Au début du XXème siècle, les partis radicaux ont fleuri en Europe. En France, ces rad-soc ont connu leur heure de gloire au cours de la IIIème République puis affadis en un radicalisme de vocabulaire coupé en deux en 1972, ont évolué vers une marginalisation complète pour n'être qu'un refuge pour transfuges en mal de parti.
Dans les années 70, plus révolutionnaire que moi, pas possible. Il fallait l'être quand la réforme était passée de mode à force de n'en être que pâle figure de compromis. A l'extrême-gauche, il fallait être plus révolutionnaire que son voisin politique et s'en revendiquer plus fort. Pourtant, personne ne s'entendait sur cette révolution qui fragmentait sans cesse et quasi à l'infini ses petites troupes. Etre révolutionnaire était en soi une sorte d'éthique, de pureté absolue affichée davantage que la recherche d'une efficacité dans le fantasme du grand soir, imaginaire tenace. Pas étonnant que sur la durée, certain·es se soient tourné·es vers le compromis quand ce n'est pas compromission. Processus de gentrification, de notabilité… le temps fait son œuvre.
Aujourd'hui, le terme en vogue c'est l'adjectif « radical ». Il faut être radical pour être pur, pour emporter l'adhésion et reconstruire un monde nouveau, bien, bien meilleur... (pour faire meilleur, on se demande comment ne pas le faire tant le nôtre sombre). L'inflation des mots consécutive à leur perte de sens et de saveur, mots vite usés par le suremploi et l'affadissement impose la surenchère pour exprimer un bouleversement qui renverserait la table.
C'est du moins ce qu'on trouve à gauche. « Radical », n'est-ce pas à peu près le même sens que « Révolutionnaire » autrefois ? La lutte armée en moins quand elle en flirtait. Quoi que ne revendiquant pas cet adjectif (ou alors je l'ignore) n'est-ce pas aussi ce qu'on trouve à droite auprès de ceux et celles appelés « fachos » pour faire vite, qui le sont bien avec le coup de poing facile de toujours, revivifiés par des prophètes de malheurs dans un apocalypse dénoncé qu'ils s'évertuent à construire qui est en fait détruire.
Comme si en soi la radicalité était vertu ! A défaut d'expliciter en quoi la «radicalité » revendiquée porte un nouvel horizon du fameux récit à réinventer, le mot « radical » en exempte bien souvent. Mantra des temps de dérèglements, de confusion, de murs sans cesse plus hauts et plus longs, de guerre à nos portes quand nous n'avons pas voulu voir avant que la guerre ne cessait jamais sur le globe, trop loin pour s'en soucier, trop étranger·ère ceux/celles qui en meurent ou en sont brisé·es. ?Ainsi cet·te immigré·e rejeté·e, accusé·e de tous les maux que nous ne voulons pas reconnaître chez nous comme si nous pouvions arrêter le cours du temps quand les migrations ont été de tout temps le ferment des villes, des régions, des nations, des états qui ne se croient pas le centre du monde et citadelles assiégées ?
Comme si en soi, la radicalité c'est tout bon, toujours meilleur, « Tout est bon chez elle, y'a rien à jeter ! Sur l'île déserte... » faudra s'en contenter... pas un peu seul sur l'île déserte ? Serons-nous encore d'accord avec nous-même ? Pas sûr, le Moi est si partagé !
Derrière cette radicalité, il y a l'intransigeance qui pour être compréhensible souvent n'en est pas moins une époque, un temps seulement si nous voulons vivre ensemble, si nous voulons vraiment vivre ensemble ce qui n'est pas tout-à-fait sûr, quoique nous proclamions.
Radical libre ? Molécule agressive, instable et réactive nous apprend-on par ailleurs...
« Radical et en colère » : en colère, que oui et pas que mais radical ?