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Billet de blog 20 avril 2024

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Des tentes pour migrants à la rue : les moyens d'accueillir, le devoir d'accueillir

Des familles sous tentes à défaut de la rue, des mineurs dans des bureaux à défaut de la rue, un rassemblement ce 18 avril sur le parking de la Maison du peuple à Clermont-Ferrand. La situation honteuse et inhumaine est largement décrite par les intervenants dont nous publions de larges extraits. la femme enceinte proche de son accouchement et l'homme en fauteuil roulant restent sous la tente.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Dans la salle, avec patience les mères font comme elles peuvent © Georges-André Photos

Depuis deux semaines, les migrants jetés à la rue par le préfet du Puy-de-Dôme qui ferme les hébergements d'urgence ont trouvé refuge d'abord place du 1er-mai puis très vite sur la parking de la Maison du peuple de Clermont-Ferrand qui abrite les organisations syndicales et enfin depuis une semaine environ dans la salle des fêtes de cette Maison du peuple. Toutes les tentes sont maintenant dans la salle des fêtes, froid oblige. Lire notre billet mis à jour par deux fois après son édition comme le sera celui-ci au fil du temps.

Illustration 2
Toute la salle des fêtes occupée par les tentes © Georges-André Photos

Comme nous l'annoncions dans ce billet, une conférence de presse suivie d'un repas et d'une soirée en musique s'est tenue ce jeudi 18 avril par un froid glacial avec quelques degrés au-dessus de zéro sur ce parking bien à l'ombre avec une solide assistance et une organisation d'enfer pour l'évènement.

Depuis janvier, des dizaines de mineur·es à la rue

Illustration 3
Les enfants trouvent le moyen de jouer ensemble joyeux un moment © Georges-André Photos

Outre ce camp sous tente, depuis le 22 janvier, des dizaines de mineurs non accompagnés à la rue ont trouvé refuge dans les bureaux de la LDH au centre Jean Richepin de Clermont-Ferrand. Plus de 40 ce week-end. La semaine, ils et elles y sont hébergé·es mais le samedi et dimanche il faut trouver des familles bénévoles et volontaires pour ces nuits et assurer les repas. Pas facile ! « ...Avez-vous vu les matelas rangés près de la fenêtre ? Un aperçu doux et amer d'un monde partagé entre barbarie et solidarité. Pour l'instant, il n'y a pas d'autre solution, alors nous faisons au mieux pour que cela se passe bien. Mais interdiction de nous satisfaire de cela ! Que de stress pour eux ! Que d'inconfort de ne pas avoir de maison. Au-delà du toit, avoir son espace personnel est essentiel pour chaque humain. De même, le toit de la maison du peuple est un soulagement pour les familles mais ce ne sont pas des conditions de vie durables. Il faut rouvrir des places d'hébergement pour tous : les familles, les mineur·es, Les hommes et le femmes seule·es, les étranger·es ne sont pas des sous-humains... » flyer YapasMieux « 3 mois chez JR c'est pas une solution ».

Quelques mesures individuelles ô combien généreuses

Nous apprenons que la personne jetée à la rue, migrant en fauteuil roulant a obtenu un hébergement. Sur place, le constat est sans appel : l'hébergement est au premier étage sans possibilité d'accès avec un fauteuil qui ne roule pas sur les escaliers ni en montée ni en descente. Pour la préfecture, c'est un REFUS d'hébergement ! Vous avez bien lu, un refus !

La préfecture a confirmé que la personne sous tente, enceinte de huit mois qui doit accoucher dans une quinzaine de jours n'aura pas d'hébergement ! Vous avez bien lu : pas d'hébergement, enceinte, proche de l'accouchement.

Illustration 4
Les militant·es commencent à arriver © Georges-André Photos

Les nécessaires solidarités pour l'organisation

Organiser le campement sous tentes de soixante-quinze personnes n'est pas une mince affaire. Il faut s'équiper de tout pour assurer un minimum de « confort » sous les tentes. Comme pour tout un chacun, s'alimenter est une nécessité quotidienne. Donc organiser la cuisine pour une durée indéterminée après le food-truck du premier jour : trouver le matériel, apporter régulièrement les victuailles, préparer les nombreux repas, les assurer sur la grande table ou à l'intérieur, faire la vaisselle et assurer la propreté des locaux. Pour cela, il faut du monde, beaucoup de monde : ainsi, des volontaires-militants reliés par réseau social se relaient pour toute ces taches, y compris la nuit pour assurer et rassurer, veiller au grain et assurer la sécurité des lieux. La solidarité concrète, c'est du boulot, de la présence, de la régulation et de la réactivité. Elle réclame aussi des fonds indispensables. Chacun·e peut participer selon ses disponibilités et sa générosité.

Lire sur Médiacoop : "Familles à la rue : face à la position du préfet, la solidarité se poursuit", 19 avril


Le parking accueillant à l'heure du repas © Georges-André Photos

Les interventions

Huit personnes représentants d'organisations ou de collectif, tous impliqués dans cette organisation se sont succédées dans le froid piquant de la fin de journée. RESF63, LDH63, Cimade, association « YapasMIeux », des élu·es, Marianne Maximi, députée LFI, Clémentine Reineau conseillère départementale LFI et Pierre Miquel élu municipal PCF.

