Très mobilisés et en colère, les élèves du lycée Pierre-Joël Bonté de Riom, rejoints par ceux du lycée Claude et Pierre Virlogeux, des enseignants et leurs syndicats ont manifesté ce vendredi 13 mai contre l'expulsion de trois jeunes majeurs en défilant de ce lycée en périphérie de la ville à la sous-préfecture en centre-ville. Une course aux pas pressés de la jeunesse dans les slogans, les chants et les cris (pas si fréquents vu sa longueur) pour en obtenir les annulations. La démonstration est faite que la jeunesse scolarisée Riomoise a su se mobiliser et qu'il faut compter avec elle. Les organisations SNES-FSU, Sud-Education, CGT Educ'Action appelaient à cette manifestation avec le soutien de RESF et la LDH.
Au moment même, l'indispensable solidarité avec les ukrainien·nes contraint·es de quitter leur pays en grand nombre se poursuit par l'accueil en France de cette population, femmes et enfants essentiellement, partout sous la houlette des préfectures, avec des dispositifs et financements qui permet la scolarisation massive de 15 913 élèves arrivant d'Ukraine accueillis dans les écoles, collèges et lycées (Source Education Nationale) au 12 mai, dont 327 dans le département. Même les tenants de la droite rétive ou xénophobe s'y sont mis. Dans le même temps sans aucune dignité ni honte (ne connaissent pas), la chasse aux jeunes majeurs étrangers non blancs, non-européens, non chrétiens, fondamentalement discriminatoires, se poursuit dans le déni de la nécessité économique et la réelle possibilité d'accueil, bien évidemment sans aucun égard sur les situations dramatiques voire désespérées que cette chasse peut générer auprès de ces jeunes bien cabossés par leur histoire et leurs dangereux parcours si souvent traumatisant, des jeunes qui pourtant pourraient nous en remontrer en résilience. Bref, violence institutionnelle et coût humain considérable mais qui ne pèse que légère brise pour les décisionnaires.

Agrandissement : Illustration 2

La mobilisation est toujours nécessaire pour annuler ces OQTF, ces ordres de quitter le territoire, un acronyme administratif pour dire « expulsion immédiate » prises par le préfet du Puy-de-Dôme. Serait-ce pour remplir un quota d'expulsions dûment réclamé ? Elle est parfois couronnée de succès comme ce fut le cas avant les vacances de printemps pour Ali Konate élève en CAP charpente au lycée Pierre-Joël Bonté de Riom, OQTF finalement annulé.

Agrandissement : Illustration 3

Sitôt l'annulation de l'OQTF visant Ali, le préfet en signait trois autres pour deux élèves du même lycée, originaires de Guinée et, faisant bonne mesure, en ajoutait un autre, élève de Brassac-les-Mines l'an dernier. Ils concernent :
-Abdoulaye KEITA, élève de 1ère Bac Pro au lucvée P-J Bonté , titulaire du CAP de maçonnerie obtenue l'an dernier à l'EREA de Lattre de Tassigny à Opme. Pour lui c'est clairement une rupture de sa scolarité en cours.
- Abdoulaye BAH, élève en CAP Peinture au lycée P-J Bonté, après avoir obtenu un CAP plomberie en juin 2021. Encore une rupture de formation.
- Mohamed DEA, scolarisé l'an dernier en Lycée professionnel à Brassac-les-Mines pour préparer un CAP commercialisation et services en Hôtel-céfé-Restaurant obtenu en juin 2021.
Chaque jour, à la télé et à la radio, sur les réseaux sociaux, la pénurie de main d’œuvre dans la restauration et dans le bâtiment, secteurs d'activités en tension durable, amène des employeurs à réduire leur activité, faire des propositions d'embauche à des niveaux de salaire bien au-dessus des pratiques habituelles sans pour autant trouver des candidat·es, voire à fermer boutique pour l'été. Voilà des jeunes formés, qui ont donné toute satisfaction par leur sérieux et un diplôme obtenu, qui veulent travailler et peuvent trouver un employeur ou qui ont déjà trouvé un employeur qui ne peut pas les embaucher. Et on entend à la télé qu'il faudra peut-être bien, quoique pas de gaieté de cœur, aller chercher des travailleurs étrangers pour pallier à cette pénurie économique pénalisante pour des entreprises souvent de taille modestes ou artisanales. Une pancarte a fort justement écrit "Libberté, égalité, absurdité", une libberté qui balbutie et qui bafouille...

Agrandissement : Illustration 4

Ce n'est plus seulement de la xénophobie pour satisfaire un versant politique extrémiste dans l'air nauséabond du temps mais une absurdité, un non-sens et un gâchis économique qui ne semblent pas émouvoir ces tenants du libéralisme et de la libre-entreprise. Ils veulent tous trois un travail ou finir leur formation pour trouver du travail avec une qualification qui leur confère une compétence ; des emplois ne sont pas pourvus, ils en veulent et le préfet veut les expulser. Chapeau pour l'incohérence flagrante et la contradiction béante !
Ajoutons que ces jeunes majeurs ou mineurs remplissent des sections professionnelles qui n'attirent pas les foules (a minima) où ils montrent un dynamisme mobilisateur pour les autres sections et au sein de l'établissement avec une vraie énergie et une réussite attestée.
Ceux qui nous gouvernent ne peuvent plus dire que c'est faute de moyens financiers, d'hébergements ou d'emplois que ces expulsions sont décidées, ni même d'une méconnaissance du français quand on voit le dispositif massif et efficace élaboré en si peu de temps pour les Ukrainiens non francophones ! La solidarité avec l'Ukraine montre que la mobilisation de moyens conséquents est possible quand le politique le décide et que les bons serviteurs de l'état les mettent en oeuvre.. L'ampleur de la mobilisation de l'état et des collectivités montre que le pseudo-argument toujours avancé de l'absence de tous les moyens pour justifier quelque peu l'expulsion est totalement, définitivement, indubitablement faux.

