Psychologue en retraite - Photographe et Journaliste-citoyen - Militant comme je peux encore...
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Marcher
Marcher pour aller de l'avant dans l'espace ouvert, se sentir vivant et vibrant, cheminer où mènent les chemins, respirer, sentir, vivre enfin avec ses seuls pas pour se retrouver chemin faisant. Marcher sans autre but que marcher comme bonheur pénétrant, léger et profond, des rencontres-surprises, de soi et du pays, tout sens en éveil.
pour aller de l'avant dans l'espace ouvert, se sentir vivant, vibrant, cheminer où mènent les chemins, respirer, sentir, vivre enfin avec ses seuls pas pour se retrouver chemin faisant. Marcher sans autre but que marcher comme bonheur pénétrant, léger et profond, des rencontres-surprises, de soi et du pays, tout sens en éveil.
Marcher au moins en boucle sans revenir sur ses pas, se retourner peut-être. Rencontrer d'autres marcheurs, les saluer, parfois plaisanter ou tout autre échange, le temps d'un bref arrêt où l'une m'a dit « Courage ! » auquel je répondis « Pas de courage, c'est du bonheur ! », s'arrêter et prendre le temps de quelques minutes à échanger avec ces paysans qui font le pays autant qu'ils y vivent, un temps jamais perdu mais à vivre voire apprendre ? Celui-ci retraité, juché sur son tracteur dans une cabine toute consumée : il avait pris feu sournoisement et lui de l'éteindre au risque de sa vie devant son fils désemparé ; vallait l'attente en bout de champ, pour se dire bonjour, se renifler et l'écouter, de le savoir ici dans son âge avancé, souriant et disert.
Etre là, sur ces chemins, ces sentiers à peine tracés qui traversent monts, puys, sucs, rivières et couze, cheyre et vallées, c'est se relier à tous ses bruits discrets, ses vies discrètes, ces odeurs évanescentes ou vives qui montent soudain au détour d'une haie ou du champ fraîchement coupé, fumé, se surprendre à rêver, s'émerveiller encore, se sentir heureux loin du tumulte, du brouhaha, du tohu-bohu du quotidien qui nous plombe et nous éteint, force vive anéantie par la nécessité qui presse ou celle que nous nous donnons, inutile et stérile. L'odeur de l'étable, du crottin de cheval, des biquettes et leurs petits, tout est bon à sentir, plaisir olfactif quoique citadins en pensent.
Marcher longtemps alors marcher sans vitesse mais durer dans un temps long qui va sa journée, temps suspendu aux pas adaptéx aux chemins, montées, descentes, cailloux, herbe, flaques d'eau, sol sec et poussiéreux ou sous ces ombrages hauts des grands arbres majestueux comme nous protégeant, nous honorant au passage quand notre espèce animale prédatrice se livre à tant de destructions. Pas dans la nature mais humblement en être pour ce temps plus précieux que tout autre qui est aussi intime que bien d'autres, seul, à deux ou plusieurs.
Monter au pas lent et court qui garde le souffle sans essouffler. Peu importe qui passe et nous dépasse ou dépassons des plus rapides aux plus lents ; Marcher est affaire intérieure avec soi dans une nature qui ne cesse d'offrir et de se parer de changements divers. Affaire de saison, de météo, de travaux, de passage, d'heure dans la même journée.
Vous le trouvez défoncé ce chemin tissé de vermilis comme par acharnement, par ses défenses recourbées, le sanglier a mulotté dans la terre pour trouver ses racines, vers, glands et larves chéries ; tant d'autres petits animaux juste un peu dérangés par le bruit de nos pas qui détalent prestement vers un couvert plus sûr. L'avez-vous vu ou seulement entendu par les feuilles vibrées ?
Ainsi repasser sur les mêmes chemins offre toujours une expérience à vivre renouvelée pas moins que s'engager sur de nouveaux chemins qui donnent le frisson de la découverte incertaine, de surprises inopinées ou comme disait la chanson « s'évader dans la nature ». Transpirer sont les larmes du corps expulsées au dehors quand celles de l'enfance depuis longtemps asséchées ne répondent plus à nos chagrins.
Marcher n'est pas seulement marcher mais se sentir relié à la terre-mère, sa beauté jamais banale quand l'Homme ne l'a pas saccagé à coups de routes et d'autoroutes et tant d'autres dégâts. La beauté est partout à découvrir : dans le bruit du ruisseau qui clapote, étincelle au soleil sur les pierres à moitié immergées dans son lit ; le bruissement des branches hautes au moindre souffle du vent comme pour dire de l'écouter au plus profond de soi en se laissant vibrer ; ces odeurs qui surprennent comme un parfum reconnu presqu'oublié ou retrouvé à pareille époque annonçant le présent de la saison et déjà le temps qui passe ; ou encore, à ce point d'altitude où s'ouvre l'étendue que parcourt les yeux avides de s'enivrer de la lumière, du relief, de reconnaître les lieux qu'une particularité identifie sans nul doute et celui-ci que nous ne savons pas, se sentir au fond à sa juste mesure, bien petit, vulnérable pourtant tout enchanté d'une telle splendeur ; enchanté, ce chemin étroit bordé d'arbres silencieux qui rappellent d'autres images de l'enfance...
L'enfance ? marcher c'est retrouver l'enfance pour s'émerveiller, se réjouir, laisser le temps filer et s'en moquer ; retrouver l'innocence qui accueille avec confiance et s'en remet à demain. C'est retrouver le sens du pas humain qui mènent loin, pourtant sans se presser. Comme il mène loin ce pas quel qu'il soit ! L'essentiel c'est de marcher longtemps, de prendre le temps et ce temps pour se nourrir de beautés, de vie, d'espoir et de souffle. Où que nous soyons, marcher comme besoin vital et peu importe comment, pourquoi et où : marcher.
Quand La fatigue vient bien sûr mais plus loin et plus tard si votre pas est ajusté au terrain, à votre ardeur, à votre forme du jour. Alors les derniers kilomètres, quel que soit l'âge et l'entraînement nous rappellent à notre condition humaine : Nous aurions voulu marcher encore et encore sans arrêter ce pas qui mènerait au bout de la nuit, au bout du monde. Il faut pourtant bien s'arrêter, se restaurer et dormir après la journée ou l'après-midi pour une nuit de repos avant de repartir, peut-être le lendemain ou un autre jour, pas trop lointain, pour se croire à nouveau redevenir nomade, itinérant ou voyageur et passer sa vie en chemin comme traces humbles et nécessaires, juste et patiente, incertaine... mettre l'aventure au cœur de nos vies, malgré tout.
J'ai pris toutes ces photos dans le Puy-de-Dôme sur différents sites que certain·es pourront reconnaître ... petit jeu pour marcheurs locaux..les autres, passez par ici.
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