La FSU, la CFDT, la CGT ont chacune envoyé une lettre au préfet pour demander le relogement de ces personnes et le règlement des très nombreux dossiers en attente.

Les trois intervenant·es de YapasMieux

Mamadou : « J'ai 16 ans...on se réveille, on va à l 'école, on fréquente, on se réveille, nous, on n'a pas de toit où dormir... On n'est pas majeurs, on est des mineurs. On dort dehors chaque nuit. Il y a des fois, on dort dehors donc c'est pas bon. Chaque jour on se réveille, on demande à Dieu aussi, on demande à vous tous aussi. »

Zoumana : « Je suis ivoirien nous sommes des mineurs. Actuellement nous demandons à la Ligue [LDH] d'appliquer les droits de l'homme grâce aux bénévoles qui sont vraiment généreux avec nous. Nous ne sommes pas là pour causer du tort au pays... c'est la France, un pays. Des citoyens qui nous encouragent, des familles qui se retrouvent dehors. Il y a toujours des bonnes personnes qui agissent toujours au moins. Vraiment nous vous remercions pour toutes les choses que vous faites pour nous. »

Amandine : « Presque 80 mineurs sont en recours. Le conseil départemental joue son rôle de sélection et d'exclusion. Il décide que ces jeunes sont majeurs alors que c'est pas vrai. Ça fait des années qu'on se bat avec ça. En ce moment c'est avec la complicité des juges, c'est peut-être ça le plus dur. Les juges n'acceptent plus de reconnaître les jeunes comme mineurs, même quand on leur présente des passeports. Les juges refusent de reconnaître la minorité des jeunes en disant « oui mais vous ne présenter pas les actes de naissance » etc... Bon c'est pas le jour de parler de ça, mais n'empêche que ces jeunes, du coup ils sont dehors pendant … Là y'en a ça fait deux ans qu'ils attendent. Quand ils sont arrivés ils avaient 15 ans, ils attendent depuis plus de deux ans d'être admis à l'aide sociale à l'enfance. Voilà aussi comment s'explique le fait qu'il y est des jeunes à la rue et je les remercie d'être venus aujourd'hui. »

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Une partie du public face aux intervenant·es © Georges-André Photos

Pascal Martin – RESF63

« Le Préfet a décidé de durcir les conditions des hébergements d'urgence et notamment refuse d'héberger maintenant les familles soit disant déboutées du droit d'asile. Nous qui sommes sur le campement nous savons bien que ce n'est pas la réalité. Aujourd'hui il y a des familles qui sont demandeurs d'asile et qui sont à la rue alors qu'elles devraient être hébergées.

L'autre souci c'est que même les déboutés du droit d'asile ont droit aussi à l'hébergement d'urgence malgré la loi immigration (article censuré par le Conseil Constitutionnel) : l'hébergement d'urgence est inconditionnel pour toutes les personne qui sont à la rue...Quel que soit leur statut les gens ont droit à l'hébergement d'urgence. […] On est à deux mois des élections européennes et il y a une course à l'échalote pour savoir quelle politique on va faire qui va se rapprocher le plus des thèses de l'extrême droite et du Rassemblement National. On est à la bourre dans les sondages, alors on essaie de prouver qu'on est aussi fort que l'extrême-droite pour mettre les étrangers en difficulté et dans la précarité.... »

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Depuis pas mal de temps, la cuisine se prépare au rush © Georges-André Photos

Pierre Saint Amans - CIMADE

«  Juste rappeler au nom de la Cimade que toutes les associations citoyennes/citoyens qui sont ici résultent d'un problème d'hébergement qui n'est que la conséquence des politiques xénophobes menées en France depuis plusieurs décennies, en particulier de l'obstination de l'Etat à ne pas régulariser des personnes. Il y a des personnes qui ont tous types de situation administratives à la Maison du Peuple. La demande est simple : l'Etat doit héberger toutes les personnes qui en ont besoin, doit héberger les demandeurs d'asile. C'est une faute grave et lourde de ne pas le faire. Le Préfet oublie de parler des demandeurs d'asile qu'il n'héberge pas et ment à longueur de temps dans ses interviews. Mais quelque soit le statut administratif de la personne, elle doit être hébergée et les personnes qui ne sont pas en situation régulière doivent être régularisées ce qui leur permettra de travailler, de toucher un salaire, d'être dans un appartement, de vivre une vie normale comme nous toutes et nous tous. Un toit c'est un droit : régularisation de toutes les personnes sans papier. »

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Une longue table sous ce qui reste de soleil avant les interventions, après y'en a plus © Georges-André Photos

Marianne Maximi – Députée LFI

« Ce qui se passe ici est une belle démonstration que non nous ne sommes pas un pays de fascistes, que non l'extrême droite n'a pas gagné encore ici et que nous avons des gens qui auprès d'autres, ces autres qui viennent d'ailleurs mais qui ont toute leur place et tous leurs droits à la sécurité et à la dignité.