Agrandissement : Illustration 5

Rappelons qu'à la suite de la première guerre du Golfe en 1991, 350 réfugiés Kurdes ont été accueillis à Clermont-Ferrand se souvient Mohanad de la LDH. Qui ne souvient de l'accueil des boat-people vienamiens en un autre temps largement oublié !
Lire : Accueil des réfugiés en Europe : « L’Ukraine est traitée comme un cas à part »
Lettres au recteur, élus, préfet
Les trois syndicats ont envoyé une lettre au Recteur, aux inspecteurs, au Préfet, aux élus... En voici de larges extraits qui permettent de comprendre leur état d'esprit et la situation humaine :
« La scolarisation des mineurs non accompagnés et des jeunes majeurs revêt une implication spécifique des personnels des établissements... particulièrement des lycées professionnels où la plupart de ces jeunes sont en formation. Ils veulent reconstruire une existence ici malgré les séquelles parfois importantes laissées par les horreurs traversées depuis le départ de leur pays d'origine. Ils sont très souvent des élèves exemplaires dans leur implication scolaire... Nombre d'employeurs se déclarent prêts à les embaucher, sur des métiers ...en tension.
Aussi, nous comprenons très mal que certains élèves se voient aujourd'hui sommés de quitter le pays, d'abandonner leurs camarades de classe, leurs enseignants et leur espoir d'émancipation, promesse de l'Ecole Républicaine...
La froideur du droit ne rencontre ici aucune légitimité. Bien plus, dans les établissements concernés, c'est l'incompréhension et aussi la colère, aussi bien chez les personnels que chez les élèves. Personne n'a choisi d'être enseignant pour avoir à expliquer à une classe, qu'une chaise vide est celle d'un camarade expulsé la veille vers un pays qu'il a fui pour survivre... Attachés au sens de la déclaration des Droits de l'Homme comme au sens de la déclaration Universelle des droits de l'enfant, les personnels de l'éducation nationale ne peuvent accepter ce n on-sens...Nous exigeons la levée des OQTF ainsi que l'obtention d'un titre de séjour pour ces trois jeunes qui sont en fait des rescapés des désordres du monde.... »
Après l'expulsion, bien évidemment n'existe aucun suivi de ces jeunes expulsé·es. Le pays expulseur, la France officielle, pays de la déclaration des droits de l'homme, s'en lave les mains quand bien même la mort serait au rendez-vous.

Agrandissement : Illustration 6

La face cachée des expulsions : leur coût
« Présenté en juin 2019, un rapport parlementaire, piloté par les députés Jean-Noël Barrot (MoDem) et Alexandre Holroyd (LREM), a chiffré le coût d’une expulsion à 13 800 euros en moyenne.
Comparé au montant des retours « volontaires », « consentis » et/ou « aidés » (2 500 euros) la procédure, qui représente 70 à 80 % des « raccompagnements », coûte 6 fois plus chère. Le poste « Surveillance en Centre de rétention administrative (CRA) » compterait pour 5 710 € de l’ensemble de la facture, suivis par les frais de justice (3 429 €), les frais de défense et de condamnation (1 104 €). Les expulsés, ou « éloignés », ont été reconduits en Albanie (2 112), en Roumanie (1 909), en Algérie (1 525), au Maroc (1 161) et au Soudan (872). En 2018, les expulsions d’étrangers en situation irrégulière ont coûté 468 millions d’euros.
Ce nouveau chiffrage du coût d’une expulsion tend à confirmer deux précédentes évaluations : en 2009, un rapport de l'Inspection générale de l'administration avançait la somme 12 000 euros par expulsion ; la même année, la Cour des comptes qui reconnaissait ne pas pouvoir estimer certaines dépenses, comme celles liées à l’entretien des Centre de rétentions administrative (CRA), estimait le coût d’une expulsion à 13 220 euros par personne. En revanche, en 2008, la commission des finances du Sénat évaluait le coût des reconduites à la frontière à environ 20 970 euros par personne reconduite. De son côté, la Cimade - qui intervient dans les CRA - chiffrait chacune des 19 800 expulsions de 2008 à 27 000 euros ! Pour ce résultat, elle additionnait plusieurs coûts : garde et escorte des personnes retenues dans les CRA, coûts de fonctionnement des CRA, frais de restauration et blanchisserie des migrants, transport et prise en charge sanitaire et sociale, aide à l'exercice des droits, frais de fonctionnement du ministère de l’Immigration, mais aussi coût d'investissement dans la construction de nouveaux CRA et l'agrandissement d'anciens. »
Source : Combien coûte une expulsion ?