Agrandissement : Illustration 1
Ce jeudi 6 juin à 14h sur le site même de la plate-forme industrielle de courrier (P.I.C.*) de Lempdes au sud de Clermont-Ferrand, près de 150 personnes très diverses se sont retrouvées à l'appel des sections syndicales SUD-PTT et CGT- fédération des activités postales et de télécommunications, pour refuser sa fermeture au 1 janvier 2026. Ce site est unique en Auvergne qui fait le tri du courrier pour ses quatre départements, plus la Creuse et la Corrèze. Dès 2025, une transition vers la fermeture privera de tri sur place, maintes destinations actuelles. C'est un séïsme pour les salarié·es de cette plate-forme, une annonce qui montre de plus une absence de dialogue social dans l'entreprise qui ne date pas d'hier.
Agrandissement : Illustration 2
Fabienne Dupin, secrétaire de la section syndicale Sud PTT donne le ton : « Le 18 mars dernier, nous apprenions avec stupeur et sans ménagement que notre activité partait vers trois autres P.I.C [...] Dans sa grande bonté, la direction nous permet de suivre notre activité à Bordeaux, Montpellier et Lyon.... Notre vie est bien installée en Auvergne et surtout nous avons articulé notre vie familiale et sociale autour des horaires de notre activité à la Pic Auvergne malgré de nombreuses réorganisations tous les deux ans auxquelles il a fallu s'adapter. Il faudrait qu’on accepte tout ça sans rien dire, et qu'on aille bosser ailleurs ! Mais où ? Nous avons pour la plupart des carrières tellement explosives, des grades tellement élevés, qu’on nous dit qu’on pourrait éventuellement postuler comme facteur... N'oublions que beaucoup d'agents ont rejoint la Pic pour s'échapper de la distribution et elles ou ils devraient y retourner ! La moyenne d'âge à la Pic est de plus de 50 ans, soyons sérieux ! Nous n'acceptons pas d'être la variable d'ajustement de leur profit. Nous sommes rassemblés aujourd’hui, devant notre Pic, pour dire « Non » à la fermeture, « Non » au peu de considération que l’on nous donne comme avenir. Nous sommes toutes et tous très affectés par la situation, nous exprimons un très grand désarroi et une incompréhension totale. »
Agrandissement : Illustration 3
L'absence de dialogue social sur le site
Agrandissement : Illustration 4
Pour l'absence de dialogue social, Marianne Maximi, députée LFI du Puy-de-Dôme, intervenant après les organisations syndicales et ceinte de son écharpe tricolore, en dresse le constat : « il n'y a plus grand chose de service public quand on voit la façon dont sont traitées aujourd'hui les personnes qui travaillent ici avec un management très brutal, très très brutal et ça c'est inacceptable, ce sont des méthodes inhumaines qui ont conduit à des drames dans plein de boîtes et notamment dans l'histoire de La Poste. Il faut entendre au niveau de la direction qu'on ne peut pas imposer comme ça par en haut avec brutalité une mesure aussi grave, qu'il faut évidemment du dialogue social et respecter les organisations syndicales et tous les travailleurs et travailleuses... je serais avec mes collègues évidemment présente tant qu'il le faudra à vos côtés et il ne faut pas lâcher »
Fini le tri ici et balade du courrier en France
La direction de La Poste ne parle pas de fermeture mais de « réorganisation », vocable-enfumage comme celui du nouveau sigle post-PIC : « PPDC multiflux » soit « plate-forme de préparation et de distribution du courrier ». Vous ne voyez pas la différence ? C'est bien simple : il n'y aura plus de tri dans cette nouvelle plate-forme. Le courrier sera envoyé à Lyon puis éventuellement à Montpellier ou à Bordeaux. Suivez le guide :
Agrandissement : Illustration 5
« Le courrier de l'Allier et du Puy-de-Dôme sera trié à Lyon. Celui du Cantal et de la Haute-Loire sera trié à Montpellier. Celui de la Creuse et de la Corrèze qui est trié actuellement ici partira à Bordeaux. Tout le courrier partira à Lyon quitte à le réacheminer à Montpellier ou à Bordeaux. Exemple pour un courrier qui part de l'Allier à destination de la Haute-Loire : avant, le courrier venait ici, il y était trié et partait en Haute-Loire. Ce nouveau cheminement devient : il vient ici, n'est pas trié mais part à Lyon puis de Lyon part à Montpellier et enfin trié revient ici. ». Propos recueilli auprès de David MICHAUX, secrétaire départemental de la Fédération CGT des activités postales et télécoms (FAPT)
Le verrou J+1 a sauté
Pour l'usager, ce cheminement a été rendu possible en supprimant purement et simplement le fameux timbre rouge aujourd'hui disparu soit la distribution à J+1 du lendemain, un verrou qu'il fallait faire sauter. Dès lors, La Poste peut faire durer le délai d'acheminement pour distribution à deux, trois ou quatre jours. Ce zigzag en France du courrier prendra inévitablement plus de temps. Et tant pis pour l'usager devenu client dont le service est dégradé.