Ce que je dis souvent, c'est qu'on vit une crise mais par des choix politiques, on ne vit pas une crise de l'immigration, nous ne sommes pas submergés par des flux migratoires et par des personnes qui viendraient comme ça envahir notre pays, ça c'est le discours du rassemblement national et de ses alliés aujourd'hui nous vivons une crise de l'accueil.

Tout est fait aujourd'hui pour faire reculer l'égalité et les droits des étrangers dans notre pays des lois indignes votées avec les voix des fascistes à l'assemblée Nationale. Mais la fermeture des places d' hébergement d'urgence c'est quand même une autre démonstration

et ce que fait le préfet ici, c'est avec du zèle, il devance la loi qui a été retoquée par le Conseil Constitutionnel pour mettre à la rue de manière xénophobe et c'est pas juste pour dire un grand mot

c'est quand on s'en prend à l'autre parce qu' il est étranger ça s'appelle de la xénophobie et c'est exactement ce qui est entrain de se passer parce que il choisit politiquement de mettre à la rue, les familles étrangères et ça c'est extrêmement grave.

La préfecture aujourd'hui c'est elle-même... qui fabrique des personnes en situation irrégulière ; c'est l'Etat lui-même qui fabrique des sans-papiers quand nous avons un an de retard dans les réponses pour des personnes qui sont par exemple en CDI, qui sont dans notre pays depuis des années, qui travaillent et qui se retrouvent à ne plus avoir de contrat de travail parce que la préfecture ne répond pas au renouvellement de leur titre de séjour. C'est elle même qui fabrique des gens en situation irrégulière, c'est une honte ! Quand on a dématérialisé les services de préfecture c'est pour éloigner les gens des guichets et de faire en sorte que ça ralentisse, c'est un choix politique aussi.

La protection de l'enfance … ne connaît pas de nationalité, elle doit protéger tous les enfants en danger, quelle que soit la nationalité et ça ce n'est pas moi qui le dit, c'est la Convention Internationale des droits de l'enfant que la France a ratifié et pour laquelle elle est régulièrement condamnée parce qu'elle fait n'importe quoi aujourd'hui sur le droit des enfants que ce soit en les mettant en Centre de Rétention ou en les laissant à la rue...

Nous avons les moyens d'accueillir, nous avons le devoir d'accueillir parce que nous sommes un pays riche et si l'hôpital public va mal c'est pas à cause des étrangers. Si tous les services publics aujourd'hui vont mal c'est pas à cause des immigrés c'est à cause de choix politiques qui se font sur notre dos et qui mettent en difficulté tout le monde donc montrons l'exemple ! »

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Marianne Maximi durant son intervention © Georges-André Photos

Pierre Miquel – élu municipal PCF

« [… On était un certain nombre rassemblés il y a quatre mois sur les marches de la Préfecture pour dénoncer haut et fort l'odieuse manœuvre de la loi immigration, fin décembre et on en a malheureusement une partie des répercutions aujourd'hui. Effectivement on voit bien que cette loi ne vise essentiellement qu'une seule chose : essayer de remettre en course l'exécutif - la force au pouvoir aujourd'hui - dans le cadre des élections européennes. Cette instrumentalisation est honteuse parce qu'on sait très bien que dans notre pays ce qui a pu faire sa richesse ce sont aussi des politiques d'immigration qui ont permis à la fois que notre pays soit à la fois un asile, un refuge mais aussi que ça permette un vrai brassage et comment dire une dynamique de développement culturel, économique, social qui ont fait la richesse de la France. […] Tout près de nous, le gouvernement espagnol, n'a pas choisi la voie qui est celle de la France. Il s'apprête à régulariser 500 000 sans-papier. [...] »

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Sur le parking, la solidarité. Sous la tente, l'attente © Georges-André Photos

Clémentine Raineau Conseillère départementale LFI

"Nous avons alerté à plusieurs reprises monsieur le préfet en particulier dès janvier sur le manque d'hébergement d'urgence en lui demandant d'ouvrir plus d'hébergement[...] En guise de réponse c'est la situation que nous vivons... Au lieu de créer plus de logements d'urgence, il a mis des familles à la rue en outrepassant ses droits et les décisions du Conseil Constitutionnel. [...]

Nous avons également envoyé récemment une lettre à Monsieur le président du conseil départemental Monsieur LIONEL CHAUVIN en lui demandant de préciser quelles étaient les actions mises en place concernant l'existence de ce campement, ces famille, femme enceinte et enfants. Le Conseil Départemental c'est lui qui a la charge de l'enfance en danger, c'est lui qui, par l'intermédiaire de la PMI, doit prendre soin des jeunes et des femmes. C'est lui encore qui est en charge de la question du handicap, enfants ou adultes. Nous attendons sa réponse.

Nous avons une session départementale lundi. Nous allons déposé un vœu demandant une aide d'urgence pour le campement, certainement par le biais des associations et en l'interpellant également publiquement pour qu'il se positionne lui et sa majorité. [...]"

Paco a fermé le ban en précisant de nombreux points d'intendance et d'organisation pour poursuivre cet accueil sous tente.

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