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Billet de blog 13 avril 2024

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Des tentes pour migrants de tous statuts virés des hébergements d'urgence

Depuis le début de la semaine, des tentes se sont dressées sur la place du 1er mai, déplacés sur le parking de la Maison du Peuple de Clermont-Ferrand et ce jour dans sa salle des fêtes. Ils sont 76 environ à coucher sous tentes, femmes, enfants, bébé de 18 mois et femme enceinte près du terme compris. Pourquoi, quelles réponses, quelle mobilisation ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Sur la rue, le droit © Georges-André Photos

Depuis le début de la semaine, des tentes se sont dressées sur la place du 1er mai, déplacés par la suite sur le parking de la Maison du Peuple de Clermont-Ferrand qui héberge les organisations syndicales. Nous y sommes allés en début d'après-midi vendredi pour tenter de comprendre la situation de ces personnes. Ils sont 76 environ à coucher sous tentes, femmes, enfants, bébé de 18 mois et une femme enceinte près du terme compris.

Le Secours Populaire a fourni les tentes,
La CGT Educ'action a fait venir un food-truck pour ce 12 avril et règle les repas,
RESF63 organise l'action et la logistique, collecte le matériel mobilisé,
D'autres organisations ont apporté leurs concours comme la députée Marianne Maximi bien présente jeudi après-midi et soir portant le fer au conseil municipal du vendredi.


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Peu de monde mais occupé © Georges-André Photos

Ajout du 15 avril 14h - Hier soir, la plupart des tentes se sont installées dans la salle des fêtes de la Maison du peuple, certaines sont restées à l'extérieur. Lors de ma visite ce jour, des enfants sont pris en charge sur scène par une militante ; FR3 est là qui filme et interviewe les rares présents, dehors une grande table est dressée pour le déjeuner vers 13h sous un ciel relativement nuageux qui laisse parfois une fenêtre au soleil. J'ai parlé à la personne enceinte de 8 mois grâce au traducteur sur son téléphone. Un médecin du CHU est venue et semble suivre cette fin de grossesse. Le camp improvisé bénéficie des savoirs-faire acquis lors des précédents camps, voilà quelques années. L'installation devient plus dense pour une moins mauvaise période. Pas de déblocage de la situation. La mobilisation veut être plus forte. Des panneaux à divers endroits  indiquent les besoins en matériels et personnes.

Illustration 3
La table est mise, on attend les convives © Georges-André Photos


Jeudi 18 avril à 18h30 - conférence de presse pour les élu·es, toutes les organisations et militant·es qui soutiennent cette action. Après quoi, la musique sera lancée et on dansera.


Ajout du 13 avril - 20h - De retour sur ce parking nettement plus animé, le food-truck de la veille est remplacé par le repas préparé sur place à la dispositon des personnes sous tentes bien plus nombreuses aujourd'hui essentiellement anglophones.

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L'installation s'affine avec dons et temps des miltant·es qui se succèdent © Georges-André Photos

J'ai rencontré Davy, militant LFI, qui était au conseil municipal de la veille en fin d'après-midi. Voici ce qu'il en dit :

Q : Vous étiez hier au Conseil municipal de la ville de Clermont-Ferrand, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé ?

Ca a discuté beaucoup du camp au 1er mai déplacé à la Maison du Peuple. Le sujet a été amené par Marianne Maximi pour la France Insoumise, puisque c'est un sujet urgent donc elle a demandé qu'il soit traité en début de conseil pour demander à la Mairie de se positionner et  d'agir. La mairie a en effet la possibilité, comme ce qui a été fait dans  d'autres municipalités en France, Nates, Rennes etc La possibilité qu'a la Mairie c'est de prendre en charge l'hébergement d'urgence des personnes et ensuite d'attaquer la Préfecture pour lui demander de payer ce qui est son obligation d'état. En clair, on se substitue à l'Etat parce l'Etat ne fait pas son travail, ensuite on fait un recours pour demander à l'Etat de rembourser les frais engagés pour faire le Travail de l'Etat. Cette solution Oivier Bianchi, le maire a catégoriquement refusé de le faire.

Déjà il y a un problème chronique de manque d'hébergements d'urgence, c'est quelque chose qu'on connaît depuis des années, on sait que ça empire tout le temps. De plus en plus de monde a besoin d'un hébergement d'urgence et se retrouve à la rue. Le nombre d'hébergements n'augmente pas.
Il y a quelques temps déjà la Préfecture a décidé de fermer l'accès aux hébergements d'urgence à un certain nombre de personnes, notamment des déboutés, mais également des demandeurs d'asile qui ont encore des recours possibles ou qui sont en demande, dont les dossiers sont en traitement.
Le secours Populaire pendant quelques temps a réussi a payer des hôtels pour essayer de maintenir des personnes dans des abris, mais malheureusement au bout d'un moment, il ne pouvait plus payer des hôtels donc les personnes se sont retrouvées à la rue.