La changement climatique de La Poste
C'est aussi une « mesure écologique » évidente qui va mettre encore plus de camions sur les routes, sur de plus grandes distances et fera donc baisser les gaz à effet de serre de La Poste qui se targue d'éco-machin et de sobriété énergétique. De l'affichage. Exactement le contraire. Les petits véhicules électriques de la distribution vont cacher cette augmentation du trafic camions bien polluants mais ceux-ci ne seront pas vus plus qu'aujourd'hui.
Une politique nationale de fermeture de la plupart des PIC
C'est pas l'Auvergne qui est attaquée en tant que telle. D'autres PIC ailleurs en France doivent aussi fermer pour ces trafics longue distance imaginés par Kafka au regard des exigences de sobriété de notre temps : « Caen ,Valence, Strasbourg , Roye (Somme), Poitiers, le Loiret font les frais d'une réorganisation nationale de La Poste. » déclare Fabienne Dupin, secrétaire de la section syndicale Sud PTT. Ajoutant « et ils veulent en fermer plus ». De 22 PICs en France, il n'en resterait plus que 9 ! Tant pis pour le service aux usagers dégradée, la pollution en hausse, les salarié·es laissé·es sur le carreau.
Il s'agit bien d'un plan national de La Poste, société privée pour réaliser encore et encore des économies quitte à casser ce service public ou ce qu'il en reste avec des fermetures sur nos territoires. Le seul argument avancé c'est la sempiternelle ritournelle de la baisse du courrier et des économies à réaliser toujours plus.
Les salariés sur le carreau devraient tout encaisser
C'est donc un mauvais coup pour l'usager que nous sommes, pour le ou la citoyenne que nous sommes mais d'abord pour ces salariés pris à la gorge, pion jetable. La moyenne d'âge des salariés du PIC c'est 50 ans. Pas un âge où on peut aisément changer de métier ou se réinstaller ailleurs.
Cette plate-forme, c'est cent-quarante salarié·es en CDI ou fonctionnaires (ancien statut d'une Poste service public révolu), cinquante à soixante intérimaires qui interviennent tous les jours. Pour ces derniers, la porte ! On ne renouvelle pas le contrat, c'est tout. Quatre-vingt dix seulement seraient gardés sur le site à charger et décharger pour le compte d'entreprises. Ces cent-quarante salarié·es vont donc devoir se trouver un emploi à la Poste ou ailleurs. La Poste, c'est très peu de possibilités en bureaux de poste, en centre financier, en guichet. Il faudra essentiellement devenir ou redevenir facteur à un gros détail près : sur cent-quarante agents, quarante-sept ont des restrictions médicales avérées notamment une reconnaissance MDPH. La plupart du temps, ils et elles sont d'anciens facteurs qui ne pouvaient plus faire de distribution usé·es par ce travail et qui se sont retrouvé·es au centre de tri. Que peuvent-ils donc faire maintenant sauf à retourner facteur qu'ils ou elles ne peuvent plus faire ?
Trois témoignages de salarié·es du site en disent long
« J'ai 31 ans de poste et j'ai 59 ans. Je suis handicapée reconnue MDPH suite à un cancer. Je suis fonctionnaire et je ne peux pas être licenciée. On doit me retrouver un emploi mais quel emploi et rien n'est dit là-dessus ? Qu'est-ce qu'on va faire de nous ? On nous propose rien, on nous dit rien de rien. On le vit mal, très mal. On a fait toute notre carrière à la poste, En fin de compte qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ? » Frédérique
« Depuis 36 ans en CDI dans la boîte, à 4 ans de la retraite. Je vais faire quoi moi ! On ne fait que de la manutention ici. Là, ils proposent rien tout de suite. On nous dit rien. A quatre ans de la retraite, je ne veux pas me retrouver à Lyon ou à Montpellier alors que Montpellier va fermer quelques temps plus tard. On a une vie. Ma femme travaille dans le coin. Tout le monde à fait construire. Tout le monde a sa maison ici. On va pas tout revendre pour le plaisir de La Poste pour se barrer ailleurs » » Gérald
Facteur ? Factrice ? En savez-vous les conditions de travail ? « Facteur c'est un métier très difficile par rapport aux conditions de travail. Physiquement c'est dur. Je faisais une tournée en vélo du lundi au samedi donc pas de week-end complet par tous les temps. Les intempéries ... Les collègues ont pris ces deux mois de flotte sur la figure, dehors du matin jusqu'à l'après-midi. Il y a encore quelques facteurs à vélo mais même avec les voiturettes électriques, ils prennent la pluie pareil sur les côtés, les fenêtres sont ouvertes. Et même en voiture, il faut monter descendre puis remonter en voiture tous les 20 mètres. C'est contraignant et physiquement c'est hyper pénible. » Témoignage d'un salarié du site.
