènent une guerre de l'information à coup de mensonges, de dénis, de manipulations éhontées et massive avec de fausses rumeurs largement diffusées : deepfakes à gogo, récits fallacieux, montages vidéo truqués, complicités journalistiques et d'élu·es ...
La Russie bloque donc au conseil de sécurité toute décision qui condamnerait sa guerre en Ukraine tandis que les USA bloquent toute délibération du dit conseil pour appeler Israël au cessez-le-feu. Les USA de Biden par ses armes et ses finances soutiennent cette guerre génocidaire menaçant sa réélection qui ne paraît souhaitable qu'en empêchant Trump d'y parvenir. La Russie par sa manne gazière et pétrolière peut s'approvisionner en armes et munitions aux états-complices. Au passage soulignons que les paquets de sanctions économiques ne pèsent à peu près rien. Il est nécessaire d'utiliser les fonds des avoirs russes bloqués pour financer l'Ukraine, arrêter les exportations d'armes et de munition vers Israël. Les dirigeants européens et états-uniens ont des pudeurs de financiers, oeil rivé sur les marchés et investissements, pour ne rien faire et proclamer sa solidarité ! Le verbe soit mais sans les actes. Et pourtant, "Plus de 200 législateurs de 13 pays s'unissent pour s'opposer aux exportations d'armes provenant de leur pays à destination d'Israël".
On le voit, on le sait, par les actes de ses dirigeants, le monde occidental adopte une position diamétralement opposée sur ces deux conflits, une position qui, par sa persistance « inadmissible et injustifiable » affecte gravement et durablement sa crédibilité et celle de la valeur des démocraties dans un monde où le régime chinois se pose avec vigueur en alternative : ici, tout est bon pour soutenir l'Ukraine avec la menace du truandage définitif si Trump, candidat-folâmour était réélu en novembre mais c'est déjà ce refus de voter au Sénat une nouvelle enveloppe de près de 100 milliards de dollars compromettant les livraison d'armes et munitions qui font tant défaut sur le front. Là, la réaction génocidaire a été encouragée dès le départ en parlant de droit de se défendre contre les attaques du Hamas quand ces attaques sont enracinées, quoiqu'horribles et inévitablement vécues comme un traumatisme majeur (d'autant plus qu'ils et elles se croyaient protégées par les armes et maints dispositifs de surveillance), dans la colonisation des territoires, le blocus de Gaza, l'apartheid depuis des décennies, depuis 1967 pour l'occupation et la colonisation illégale des territoires occupés de Cisjordanie qui a bondi en avant depuis cette guerre voulue par Israël, ce pays qui pratique la démocratie comme la Grèce antique avec ses esclaves. La démocratie est niée dans son essence même quand elle est impérialiste et veut asservir.
Lire "Nétanyahou ou la stratégie de la négociation sans issue"
Aujourd'hui les déclarations de ces dirigeants ont évolué relativement en appelant le gouvernement de Nétanyahou a une modération relative, à « protéger » les civils (fadaise quand on les bombarde !) sans arrêter les ventes d'armes (y compris la France), sans assécher les circuits financiers et au conseil de sécurité, voter un appel au cessez-le-feu quand le massacre à grande échelle sur 1,7 millions de palestinien·es de Gaza massé·es par la force brute, se prépare. Dernier massacre : cette population, enfants, femmes et hommes, dénutrie, affamée, en mauvaise santé se précipitant sur le convoi ce 29 février a été pris pour cible par l'armée israélienne : 112 morts palestiniens et 760 blessés. Déjà 30 000 morts et bien plus encore de blessés, d'invalides à vie ! De quoi engendrer colère et lutte armée pour des décennies quand mourir les armes à la main n'est plus vu que comme la dernière extrémité soit engendrer le terrorisme pour le dénoncer ! Souffler sur la braise, attiser le feu et éteindre l'incendie qui a bien tendu débute par hasard ! La reprise de manifestations à Jérusalem d'israéliens réclamant la démission du fou furieux qui "a ordonné la libération du fondateur du Hamas en 1997, du maître actuel de Gaza en 2011 mais a refusé celle de Palestiniens partisans de la solution à deux Etats" toujours dirigeant ce pays malgré ces "bévues" (outre ses accusations appuyées de corruption), montre que ce peuple peut refuser cet engrenage.
