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Prévu pour 9h30 ce 11 mai, le rassemblement festif pour refuser deux bassines gigantesques en deux lieux proche de Limagne et promouvoir une alternative paysanne a débuté dès 8h30 avec déjà de nombreuses personnes prêtes pour une journée de marche sous un ciel de plomb éreintant par sa chaleur à bon nombre dont je fus. Un convoi vélo est parti de Clermont-Ferrand pour rallier la gare de Chignat (Vertaizon) distante d'une vingtaine de kilomètres.
Résumons la situation sur le fond
Sous l'impulsion de Limagrain, ces deux bassins tout proches seraient au seul service de 36 agriculteurs et agricultrices avec une superficie de 14 et de 18 hectares, engrangeant 2, 3 millions de m3 d'eau (consommation annuelle de 42 600 personnes) pour irriguer 800 hectares avec une culture principale de maïs-semence destinée à l'exportation. La France via ce semencier, 4ème du monde, est le premier exportateur mondial de cette semence stérile.
« Ils sont assistés dans leurs démarches par des structures publiques et privées (Association pour le Développement de l’Irrigation en Auvergne (ADIRA), Chambre d’agriculture...). À noter que le président de Limagrain et plusieurs administrateurs dirigeants font partie du groupement ASL Turluron » créé pour ce projet.
Les paysans et les éleveurs attendront la pluie pour remplir leurs citernes de quelques mètres-cubes. Rappelons que la mégabassine de Saint-Soline veut capter 0,640 million de m3. En plus, les bassines en plein soleil vont subir une bien grosse évaporation et un réchauffement de l’eau stagnante pouvant induire la prolifération de microorganismes (cyanobactéries) potentiellement toxiques, genre nos propres piscines gonflables laissées sans traitement. Ils voudraient la coiffer de panneaux photovoltaïques...histoire de plaider l'énergie renouvelable, genre écolo quand même.
Ces bassines sont un trou - et quel trou ! avec une bâche plastique au fond et sur les côtés qui va retenir l'eau. L'eau sera pompée dans l'Allier dont les barrages qui en assurent le débit (barrage de la SEP et barrage de Naussac) sont déjà insuffisants vu l'étiage sur plusieurs mois débordant largement l'été. Il faut vraiment jouer avec les chiffres et les mots pour tenir pour négligeable les quantités qui devraient être prélevées en particulier quand la culture du maïs-semence réclame le plus d'eau, soit en été désormais caniculaire sauf exception. Quelle que soit les « promesses » et les subterfuges, il faudra pomper, y compris sous dérogation facile, dans la nappe phréatique. Il est aisé de comprendre que cette agriculture intensive et productiviste ne concerne pas l'indépendance alimentaire du pays mais joue la fuite en avant du court-terme quitte à nous plonger dans une impasse vitale.
BNM précise : « Dans notre région, la rivière Allier est un axe écologique majeur. Avec les nappes phréatiques qui lui sont associées, elle couvre une partie importante des besoins en eau agricole, mais elle assure également la plus grande partie de l’approvisionnement en eau potable des grandes villes du Puy-de-Dôme, dont Clermont-Ferrand, et d’une partie du département de l’Allier. Avec le changement climatique, le débit de l’Allier ne cesse de décroître depuis plusieurs années. Les perspectives d’avenir sont très sombres d’ici 2050 : -30 % environ en année à pluviométrie normale et jusqu’à -50 % en année sèche par rapport à la situation actuelle. »
La conférence de presse
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Avant le départ de la rand'eau et de sa vague bleue, une conférence de presse est organisée avec de courtes déclarations qui donnent le sens de cette journée et des enjeux de cette lutte qui concerne tout le vivant pour l'alimentation et l'eau, deux nécessités vitales.
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La fin de l'agriculture productiviste ?
L'agriculture productiviste (= obsédée par le rendement agricole et financier au détriment de la sécurité sanitaire et environnementale) est condamnée par le dérèglement climatique, les canicules, le déficit en eau, les températures extrêmes à se renouveler dans une agriculture en partie paysanne, diversifiée et vivrière pour réellement faire face à ces changements considérables qui sont déjà là quand ce n'est même que le début. Bien entendu, les agro-business ne l'entendent pas de cette oreille pour poursuivre leur fuite en avant qui détruit le vivant dont nous sommes, pour réaliser toujours plus de profits. L'agriculture pourrait bientôt se faire sans agriculteur mais une main d'oeuvre au service de financiers. Il est temps de faire bassine arrière pour réévaluer les cultures et le besoin en eaux. La confédération Paysanne explique que c'est bien ce maïs-semence qui est à changer en maïs-population. Lui est nettement moins gourmand en eau. L'alternative existe, disent-ils. Il faut accompagner ces transitions et éviter cette fuite en avant qui aggraverait la question de l'eau, de son usage et de son partage, la question de l'alimentation des populations, sujet qui pourrait devenir brûlant à la grenouille dans son eau.
Depuis près de deux ans, le collectif Bassine-non-merci (BNM63), la confédération-paysanne 63, les soulèvements de la Terre ont préparé cette riposte majeure contre cet accaparement de l'eau par quelques-uns, un projet financé de 18 à 20 millions pour les infrastructures agricoles (bassines, pompes et canalisations) financées à 70 % environ par de l’argent public, soit 12 à 14 millions d’€ d’argent public.
"Un castor géant, mascotte de la mobilisation, guide la manifestation. Poisson géant coloré, méduses géantes flottant à 3 mètres de hauteur, serpent articulé de plusieurs mètres de longueur, pancartes, déguisements, banderoles, drapeaux... les marcheurs et marcheuses ont rivalisé d'inventivité et de créativité pour affirmer leur détermination contre la solution court-termiste des méga-bassines".
