Je voudrais pas claquer avant de connaître les 50° à l'ombre six mois par an, pas claquer avant les coupures d'eau, d'électricité, de gaz quand seront remplies les mégabassines pour le maïs de Limagrain et de quelques autres, quand les centrales nucléaires vieillissantes n'auront plus d'eau pour refroidir leurs cœurs et s'arrêteront comme s'arrêteront ces climatiseurs qui me permettent de vivre tandis que d'autres, en leur absence peuvent crever bouche ouverte comme poisson hors de l'eau, quand le gaz sera devenu si cher et si rare qu'il faudra bien s'en passer de gré ou de force.
Je voudrais pas crever avant l'écroulement de l'hôpital public quand les plus riches iront dans le privé pour se soigner de quelques embarras ou se tirer d'affaire après les avoir bien réussi ces affaires de canailles et corruption. Les autres, manquants de médicaments de survie pour cause de profits insuffisants des labos pharmaceutiques et de fraîcheur minimale pourront casser leur pipe sans coup férir.
Pas crever avant l'embrasement de la planète où l'extinction des espèces a largement commencé, les errements des jet-streams et des courants marins qui déjà pointent du climat à la météo.
Pas crever avant de connaître les pénuries alimentaires pas seulement bien trop chères mais plus produites faute de terres fertiles et de pluie sous le 45ème parallèle et plus au nord encore, déclenchant des hordes de migrants de l'intérieur aussitôt refoulés par le reste de la population plus au nord ou plus à l'ouest. Ils et elles connaîtront le sort de tous les migrants du monde refoulés, maltraités, insultés, poursuivis, noyés, violés, martyrisés par la peste brune qui s'étend.
Pas crever avant la victoire provisoire de la peste brune qui s'immisce jusque dans ce pouvoir actuel, transition vers la nouvelle peste brune du XXIème siècle, cent ans après, du nord au sud et d'est en Ouest de l'Europe et du reste du monde.
Pas crever avant de voir le désert provençal et languedocien qui rameute la foule dans l'héliocentrisme estival instagrammable. Sans voir la mort de ces réseaux, de tous les réseaux, de tous les portables enfin éteints, objets devenus inutiles qui rendent insupportables la déconnection au plus grand nombre et bousille l'enfance et la jeunesse... quand prendre une photo par centaines aussitôt envoyée et jetée qui remplace le regard à 180 degrés, celui de regarder l'autre qui n'est plus que le clône de soi... Sans la fin de tous les écrans pour enfin sortir de soi, de chez soi, en finir avec cette com' et cette pub' qui aliène pour enfin, à la fraîche, se servir un dernier verre avec bien d'autres.
Je voudrais pas crever avant que ça pète dans une explosion sociale de 14 juillet et de bal devant l'insupportable de l'accaparement de tout ce qui fait la vie, le partage, la possibilité de vivre-ensemble sans se taper dessus en vrai ou en mots, intolérance érigée en qualité qui construirait un monde plus fraternel (!), intolérance qui aujourd'hui se cache dans « radicalité » et « intransigeance » comme en "anti-radicalité" et anti-intransigeance".
Je voudrais pas crever avant la fin du précipice du pire où nous descendons, qui n'a pas de fin, ni de terme, ni de fond. Et si je claque avant, par mégarde, par oubli, pas de problème, je suis plus très loin et je m'en fous.
Ecouter Boris "Je voudrais pas crever" même si nous en sommes loin