Lire : « En Cisjordanie, avec ces colons surarmés qui sèment la terreur »
Voici l'hommage rendu avec tristesse et émotions transmis à la famille Yaghi dont deux jeunes exilés ont vécu à Clermont, encore marrainés par une clermontoise : une famille qui a perdu 31 de ses membres tués ou disparus *. A la suite, une minute de silence a eu lieu, suivie par plus de 500 personnes.
Le sort réservé aux Ukrainiennes en France et celui pour les palestiniens est aussi des plus opposé : une organisation mise en place et pilotée dans l'urgence par l'Etat et de nombreuses associations de solidarité pour l'Ukraine assurant un maillage territorial a permis à la France de véritablement accueillir les Ukrainiennes et leurs enfants (80% des accueils). Dès la fin 2022, plus de 100 000 en France. Ce dispositif en réseau démontre qu'il est possible en France d'accueillir dans de bonnes conditions en France.
Pour les palestiniens, nul dispositif d'accueil sauf de contrôle aux frontières ! Accueillir les palestiniens ? Vous n'y pensez pas ; ce serait une immigration incompatible ! Non seulement pas d'organisation pour celles et ceux des palestinien·nes de Gaza qui veulent fuir les massacres (seulement déplorés verbalement) mais les pires conditions pour accueillir les franco-palestiniens : « Galères de l’exil, traumatismes de la guerre : le difficile retour des Franco-Palestiniens de Gaza ». Selon l'origine, la France d'abord, l'Europe ensuite, donne l'image du tri entre les urgences et les traumatismes, entre le sort des enfants dénutris, carencés, traumatisés, à sauver. Tant mieux pour les Ukrainiennes, tant pis pour les palestiniens. Humanité à géométrie variable qui choisit qui sauver qui laisser périr.
Cette défaite de notre humanité prépare des lendemains bien sombres, de violences et de morts. Les bonnes âmes pourront crier à l'incivisme comme l'épée s'enorgueillit de battre l'eau.
Lire : « Aide humanitaire : « Israël doit ouvrir les points de passage et laisser venir les convois »
Oui soutenir l'Ukraine est une nécessité pour enrayer la menace poutiniennne d'extension vers d'autres états en quelque moment qu'il jugerait opportun et espérer abattre par cette défaite militaire ce dirigeant corrompu et assassin de masse à l'égal de ces illustres prédécesseurs. Les difficultés des forces ukrainiennes sur le terrain tient d'abord à l'insuffisance voire l'arrêt des livraisons d'armes et de munition, à l'autorisation de livrer tel ou tel système d'armement vu comme lignes rouges, finalement acceptés mais toujours avec retard sur l'évolution des forces, retard renforcé après les décisions par les délais dû aux nécessités de formation et les contraintes d'acheminement : missiles longues portée, chars, avions.
Il n'y aura pas en Europe de paix durable avec Poutine mais une menace permanente. En ce sens, l'Ukraine se bat bien tout autant pour l'intégrité de son sol que pour la sécurité de l'Europe. Les états baltes - et pas seulement - ne s'y trompent pas. La conséquence positive de cette guerre d'annexion est bien la prise de conscience de la nature même du régime poutinien qui n'a aucune parole, n'hésite aucun meurtre individuel ou de masse y compris de sa population. Ce régime personnel, cynique et cruel constitue une menace permanente et durable. Reste que « Reporterre » pointe encore : « les guerres pourraient nous entraîner dans le pire des scénarios climatiques ». Ses soutiens occidentaux, connus ou pas, sont au pied du mur mais pas sans voix.