Comme l'écrit fort justement Reporterre : Avec l'ensemble des actions symboliques entreprises au long de ce périple, "se dessine le contre-modèle esquissé par les manifestants : partage de l’eau, réhydratation des sols, plantage de haies et recréation de zones humides. Et surtout, bifurcation vers la polyculture élevage, une agriculture plus diversifiée et de plus petite échelle où les paysans regagnent leur autonomie".
Cette journée avant tout début des travaux (terrain cultivé) ne s'oppose pas seulement à ces deux magébassines mais présente par ses multiples actions commencée la veille et tout au long de la journée, un contre-modèle d'agriculture favorable à l'ensemble du vivant en interdépendance, une alternative pour le vivant face à l'agro-industrie qui l'asphyxie et le détruit en l'empoisonnant.
La route de Chignat à Billom interdite, il fallut prendre un chemin pour cheminer de parcelles en parcelles, de terrains en terrains vers le projet de mégabassine en bordure du village de Bouzel.
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C'est un lac, pas un étang ou une "bassine" la mal nommée
A l'arrivée devant le terrain devant servir de bassine, c'est une révélation : foin des chiffres, c'est immense ! On ne se voit pas d'une largeur à une autre sinon en tout petit (alors en longueur c'est encore plus petit). Immense bassine en projet. C'est pas une bassine c'est un lac qui est prévu, un lac pour arroser les cultures du matin au soir en plein été ! Franchement à y être allé, les chiffres prennent du sens. De la folie quand la Limagne, était autrefois une plaine largement irriguée par l'eau de pluie, drainée pour excès d’eau il y a moins de 50 ans mais les haies sont tombées, on a drainé et barré les ruisseaux pour utiliser l'eau et tout s'est asséché.
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Le cortège long de un, deux ou trois kilomètres suivant le moment a regroupé au-delà de son objectif, plus de 6000 personnes (6500 suivant organisateurs, 4000 suivant préfecture) dans une randonnée des plus champêtre regroupant bon nombre d'élu·es et responsables nationaux d'organisations.
Nous n'avons pas vu tous les élu·es nombreux présents. La liste peut-être incomplète.
- Anne Babian-Lhermet, Conseillère régionale Les écologistes (Allier)
- Catherine Bony, Conseillère régionale Les écologistes (Loire)
- Renaud Daumas, Conseiller régional Les écologistes (Hte Loire)
- Pierre Guillaumin LFI Conseiller régional LFI (Allier)
- Benoît Biteau, député européen Les écologistes
- David Cormand, député européen Les écologistes
- Marianne Maximi, députée LFI, Clermont-Ferrand
- Mathilde Panot, députée LFI,Val-de-Marne, présidente groupe parlementaire LFI
- Clémence Guetté, députée LFI, Val-de-Marne
- Marine Tondelier, secrétaire nationale Les écologistes
- Thomas Dossus sénateur du Rhône Les écologistes
- Nicolas Bonnet, Les écologistes, conseiller métropolitain Clermont-Ferrand
- Jocelyne Glace le Gars/Jacky Grand, PCF, binôme conseiller·ère départementale Puy-de-Dôme
- Des conseillers municipaux de Billom
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Un succès certain
Un succès certain sur tous les plans (participation, sécurité, responsabilité collective, organisation...) pour ces organisateur·trices qui ont prévu grand. De nombreux militant·es climat et d'organisations d'autres régions sont venues dire que cette question des mégabassines n'est pas qu'un enjeu local mais national quand plus de 150 projet de méga-bassines sont en cours (certains annulés) exacerbant les tensions sociales, s'enfermant dans une logique productiviste de court-terme, ne réglant en rien la question du partage de l'eau sauf par l'accaparement de propriétaires privés en petit nombre qui ont la faveur des politiques publiques et de leurs budgets.
Après la ceinture verte du terrain-bassine de Bouzel, le cortège portant tout pleins d'animaux totems (anguille, serpent, méduses ...) pour représenter la biodiversité avec laquelle on co-évolue, a zigzagué entre les cultures sur les chemins pour arriver au bord du Jauron, rivière toute proche de Bouzel pour s'égayer dans de multiples petites zones d'ombre bienvenues quand d'autres sur la remorque du tracteur donnaient de la voix dont Mathilde Panot au nom de LFI.
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Après un temps de repos, certains en sont retournés vers Chignat, qui à pied, qui a vélo vers Clermont dans un retour aux heures chaudes de fin d'après-midi. Le reste du cortège s'en est allé à Billom pour une restauration et une soirée festive des plus chaleureuses.
Rendez-vous est donné dans le Poitou du 16 au 21 juillet. Prévoir gourdes et chapeaux !
La sagesse et la raison voudrait que ces deux projets soit mis à l'arrêt. A défaut, la détermination et la mobilisation sur cette question capitale qui ne concerne pas moins que manger sain et boire sain préparera d'autres rassemblements, d'autres moyens d'action, ici et ailleurs.
La demande : un MORATOIRE SUR L'ENSEMBLE DES MEGABASSINES
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Lire :
Reporterre : "Les Soulèvements de la Terre sèment des graines en Auvergne contre les mégabassines" Fabien Benoit et Alexandre Bagdassarian
Médiapart : "Gigabassines : des milliers de manifestants dans le Puy-de-Dôme dénoncent un « entêtement du gouvernement »" Lucie Delaporte
Médiacoop : "À Bouzel (63) et ailleurs, « arrêtez de nous bassiner ! "
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