Q : que reste-il comme solution pour héberger ces personnes qui sont sous tente actuellement ?

Pour l'instant, il n'y a aucune solution qui nous est proposée, donc nous on continue sur nos demandes et nos revendications à savoir que les personnes soient hébergées dans de bonnes conditions. Là, il faut que les institutions agissent, soit la mairie soit la Préfecture directement, ça serait logique que ça soit la préfecture qui le fasse. La mobilisation plus forte de tous les gens qui s'indigne de cette situation peut changer le rapport de force en imposant une solution pérenne pour ces familles.


Illustration 5
Sur le parking © Georges-André Photos

Lire sur Médiacoop : « C’est mieux de dormir dans des tentes que dehors comme des chiens », 08-04-24, Antoine Legrand

Extrait : « … Des familles, femmes enceintes, personnes atteintes d’un cancer ne sont plus considérées comme des situations urgentes », explique Adrien Thepot du Secours Populaire durant la conférence de presse. « Quelle-est la stratégie de l’État à court, moyen et long terme ? », se questionne ce dernier. Une chose est sûre, à court terme, les associations saturent[...] « Pour la première fois depuis des années, le Secours Populaire se retrouve dans l’incapacité d’apporter son soutien et ça, ça doit tous nous alerter collectivement... »

Lire sur La Montagne « Les familles mises à la rue s'invitent dans les débats du conseil municipal de Clermont-Ferrand », 12-04-24 - 20h15

Extrait : « Le maire Olivier Bianchi a rappelé alors que des villes ont porté plainte parce qu’elles se sont substituées à l’État en assurant l’hébergement des personnes mises à la rue. Une plainte pour obtenir remboursement. Trois millions d’euros pour Rennes, par exemple. "Nous ne nous substituerons pas à l’État. Parce que l’État n’assume pas ses responsabilités dans d’autres dossiers..."


  • Nous avons interviewé ce jeudi le militant RESF63 bien connu sur la place Didier Pagès. Dans ce moment de calme plat sur le parking, il a répondu à nos questions.
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    L'équipe avec Didier Pagès © Georges-André Photos

Q : Que se passe-t-il avec ces tentes autour de nous dans la maison du peuple ?

Elles ne sont pour l'instant que dans la cour de la maison du peuple. Hier, après une manifestation de près de 400 personnes devant la préfecture, on a décidé de retourner sur la place du 1er mai où on avait installé les tentes dès lundi. On y est retourné avec à peu près 80 personnes et on a discuté avec les gens qui sont hébergés sous tente. On a mis au point un système qui nous a permis de nous déplacer rapidement dans la ville et nous réinstaller là sans être interceptés par la Police. Quand on a été dans la cour de la Maison du Peuple, on savait qu'on était tranquille. Ça reste quand même de l' hébergement sous tente et donc pour une trentaine de tentes avec des gens qui sont des statuts les plus diverses puis qu'il y a parmi eux des déboutés, des réfugiés, des primo-arrivants, des gens en cours de traitement, des pas-expulsables. Il y a tout ça, mais ici au moins, pas de police pour venir toutes les deux heures ou les services de la préfecture qui vont venir chercher des renseignements qu'ils ont déjà, uniquement pour mettre la pression sur ces gens.

Q : C'est un choix que vous avez fait pour éviter ça

Oui mais, comme on l'a expliqué aux différents syndicats qui sont présents dans la maison et qu'on utilise le parking où se garent les camarades habituellement, l'objectif ce n'est pas de nous installer et de passer le printemps dans la cour de la Maison du peuple. L'objectif c'est de convaincre le Préfet de reloger ces gens, d'arrêter ces mises à la rue, de reloger ces gens.

Il faut le dire : s'il y a une crise de l'hébergement d'urgence c'est aussi, parce qu'il n'y a plus de régularisations. S'il y en avait, les gens rentreraient dans le droit commun et pourraient accéder à du logement social comme n'importe quel citoyen de ce pays. Mais c'est pas le cas. Donc, il y a forcément engorgement de l'hébergement d'urgence.

Q : Comment c'est cristallisé ce campement qui était d'abord au 1er mai ?

Le campement était d'abord au 1er mai grâce au matériel qui a été fourni par le Secours Populaire qui lui, avait recensé le nombre de familles pour il était obligé de payer des nuits d'hôtel parce qu'il savait comment faire. Il faut savoir que le Secours Populaire a dépensé depuis le 1er janvier de cette année 25 000€ à payer des nuits d'Hôtel à des familles que le Préfet venait de mettre à la rue.