Lire : « Poutine, un fascisme construit dans le silence des tombes et des cachots »
L'assassinat de Navalny comme bien d'autres dans et hors les frontières russes montrent qu'il n'y a rien à attendre de ce dirigeant sinon apporter la mort. Le parler-direct de Macron à Moscou devant une immense table face à Poutine avant le 24 février 2022 pour arrêter la course à la guerre est loin et bien hors-course. Les milliers de russes héroïques qui ont assisté à son inhumation à Moscou ce 1er mars, le défilé qui se poursuit devant sa tombe ensevelis sous les fleurs rouges, les désertions et refus d'être enrôlés, les manifestations des mères des soldats montrent que la population de ce grand pays n'est pas à l'unisson derrière ce dictateur qui se targue d'élections-bidons, hochet de toutes les dictatures et régimes autoritaires d'aujourd'hui pour singer le démocrate. Elle est un espoir d'une autre Russie après Poutine mais reste-t-il ou émergera-t-il un leader de la taille et de la droiture de Navalny ? Les dictateurs ruinent aussi l'avenir.
Lire : « Alexeï Navalny enterré à Moscou, en présence de milliers de ses partisans »
Oui soutenir par la solidarité concrète les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie c'est lutter concrètement contre un antisémitisme croissant à mesure de cette offensive diabolique, lutter pour un chemin de paix durable même s'il est bien difficile et improbable aujourd'hui dans cette région du monde qui est en permanence menacée par une extension ou une explosion. C'est encore lutter contre le terrorisme et l'extrémisme qu'il soit religieux ou pas. Le terrorisme se nourrit des « deux poids, deux mesures » désormais manifestes au plus grand nombre. L'extrémisme religieux au pouvoir en Israël pour sauver la peau corrompue de Nétanyahou nourrit puissamment l'extrémisme et le terrorisme comme seule arme possible quand cette nation n'a jamais, hors accord d'Oslo (quoique limitée) cherché la paix mais seulement la terreur pour soumettre les palestiniens au sort des vaincus comme la Rome antique. Je crois aussi que c'est appeler au souvenir et au respect des victimes de la Shoah qui voulaient une terre sûre et en paix après un génocide sans pareil ; une Shoah qui ne soit plus, plus jamais instrumentalisée par un pouvoir colonisateur et criminel
« … Les violations du droit, les tortures sadiques infligées aux prisonniers, le ciblage délibéré de civils, de femmes et d’enfants. La population est soumise à de graves pénuries d’eau, d’abri, de médicaments, les maladies se propagent. Selon l’ONU l’immense majorité de la population est menacée de famine. Israël ne laisse entrer qu’au compte-goutte l’aide alimentaire quand elle ne massacre pas les affamés qui se pressent à l’arrivée d’un convoi. Ce n’est pas le Hamas qui le dit, ce sont tous les experts internationaux, tous les médecins de retour de l’enfer qui livrent des témoignages insoutenables. Netanyahou est déterminé à lancer une attaque terrestre contre Rafah où se massent 1,5 millions de personnes. Les raids et arrestations dans les camps de Cisjordanie se multiplient. A de rares exceptions près, les gouvernants du monde, sommés par la CIJ de prendre des mesures ne bougent pas, passant ainsi de l’inaction à la complicité. […] Certains pays comme l’Afrique du Sud, l’Irlande, la Belgique l’Espagne, les Pays Bas, le Japon, le Brésil, Cuba, la Colombie ont à cœur de faire leur devoir en prenant des premières mesures. D’autres gouvernements comme le nôtre ne font rien... » Extrait de la déclaration de l'AFPS 63 par Marie-Joëlle Vandrand
