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Billet de blog 4 juin 2025

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Avec les yeux de "Sonia ou l'avant-garde"

Michel Lévy a publié le roman « Sonia ou l'avant-garde » et m'a demandé de lui en donner ma vision de lecteur. La voici, après lui avoir envoyé une première version et suite à ses remarques opportunes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Paru en décembre 2024, ce livre fort est bien écrit avec, en particulier, des descriptions fines et pertinentes qui dénotent un vrai sens de l'observation. Il ménage un suspense qui ne se dément pas avec sa mécanique huilée qui vous entraîne à poursuivre sa lecture jusqu'au final bouillant en forme de suite à inventer selon son désir ou son espérance.

L'intérêt de ce livre très politique sous ses airs de roman réside d'abord dans la dynamique d'une sorte de société future – même si elle situe l'action de mars au 1er mai 2025 - qui rapporte toutes les turpitudes de notre époque avec son cortège d'injustice, de violences et de répression quand nos libertés, individuelles et collectives, sont bafouées toujours plus. Les faits décrits synthétisent ce qui fait le combat malgré les divisions, la solidarité malgré ses failles et ses sens uniques dramatiques. Je l'ai lu avec cette distance temporelle qui m'a fait m'engager dans sa lecture que sa temporalité dans notre printemps de reculs successifs rend plus difficile.

L'intérêt de ce livre présente le cheminement de la personne centrale du livre qui a rompu tout lien avec le monde extérieur suite à moult risques pour sa liberté et sa vie. Nous apprendrons ce passé au fil du récit écrit à la première personne du singulier. Cette attitude extrême où se cacher et se détacher de tout concerne tous ceux qui font le dos rond ou ne veulent pas voir le réel par crainte, par peur ou un sentiment d'impuissance qui submerge toute vélléité d'action devenue à ses yeux inutiles. Ce personnage évolue progressivement, dépassant son inaction chronique et sa peur, vers un nouvel engagement de plus en plus important gagné par des relations fraternelles que d'aucun aimerait retrouver dans la vie réelle et les combats qu'il mène. Un livre c'est modeler le réel à sa convenance rêvée. Finalement chacun a son vécu qui lui sert d'expériences et de convictions avec les risques de s'y enfermer.

Nous comprenons que l'auteur a trouvé ce point de vue original - réussi pour une grande part - afin de promouvoir sa propre conviction  :  le « communisme » que l'on pourrait qualifier d'originel. Bien sûr, les pays qui ont instauré un régime dit communiste pour mettre en place des dictateurs sanguinaires sont disqualifiées d'emblée (on ne peut guère les justifier d'ailleurs). Pourtant, sans une analyse complète et précise des leçons à tenir de ces massifs et bien longs dévoiements aux conséquences apocalyptiques en dizaines de millions de morts et tant d'autres traumatisés, spoliés et traités plus bas que terre, la répétition du communisme (pour improbable qu'elle soit) semble plus tenir à une croyance sensible qu'à une possibilité mobilisatrice et constructive. Mais pour "les communistes" et ceux qui s'en réclament, la nostalgie, bien compréhensible, peut-être celle d'un éternel futur radieux. Le mantra est donc répété quitte à recycler une idée disqualifiée. Faut-il vraiment se battre pour un mot quand l'idée est l'essentiel ? Là est probablement la faiblesse relative de ce livre qui tient du roman autant que de l'essai politique basé sur la critique de ce monde qui court à la catastrophe au grand dam de ce petit monde des conscients qui le savent et pourtant combattent cette évolution qui engage le vivant dans l'action individuelle ou collective.

Plus sérieux me semble être ce qui traverse certains débats ou non-dit de stratégies autoproclamées révolutionnaires : s'autoriser à la lutte armée pour combattre la répression de pouvoirs qui disposent de toutes les formes possible pour étouffer les révoltes, les jacqueries, les émeutes et dans l'imaginaire révolutionnaire, la révolution planétaire par les peuples. Il est dommage que cette question des fins et des moyens n'est pas trouvé plus de débats dans ce livre comme si l'auteur, - peut-être - le personnage principal - sans doute - semblait admettre comme nécessité le recours par glissements successifs à un certain niveau de violence ce qui ne peut être évacuer si vite quand on sait et qu'on ne met pas de côté les violences extrêmes de ceux qui, par justification idéologique erronée, ont pris les armes (et finissent par tuer quoique soient les déclarations de départ de se limiter aux biens) dans une dérive totale qui ne peut qu'être combattue et ne pourra qu'être combattue. La violence armée est plus qu'une dangereuse illusion, elle appelle toujours plus de violences dans une spirale qui écrase tout et d'abord les causes qui l'embrassent avant ou après la prise du pouvoir attendue.

Le livre se termine sur un point d'interrogation qui ménage les scénarios possibles dans une sorte de rêve millénariste de ceux ou celles qui se veulent révolutionnaires, avant-garde éclairée.

Le personnage de Blondie-Sonia est bien celui d'une femme vue par un homme, le narrateur, décrit avec talent et finesse en évitant le piège sexiste de la « belle femme ». Il irradie des pages de ce livre pour nous embarquer dans une relation complexe où la relation humaine devient au moins aussi importante que les combats qui ne finissent jamais. Le futur ne peut sacrifier totalement au présent. C'est heureux. L'extrémisme aujourd'hui se nourrit du sacrifice de sa vie. « Mourir pour des idées … mais de mort lente » chantait justement Brassens. Autre chose est la balle qui fauche la vie au hasard. De celle ou celui-là, on parle de « sacrifice de sa vie » C'est seulement une formule de style pour héroïser a posteriori.

L'ouvrage délivre une multitude de citations, pertinentes parfois, pas toujours éclairantes, énigmatiques quelquefois.

Il peut faire passer quelques heures à voir le présent avec les yeux d'un avenir plus juste en se convainquant que la lutte est plus que jamais nécessaire dans cette période des plus anxiogène et des plus dangereuse par l'inaction, la démobilisation, le sentiment d'impuissance à combattre en permanence.

Peut-il permettre de s'interroger sur sa propre inaction ou sa passivité teintée d'éructations verbales intempestives ? Peut-il dépasser le cercle des convaincus, enjeu toujours présent, barrière toujours difficile à franchir ? La forme littéraire réussie, le suspense entretenu pour savoir où nous embarque cette histoire, peut y aider.


Si vous vouliez vous procurer ce livre, vous pouvez le commander à l'éditeur à Orléans, un petit éditeur, qui n'a guère de moyens de promotion et c'est pas mon but qui est le partage : www.editions-infimes.fr

Illustration 1
Couverture du livre

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