Donc voilà où on en est.

Le Secours Populaire a continuer à payer puis à un moment, ils ont fait une conférence de presse pour dire  : « Nous on ne peut plus » et c'est eux, le Secours Populaire qui ont fourni ces toiles de tentes. Nous on a pris le relais. Quand je dis « Nous » c'est RESF63, c'est les militants et les militantes qui sont là. Il y a eu une rencontre entre des gens qui, voilà trois jours, pour certains ne se connaissaient pas. Il y a eu une rencontre tout à fait réussie entre des militants de longue date, des militants plus récents, des citoyens qui trouvaient indigne qu'on soit dans une situation où des gamins dorment la nuit dans une tente,. Ces gamins ne comprennent pas bien pourquoi ils dorment dans une tente alors que tous leurs camarades de classe, le soir rentrent chez eux.

Les enfants ?

Les enfants vont à l'école, ce soir c'est les vacances scolaires. De ce point de vue-là la mairie a proposé de prendre un peu le relais en offrant des places dans les Centres de loisirs sur la durée des vacances scolaires ou en centre d'accueil pas très loin.

Ca remonte à quelle date ?

Il y a eu la nuit de lundi, mardi... Il y a eu 4 nuits qui ont été faites là-bas au 1er mai. Mais chaque matin les gens s'en allaient vite car ils comprenaient que la police allait passer.

On attend cet après-midi la réunion du conseil Municipal ?

Sûrement les gens qui vont siéger au Conseil Municipal, ils attendent la réunion, nous aussi. Nous ce qu'on veut c'est des réponses du Préfet, alors il paraît que le Préfet devait parler aux médias aujourd'hui, il doit parler à la télé ce soir à France3 Auvergne, on verra bien ce qu'il a à dire.

Mais nous pour l'instant, on en est au point où on répète ce qu'on a dit hier, sur les marches de la préfecture, à savoir que la préfecture ment.

La préfecture dit qu'elle veut virer de l'hébergement d'urgence les gens qui n'ont pas vocation - comme ils disent - qui n'ont pas vocation à y être parce qu'il ont une obligation de quitter le territoire, nous on leur répond qu'on ne connaît pas de gens qui ont vocation à dormir dehors. En face, on fait le constat, C'est le Secours Populaire qui l'a constaté le premier que ce n'est pas vrai, ils ne sont pas en train de virer les gens qui ont une obligation de quitter le territoire, ils sont en train de virer absolument tout le monde, n'importe qui, quelque soit le statut...

Q : Qu'est ce que vous demandez précisément ?

On demande :

1 - que le processus d'exclusion de l'hébergement d'urgence s'arrête immédiatement,
2 - que l'ensemble de ces gens soient relogées avec un toit en dur au-dessus de la tête,
3 - dans cette préfecture comme dans d'autres, il faut régulariser des gens pour qu'ils rentrent dans le droit commun. Il y a des gens qui sont ici, dans Clermont, qui vivent dans le département, qui sont inexpulsables. On veut les renvoyer vers des pays qui ne veulent pas d'eux, on les a mis deux fois, trois fois en centre de rétention en attendant l'autorisation consulaire des pays, qui, soit-disant, devaient les accueillir, ils ne les veulent pas.

Lire : "Tentes place du 1er-Mai, "asile municipal" à Clermont, familles à la rue, aide au retour... Le préfet maintient sa ligne", La Montagne, Malik Kebour, 12-04-24

On ne peut pas laisser des gens, dans une situation en nous disant qu'ils sont ni régularisables, ni expulsables, parce que ces gens ne vont pas s'évaporer, alors on voudrait peut-être les cacher. Faut pas compter sur nous pour participer à ce silence. Régulariser ces gens ce sera déjà pas mal.

Q : Quel est le fondement de la liquidation de l'hébergement d'urgence ?

C'est la loi Darmanin, c'est l'application de cette loi Darmanin. On est dans l'application de la loi et en plus, on est en période électorale, ce qui se passe ici, se passe dans d'autres villes : il faut montrer aux citoyen,nes, que l'état est dur avec les étrangers et que donc, vous pouvez voter pour la liste soutenue par le gouvernement, qu'il n'y a pas besoin de voter pour l'extrême droite parce qu'ils peuvent faire aussi bien. C'est ça le message ! Donc ces gens là, par le zèle du Préfet, sont transformés en matériel électoral. Voilà où on en est en France en 2024.

Lire sur Médiacoop : « Hébergement : la préfecture expulse à tour de bras »

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Une installation précaire et provisoire pour faire face autant que se peut © Georges-André Photos

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