Sur tout le territoire, des réseaux multiples de solidarités se sont créés et s'emploient pour faire face aux besoins locaux de la vie sous cette épidémie. Mémé Chantal est une de ces femmes de caractère, Gilet Jaune des ronds-points devenue petites mains habiles au service d'autrui. Elle fabrique des masques et nous offre ce billet :
Le 15 mars sur la messagerie Telegram du groupe « A cause de Macron », avec le déclenchement du plan blanc, Stella, infirmière, nous informe de l'appel des hôpitaux lançant la réquisition des étudiants et des retraités de moins de 50 ans. C'est ce jour-là qu' apparaît la première proposition de masques en tissu avec le tutoriel du CHU de Grenoble.
Stella et Carine commencent à en parler sur les réseaux. Étant informée que la réquisition porte sur les jeunes soignants retraités de un à cinq ans, mais retraitée depuis plus de cinq ans, je décide de remanipuler les aiguilles mais pas les mêmes pour me lancer dans la fabrication de masques. J'imprime le tutoriel du CHU de Grenoble et le découpe dans du carton pour me faire le prototype.
Élastique tissu. Où vais-je trouver cela ? Un rideau en coton fera l'affaire. Pas d'élastique. Je contacte ma voisine Cristal qui me fait passer par-dessus la clôture ce qu'elle possède. Je fais mes premiers masques que les personnes viennent chercher sur le bord de ma fenêtre, ce qui nous donne l'occasion de communiquer en respectant les distances. Cristal poste sur le fil Telegram qu'elle a un contact avec un responsable du magasin Cora voisin qui souhaite tester ces masques.

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Je lui en fabrique quatre qu'elle se charge de leur porter. Je fais deux propositions avec des liens et deux avec un élastique autour des oreilles. Je les termine à 4h du matin et les porte directement chez Cristal en les posant sur le pare-brise de sa voiture ce qui me permet de marcher, prendre l'air, puis dodo.
C'est le 20 mars que je décide de ne pas fabriquer pour les hôpitaux car je trouve la responsabilité trop importante ayant peur d'introduire une autre porte au virus. Par contre je veux bien fabriquer pour les citoyens lambda. Je joins dans leur sac avec les masques, un papier avec toutes les indications nécessaires pour l'usage du masque et surtout en précisant que ce n'est pas une barrière à 100 % contre ce fameux virus. Jeannot, gilet jaune, qui fait partie de notre groupe Telegram nous annonce une commande de 50 masques qu'il a promis de livrer le lendemain en début d'après-midi à l'Intermarché de la ville du Cendre. J'avoue que là, ma réaction a été un peu vive, car en même temps, il nous a annoncé avoir fait le tour de trois ou quatre grandes surfaces pour proposer nos masques. J'explique qu'avant de promettre des livraisons, il faut savoir si derrière on peut assurer les quantités. Me connaissant, je sais que je travaillerai jusqu'à épuisement pour honorer les commandes, ce que j'ai d'ailleurs fait pour les 50 masques que Cristal a demandé et remis aux bénévoles de la « Coop des Dômes » qui se déplacent.

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À ce jour j'ai fabriqué cent-huit masques. J'ai une commande de seize en attente. Je vois fleurir sur les réseaux sociaux des demandes et surtout des réponses de personnes qui se font payer pour fabriquer des masques.
Je laisse ce point aux couturières de métier. Pour ma part, je fais les masques gratuitement. Je les fais dans le cadre de la solidarité. C'est ma participation et mon combat dans cette guerre contre le virus.
Mémé Chantal, Stella, Carine, Cristal, Jeannot, quelques-uns des si nombreux et si indispensables visages de la solidarité qui disent qu'un autre monde est possible et se construit.
* Stella, Carine, Cristal et Jeannot sont des pseudonymes.