Les services publics dégradés pour ouvrir le marché du privé
Sinon c'est déménager dans une autre PIC d'une autre région qui elle-même peut être menacée ! La Poste laisse faire et ne prépare ni reconversion ni reclassement sérieux préférant laisser porter la responsabilité d'une recherche à ses salariés comme pour mettre sur le dos la responsabilité future d'une difficulté de reclassement. Sa responsabilité ? Nenni aucune. Les pions doivent se débrouiller, face à La Poste, société anonyme détenue par l'Etat Français à l'opposé de La Poste d'autrefois, service public irriguant les territoires et les campagnes. Une société, détenue par un état libéral, se doit de réaliser des profits et le service du public et de proximité n'est plus qu'une argutie commerciale de façade. Organiser le dysfonctionnement des services publics est devenu stratégique pour donner des marchés au privé aux aguets.
Les gares ont fermé, les petits lignes aussi ; les écoles rurales ont fermées, les gamins prennent le car ; les guichets de La Poste se sont raréfiés, les Dab ruraux c'est galère, des gendarmeries ont fermé, des maternités ont fermées (oui, oui, on sait, pas assez de naissances qu'ils disent), des services hospitaliers et des lits ont été supprimés, histoire de partir valide et d'arriver malade à des dizaines de kilomètres ou plus ; les préfectures ne reçoivent plus, les impôts s'éloignent, tout est sur internet (débrouillez-vous). Les services publics ne sont plus qu'un affichage quand ils sont au cœur des services de proximité nécessaire à la population, au bien commun des territoires. Et il faudrait rouler à vélo, covoiturer et acheter électrique ! C'est une politique de dévastation des territoires qui ne s'intéresse qu'aux grandes métropoles et la rentabilité.
Agrandissement : Illustration 7
André Chassaignes, venant de MeTex à Saint-Bauzire, député PCF de la circonscription décrit avec verve la dégradation continue de tous les services publics « confrontés à des questions de rentabilité où celui qui est le bénéficiaire d'un service public devient un simple client » . Il précise :
« J'ai vécu et je vis toujours sur le territoire que je représente à l'Assemblée Nationale, dans les villages qui sont notamment les villages du Livradois- Forez, où année après année quand j'étais maire de ma petite commune de Saint-Amant-Roche-Savine, nous avions dans la poste locale, les facteurs qui venaient, qui triaient le courrier, qui connaissaient les usagers et non pas les clients... Il y avait cette proximité, il y avait la rapidité de la distribution, il y avait la connaissance de la population et aujourd'hui petit à petit, d'abord la suppression du tri dans le bureau de poste parallèlement d'ailleurs à la séparation entre l'activité du guichet et la distribution, et puis il a fallu aller chercher le courrier à Ambert qui pendant un temps a quand même été trié sur place et ensuite c'est les sacs qui sont préparés sur Ambert. On a vu cette dimension de la distribution au plus près de la population, au plus près des usagers qui ne sont pas des clients, démolie. Aujourd'hui après les différents coups qui ont déjà été portés sur les centres de tri, on voit qu'une plate-forme comme la vôtre, est une plate-forme qui est menacée au nom de quels intérêts, tout simplement les intérêts financiers d'un service public qui n'en est plus un, qui cherche à économiser, un comportement d'entreprise privée purement et simplement. C'est contre ça qu'il faut lutter...»
Fidèle à son accent et aux expressions du terroir, il ajoute : « Ils ont la queue du renard qui leur sort de la gueule et ils disent qu'ils ne l'ont pas croqué ». Et quand on les interroge ils nous disent : « Mais l'évolution, la mutation de la plate-forme de Lempdes, ça répond à des intérêts écologiques et ils expliquent – j'ai le courrier- qu'il y aura moins de kilomètres parcourus, qu'ils sont en plein dans une politique pour lutter contre un changement climatique...». On rêve !
Agrandissement : Illustration 8
C'est encore Pierre Miquel, élu municipal PCF à Clermont-Ferrand et responsable du PCF 63 qui enchaîne : « C'est une doctrine libérale qui massacre nos services publics et notre outil de travail. Je vais vous dire que dans cette lutte on y est toutes et tous à un moment. Elles convergent ces luttes. Pour exemple dans quelques jours le 18 juin, les cheminots seront mobilisés sur la question du fret tout près d'ici, à Gerzat au triage des Gravanches...
A Clermont-Ferrand, il y a eu la fermeture de pas mal de guichets et de bureaux de poste. Le bureau de Dellile, de Lafayette, la plaine, Croix de Neyrat... Cette casse est inadmissible... Je veux vous dire qu'en tant qu'élu communiste à Clermont, avec mes collègues et camarades, on va déposer un vœu au Conseil municipal du 21 juin sur l'avenir du service public postal à Clermont-Ferrand dans l'agglomération et sur le département. J'espère qu'une grande majorité des élus municipaux voteront ce vœu et demanderont à la fois à l'Etat qui est principal actionnaire de la Poste et à la direction de la Poste de revoir leur copie. »
Agrandissement : Illustration 9
Cette lutte des postiers de la plate-forme industrielle du courrier ne fait que commencer. Ici, la rentrée sera mobilisation et lutte contre la fermeture.
* qui a remplacé les centres de tri d'autrefois