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Billet de blog 12 septembre 2025

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Clermont-Ferrand 11 septembre

Passé le 10 voici le 11 avec la volonté intacte de se faire entendre. De l'A.G. aux Carmes en cortège de manif et pour ne point gêner la préfecture, des salves de lacrymo jusqu'à Jaude qui font fuir des attablés au resto de l'autre côté de la place.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Place des Carmes une AG plein air sous ciel sombre © Georges-André

Une A.G. prévue sur la place des Carmes ce 11 septembre doit commencer vers 18h. J'y arrive et entend parler d'un gazage la veille au soir sur Jaude à la nuit tombée. Je m'approche et recueille un témoignage saisissant et vous le livre dans son intégralité :

«  J'étais en manifestation hier donc à 19h00. On a voulu aller devant la préfecture dans un but tout à fait pacifique pour chanter des slogans et surtout parler de la réunion. Nous étions à peu près 35. Les CRS et la Police ont commencé à plaquer des gens contre le mur de la Préfecture – ils étaient presque 80 alors qu'on étaient 35 - . Ils ont commencé à prendre des identités alors que c'étaient des passants pour plupart, qui n'étaient même pas à la manifestation du matin. Ils ont plaqué une femme voilée contre un mur avec violence et ont commencé à nous menacer en disant : « dernière sommation ! vous partez des lieux » alors qu'on faisait que parler et qu'on les avait pas insulter ni rien.

Ils ont commencé à reculer comme pour nous charger . Finalement ils ont tiré des lacrymos de loin niveau préfecture quand nous étions niveau opéra. On s'est fait enfumer. Ensuite, ils ont couru après les manifestants, ils en ont rattrapés certains, ils en ont frappés certains, il y a eu de la matraque dans ce que j’ai su. Ils ont mis un monsieur à terre qui n'était pas du tout un manifestant, et ils l'ont tabassé violemment. Ils ont dit à sa petite copine qui se trouvait là : « Casse-toi de là, dégage »

Voilà et ça a été filmé aussi. Après, sur Jaude, ils ont continué les lacrymos et ça a finit par enfumer tout un hôtel et toutes les terrasses. Les gens ont dû partir. Ils ont parcouru les rues pour chercher des manifestants, pendant au moins une heure, On a dû se cacher derrière des panneaux et des poubelles. On a dû se reclure dans des coins et abandonner les actions, parce ce qu'ils étaient très violents, très remontés.

Il y a eu des insultes raciales et sexistes il y a « sale bougnoule » pour la femme qui était voilée, et pour l'insulte sexiste en fait ils ont dit à la meuf qui essayait de sauver le monsieur qu'ils tabassaient à terre que c'étaient « une sale conne ». Evidemment, ils ont bien fait attention à ce que les caméras soient éteintes à ce moment là. »

Nous le constatons ici et ailleurs en France, comme nous le constaterons en soirée (voir plus loin), le choix de la répression refusant tout blocage même temporaire de la circulation, tout rassemblement « un peu trop long » et pacifique, selon une appréciation des plus large, toute occupation de rond-point fait appel à des salves de grenades lacrymogènes lancées par lance-grenades permettant les dispersions rapides par irritation sévère des yeux et des gorges. Certains précautionneux ont avec eux du sérum physiologique pour réagir aussitôt à l'irritation violente des yeux coulants. Pour la toxicité du gaz lacrymogène employé dont « on » ne parle jamais, vous pourrez lire en fin de billet l'avis d'un rapport toxicologique de 2020. Lire wikipedia à ce sujet est à la portée de souris et de touche.

Illustration 2
11 septembre - vers 20h 15 - Boulevard Desaix - Clermont-Ferrand © Georges-André

Il est assez évident maintenant que ce choix d'armes lacrymogènes à salves larges et répétées est un choix qui, pour le moment, évite les LBD et grenades de défense … pour le moment. Leçon apprise de la période Gilets Jaunes où les estropié·s, éborgné·s et blessé·es graves, si nombreux et nombreuses ont été recensés constituant un vrai massacre avec ces armes de guerre mais souillant l'image de ce pouvoir qui ne veut aucune contestation sauf protester dans les clous, soit une protestation qui ne gêne personne mais donne un brevet de démocratie. Ah la grève qui ne gêne personne, certains en rêvent tout haut ! Personne ? sauf les grévistes qui perdent leur salaire !