Certain·es peuvent se sentir impuissant·es. Nous sommes tous et toutes saisis d'effroi par ces monstruosités et ces souffrances de millions de personnes que même dans nos pires cauchemars nous ne pouvions imaginer. Qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs, peu importe, la souffrance infligée est une souffrance pour tout être humain qui n'a pas perdu son humanité. Nous sommes tous et toutes impuissants pour arrêter ces massacres mais pas pour manifester de tant de manières une solidarité concrète. Se prendre le chou et se lamenter de notre impuissance et seulement cela est une sorte de lâcheté, de déni ou de désespérance personnelle qui ne la cherche pas même si elle paraît insuffisante à un instant T. Tout peut participer aux pressions, qui, par leur enchaînement, leur répétition, leur massification peut entraîner les décisions et les actes qui amènent la fin des massacres et des guerres. La campagne BDS (Boycott – Désinvestissement – Sanction) est un acte de solidarité qui peut et doit être utilisé, d'abord par le boycott des produits israéliens, boycott légal comme l'a bien expliqué Maître Jean-Louis Borie (syndicat des avocats de France) devant le tribunal de Clermont-Ferrand; les manifestations dans les villes du pays, l'information prise aux sources fiables, lire les ouvrages sérieux et fiables, le versement de fonds même modestes, les discussions, ce que nous en disons et les couleuvres que nous n'avalons pas, la participation aux actions et événements contre ces conflits, l'action dans des associations solidaires... tant de possibilités et bien d'autres pour son action solidaire et calmer son impuissance pour que trop prégnante, elle ne paralyse pas, n'enferme pas dans une désespérance bien dommageable. Déprimer devant sa télé ou lutter avec ses moyens est l'enjeu de chacun·e dès maintenant et des années qui viennent pour nombre de personnes qui sont ou deviennent conscientes au fil des événements dramatiques. Ceci me paraît vrai pour toutes ces utopies qui nous traversent, ces espoirs qui s'enfuient et semblent bien loin. Le seul combat perdu est celui qui n'est pas livré. Le reste est affaire d'impatience et, avec ses moments de doute, de ténacité individuelle et collective.
Voici ce qu'en dit Marie-Joëlle pour l'AFPS 63
Et le 10 mars au Puy-de-Dôme
Agrandissement : Illustration 5
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* " A la fois tristes et en colère, nous témoignons toute notre sympathie et notre solidarité à Karam et Mohammed Yaghi et à toute leur famille à Gaza, en Cisjordanie et en Jordanie. Nous avons une pensée émue pour leur cousin Ahmed YAGHI tué à Gaza par des snipers israéliens comme 350 autres jeunes manifestants pacifiques lors des marches du retour en 2018. Pour les 17 personnes tuées en novembre 2023 à Gaza, les 14 disparus. Pour leur cousin Ahmed Mohamed Yaghi résistant de 17 ans assassiné à Hébron le 26 décembre. Enfin Nawal va nous lire la liste des membres de la famille assassinées dans leurs maisons dans la nuit du 22 au 23 février à Deir Al Balah dans le centre de la bande de Gaza
Marwan Youssef YAGHI
Maram Abdel YAGHI et ses fils Youssef Marwan YAGHI
et Abdel Fattah YAGHI
Muhammad Youssef YAGHI, son fils Youssef Muhammad YAGHI
et ses filles Rana Muhammad YAGHI et Nour Muhammad YAGHI F
Somaya Abdel YAGHI F et sa sœur Amal Abdel YAGHI
Aïda Abdel YAGHI, sa sœur Nahida Abdel YAGHI et son frère Meshal Abdel YAGHI
Dana Mishal YAGHI
Abdel Majeed YAGHI
Abdul Aziz YAGHI
Nevin Fathi YAGHI
Nahida Fathi YAGHI
Louay Fathi YAGHI et son frère Muhammad Fathi YAGHI
Alaa Nasser YAGHI
Muhammad Tishreen YAGHI et sa femme Dania Hatem YAGHI
Mahmoud Abdel YAGHI
Nisreen Sobhi YAGHI
Muhammad Mahmoud YAGHI
Roua Louay YAGHI
Muhammad Louay YAGHI
Muhammad Samih YAGHI
Baraa Muhammad YAGHI (enfant)
Mahmoud Muhammad Yaghi (enfant)
Meshaal Abdel YAGHi (enfant)
Alaa Muhamad YAGHI