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En pause méridienne, au moment de mon passage au rassemblement des syndicalistes Santé-Sociaux pour réclamer encore et encore des moyens suffisants pour les personnels de la santé et de l'action sociale, peu de monde sur la place de Jaude en plein soleil si ce n'est quelques passant·es pressé·es de se retrouver à l'ombre. Sous ou à côté de trois barnums d'été rouges dressés près de la statue du vainqueur de Gergovie, une dizaine de syndicalistes CGT et CFDT (FO était là jusqu'à midi) engagent la conversation avec quelques rares personnes pour l'opération « Tous ensemble, parlons de nos métiers et de la place que nous avons dans la prise en charge de la population ».
Elles et ils sont là en effet pour présenter certes la situation de l'hôpital et des établissements santé/sociaux mais d'abord pour recueillir au moyen d'un questionnaire les perceptions et images de « Nos métiers, vous les voyez comment ? » Ils étaient là à 11h, ils quitteront l'endroit à 15h avec déjà quelques dizaines de questionnaires remplis et discutés ce qui n'est pas si mal. L'après-midi permettra d'en compléter d'autres sans doute avec la nécessaire eau à volonté ! Pour le moment, elles et eux aussi se restaurent.

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L'hôpital va mal et les applaudissements les soirs de confinement n'ont rien changé. Le Ségur de la santé est bien loin comme une opération ponctuelle bien insuffisante pour enrayer ces dizaines d'années de coupes sombres dans les services, les lits et le paiement à l'acte. L'hôpital va mal et c'est notre hôpital qui va mal pas celui des très riches qui d'un coup d'avion vont ici ou là au besoin de leur grande ou petite santé.
L'hôpital va mal et le gouvernement laisse se dégrader la situation pour, en fin de course, proclamer sa faillite et privatiser car, comme chacun sait, avec le privé ça marche bien mieux...côté bénéfice et exploitation des personnels (Orpea, centres dentaires Dentexia...) surtout et pour les patient·es ce sera, payer plus et pas sûr toujours que le soin soit un soin, sinon allez voir ailleurs comme c'est déjà le cas au P.S.R. à Clermont-Ferrand qui appartient à Elsan, premier opérateur de santé privé de France qui lui-même appartient en particulier à KKR, un fond d'investissement Etat-Uniens « un des plus anciens et des plus importants au monde ». Je le sais, j'y suis passé par nécessité et à chaque acte (imagerie, analyse, chirurgie, anesthésiste, soins divers...), vous sortez la carte bancaire avec un document qui est censé vous permettre le remboursement mais tout dépend de sa mutuelle et c'est pas tout remboursé en surcôte bien sûr. Voir qui on soigne et à quel coût au Etats-Unis ? Voulons-nous ce système qui fait se côtoyer la prouesse chirurgicale et des malades pas soignés faute de fric ? Il faut se battre pour le système de soin qui nous soigne, l'améliorer pas le perdre.
Nous n'en sommes pas là encore mais comme le dit ce tract de l'UD CGT 63 « L’été sera chaud et l’hôpital cristallisera une nouvelle fois toute l’attention. Et pour cause, il est à l’agonie ! ». Pas réjouissant mais lucide. Au CHU, passer par le 15 pour l'accès aux Urgences. Signe de la tension qui règne, un incident m'a été rapporté par ailleurs : couple aux urgences, femmes a chuté s'est fracturée. Sept heures à attendre. Après des heures, le mari a soif mais le distributeur de boisson est cassé. Il demande à sortir à l'infirmière présente et se fait aussitôt engueuler vertement, menacé in fine d'appels à la Police... Une stagiaire a compris la situation, s'est mise à pleurer... En fait, l'infirmière venait d'être victime d'une intrusion forcée et avait pris cet homme bien ennuyé pour un des intrus ! Quelle pitié de mettre ainsi les personnels dans une tension permanente où elles et ils doivent faire face à tout instant aux dysfonctionnements qui s'amplifient avec le temps.

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Adeline déléguée syndicale CFDT a bien voulu répondre à quelques questions : « Je suis aide soignante au centre médical infantile de Romagnat et aujourd'hui on est mobilisé en intersyndicale... l'hôpital public c'est le bien de tous. Il ne faut pas le laisser détérioré encore plus que ce qu'il est.
Q : Comment ça se traduit cette dégradation du secteur de la santé ?
Chez nous ce qui se traduit le plus c'est le manque de personnel, c'est l'épuisement des personnels en place. Nous, on est issu du secteur non-lucratif donc on est financé par l'ARS. En fait on a régulièrement des baisses de nos subventions, on nous demande d'être productifs, on nous demande de faire des parcours de soin. On n'est plus sur des patients mais sur des clients ; on est plus sur des usagers d'un service, on est sur des clients.
Q : Comment se traduit concrètement le manque de personnel
Le manque de personnel : depuis un an, deux ans maintenant, on a de plus en plus de mal à recruter puisque nos grilles de salaire sont bloquées, que notre métier est très dur et que du coup, ça n'intéresse plus les jeunes. Donc on n'a moins de personnel et la plupart, c'est du personnel en intérim. Ils restent en intérim parce qu'ils sont mieux rémunérés, mais par contre ils ne peuvent pas avec la meilleure volonté du monde apporter la même prise en charge pour des patients qu'ils voient deux jours ou trois jours quand d'autres les connaissent depuis cinq ou dix ans.
Une autre syndicaliste Christelle nous confie :
"C'est catastrophique, il y a des fermetures de lit dans la plupart des hôpitaux de proximité... Maintenant beaucoup d'agents démissionnent de la fonction publique et c'est quelque chose qu'on ne connaissait pas il y a 20 ans. Ils quittent vraiment l'Hôpital, ils ne partent même pas en disponibilité, c'est vraiment une démission.
[ Comment tiennent ceux qui restent ?]
Et bien voilà ! Ils sont rappelés sur leurs jours de repos, ça fonctionne aussi avec des intérims par ci, par là, mais c'est très dur quoi. Un moment ça va lâcher, ils ne vont plus pouvoir tenir, ils tiennent parce qu'ils aiment leur métier, voilà ils aiment ça, à moyen terme ça ne va pas tenir, ça c'est sûr, ils va falloir qu'ils trouvent une solution assez rapidement.
[La situation pourrait encore se dégrader ?]
Oui je pense. En plus dans les écoles, on s'aperçoit qu'il en y a beaucoup qui arrêtent leurs études d'infirmières, sur toute la France à peu près 20% qui ne terminent pas leurs études d'infirmières. Donc il faut vraiment qu'il y ait une reconnaissance et une attractivité pour pouvoir avoir envie d'aller travailler. Surtout que maintenant, elles risquent de passer en douze heures au lieu de travailler sur une journée de sept heures dans les hôpitaux et autres établissements."
Douze heures de long ? A l'aise pour travailler jusqu'à 64 ans ! Quand donc nous révolterons-nous vraiment ?