Avec plus de 300 personnes debout ou assises sur les bancs et autres sièges improvisés en demi-cercle autour de la puissante sono d'un syndicat solidaire, les interventions commencent : il s'agit de mettre au point les prochaines actions et s'inscrire dans la durée. Les considérations pratiques pour l'organisation ne sont pas ignorées y compris celle d'une base arrière qui veut assurer infirmerie et cantine bref tout le "care" nécessaire selon les besoins. Un numéro de téléphone est donné pour être contacté en cas de garde à vue. Des demandes se font jour pour favoriser la mobilisation en particulier connaître une semaine avant les grandes lignes des actions pour tirer des flyers et les distribuer. Les intervenant·es s'enchaînent qui pour proposer, déclarer, enflammer.

Des étudiants précisent que la fac de lettres n'assure plus les cours ce 11 et 12 septembre. Dès le 12, une occupation était prévue à 7 heures. Un cortège est prévu samedi 13 à 14h au départ de la Croix de Neyrat. Des discussions sont prévues dans différents marchés de l'agglomération. Les moyens d'actions tournent autour de discussion dans les quartiers, cortèges, blocages et occupation.

A l'issue de cette AG en plein air, la décision est prise de marcher vers la Préfecture du département passant par la place de Jaude. Cette fois le cortège est précédé par une bonne trentaine, si ce n'est plus, de vélos.

Illustration 3
Des vélos ouvrent le cortège - Vélorution citoyenne ! © Georges-André

Tout le long de la marche (Delille, Gaillard et Jaude) de multiples slogans sont criés, des chants entonnés joyeusement avec force.

Illustration 4
Sous le pont, la plage manifestante © Georges-André


Il faut savoir que la Préfecture est bien visible depuis la place. Elle est située en haut d'une rue en forte pente montante depuis Jaude à une distance d'environ 150 à 200m Devant de la Préfecture au pied des marches, un cordon de policiers en ligne casqués, bottés, armés attend de pied ferme. Le cortège au complet s'est arrêté au départ de la rue montante face à la Préfecture. Quelques dizaines de jeunes manifestants s'emparent de quelques poubelles et containeurs qu'ils poussent devant eux en s'approchant. On peut penser que face à ce cordon en hauteur, ces personnes ont saisi ces objets comme frêles boucliers attendant une réaction qui n'a pas tardé à venir.

Illustration 5
Cette fois, c'est place de Jaude qui tousse et pique des yeux - 11 septembre - Nécessaire ? © Georges-André

Brusquement, une salve de lance-grenades fait jaillir leurs éclairs. Au milieu du groupe à hauteur de l'opéra-théâtre, s'abattent des palets lacrymogènes en nombre d'où fuse une épaisse fumée irritante qui disperse. Une deuxième salve arrive puis une troisième qui va jusqu'à Jaude, là où le gros du cortège (ou ce qu'il en reste) est en retrait : nouveau rideau de fumée irritante et dispersion sur la Place et rues adjacentes. Le sérum phy sort des poches et je m'en sers aussi pour avoir un peu trop attendu et pris des photos. La gorge gratte un max et un peu d'eau fait du bien.

Il faudra attendre 21h30 environ pour que les CRS qui ont pris position sur cette rue jusqu'au débouché de la place tournent le dos et lèvent le dispositif. Nous remarquerons qu'au moment de l'action de gazage massif, ces gaz ont atteint aussi l'autre côté de la place, obligeant les consommateurs des restauranst attablés devant à déguerpir. A l'intérieur, porte fermée, une légère odeur de poudre. Similarité de la tactique répressive dite du maintien de l'ordre à Clermont-Ferrand avec la veille rapportée par le témoignage ci-dessus.

Vidéo : De l'AG au cortège pour finir en brouillard de lacrymos

Début tranquille et fin réprimée © Georges-André

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« Selon un rapport (126 pages, publié en 2020) de l'association toxicologie-chimie (ATC), la majorité des données toxicologiques existantes sont inaccessibles, car encore dans le domaine militaire, et en 2020, « la composition détaillée du gaz lacrymogène produit et utilisé en France » n'est toujours pas publique ; des effets toxiques à moyen ou long termes de ces gaz sont cependant « bien connus officiellement pour les militaires et les forces de police ». Le cyanure semble être la principale source de nocivité des gaz CS : à partir des gaz inhalés, des molécules ingérées ou via un passage percutané, « chaque molécule de gaz lacrymogène CS se métabolise dans le corps humain en deux molécules de cyanure ».

Ce cyanure bloque une partie de la chaîne respiratoire et crée un stress oxydatif, même à petite dose. Outre les yeux (risques de cataracte…) le fonctionnement du cerveau, du foie et des reins sont affectés... » Pas létal en direct. Après « on » s'en moque... « on » dira  qu'il fallait pas venir.

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