« La salubrité et la santé au travail constitue un droit fondamental pour tout travailleur » Organisation internationale du travail.
Comment finir sa carrière quand on travaille dans le bâtiment et les travaux publics, dans le bois et l'ameublement ? Telle est LA question que se posent ces travailleurs qui, très tôt dans leur carrière, savent et ressentent physiquement que leur emploi les amène à une usure prématurée, pour beaucoup à l'accident du travail, aux maladies professionnelles et pour finir, à l'inaptitude qui vaut licenciement. Alors la retraite à 64 ans - et en bonne santé - faut pas y penser quand 53 ans est l'âge moyen de traitement de dossiers pour inaptitude et sept travailleurs sur dix sont en inaptitude à 60 ans !
Faut vivre à l'Elysée et se moquer du monde du travail pour imposer 64 ans quand c'est 55 ans qui serait déjà la possibilité de partir pour certains avec troubles sévères et pour d'autres avec une meilleure santé mais surtout ne pas galérer des années avec des revenus de RSA suivis d'une retraite amaigrie pour non-cotisation.
Pour ces travailleurs la question est : comment et quand finir sa carrière professionnelle avec une meilleure santé possible malgré les conséquences majeures sur l'organisme d'un travail destructeur prolongé ?
Ce billet tente de montrer que la question de la retraite à 55 ans pour ces emplois est une revendication non seulement légitime et de simple justice sociale mais de nécessité de santé pour ne pas prolonger une situation déjà dégradée par les conditions de travail de ces métiers physiques pénibles sur la santé des travailleurs.
La CGT Construction a envoyé à cette fin un document sur la « Sinistralité dans le BTP » à « Mesdames et Messieurs les député(e)s, sénatrices et sénateurs d’Auvergne » le 24 février de cette année, envoyé ensuite le 9 mars aux élu·es de la région Auvergne (03,63,15,43), pour « interpeller sur nos conditions de travail et la détérioration chronique de notre état de santé [...] parmi les plus exposés aux risques d’accidents du travail et aux produits nocifs et où les conditions de travail sont les plus mauvaises. » et les convaincre tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat de s'opposer par leur vote à cette réforme des retraites qui amplifierait « une situation déjà bien funèbre » voulue par le seul Macron, qui est, pour le secteur du BTP, d'une injustice crasse, plus encore que dans d'autre secteurs. Il a été également envoyé au patronat Auvergne et aux élus locaux.
A ce jour, seuls les députés NUPES du Puy-de-Dôme, Marianne MAXIMI, Christine PIRES-BEAUNE et André CHASSAIGNE ont répondu rapidement en accord avec cet abandon de la réforme et sur la pénibilité particulière de ces emplois pesant sur la santé des travailleurs qui payent leur travail en accidents, maladie professionnelle, usure prématurée et inaptitude avant 60 ans.
Nous avons interviewé Eddy, syndicaliste CGT, 42 ans, tuyauteur-chauffagiste et Hervé, 52 ans, plombier-chauffagiste, en arrêt de travail pour accident de travail par usure professionnelle prononcée. Ils nous disent les conditions de travail qui usent les corps prématurément, conduisent à l'accident et souvent à l'inaptitude sanctionnée par le licenciement pour, quelques temps après, vivre avec le RSA avant une retraite réduite en mauvaise santé.
Eddy nous indique qu'à tout âge, l'inaptitude signifie qu'il ne peut plus travailler sur cet emploi mais l'employeur n'est pas tenu de le reconvertir alors il licencie. Macron a eu le culot de supprimer cette obligation de reconversion prévue dans les grandes entreprises comme il a eu le culot de supprimer quatre critères de pénibilité sur dix dès son élection en 2017, ceux précisément qui concernent de façon majeure ce secteur professionnel avec le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l’exposition aux agents chimiques ont été supprimées par Macron I au motif-bidon qu'il serait trop difficiles à quantifier par les entreprises. De ce fait, la prise en compte de la pénibilité dans le secteur professionnel est évacuée. Conséquence, pas de réduction d'année de cotisation pour partir à la retraite. A 62 et maintenant à 64 ans comme tout le monde ! De quoi expliquer la colère et les larmes !
Hervé qui en est à son troisième accident du travail, voit avec bien d'appréhension son avenir professionnel. Trois accidents du travail qui ne sont pas accidents au sens vrai du terme mais une rupture dans l'organisme qui a été trop sollicité depuis trop longtemps : charges trop lourdes à répétition usent tant l'organisme qu'à la « fin » (à 40 ans son premier accident !) il craque et craque encore malgré la chirurgie réussie, malgré une volonté qui animait cet homme et l'anime encore. Le corps craque et le moral est en berne. S'il fallait un visage pour s'opposer à cette réforme et imposer son retrait quoiqu'il en coûte, ce serait celui d'Hervé qui dit ne pas se sentir plus fort qu' « un enfant de sept ans ».
Ah oui "exosquelettes" ! (des dispositifs destinés à réduire l'effort physique). On en parle beaucoup comme d'un espoir d'amélioration des conditions de travail. Certes, certes ! Il peut être réducteur d'usure prématurée si avec, on peut encore travailler, si la charge n'est pas alourdie pour autant (un peu comme si en voiture, avec l'ABS, on va plus vite vu que c'est une sécurité accrue) avec un rythme de travail plus intense, si le dispositif est bien maîtrisé... Pour autant, ces dispositifs technologiques n'épuisent pas, loin de là, la question de l'usure au travail avec ces métiers physiques pénibles qui imposent charges et postures pénibles sur de longues années comme la technologie de règlera pas à elle seule, bien loin de là, le dérèglement climatique. Santé et sécurité des travailleurs sont interrogées : "Exoquelettes : ce qu'il faut retenir", un dossier de l'IRTS.
La colère n'est pas bonne conseillère quand elle peut mener à n'importe quels excès mais elle est le point de départ de ce refus inébranlable, de ce combat pour le retrait, de cette conviction que Macron est malheurs et drames sur nos têtes dans son verbe de nantis de bonne école qui veut imposer toujours plus de restrictions à nos droits, nos libertés et surtout celle de manifester et de s'exprimer. Le soulèvement de la Terre peut se nouer en France et les concerts de casserole se multiplier.
Lire : Au travail, la chaleur tue en silence
et aussi : Ces professions qui vont continuer de bénéficier d’un âge de départ dérogatoire
Extraits du document syndical envoyé :
« Silence, on meurt dans le BTP :
Pour l’année 2019 … 176 décès dans le BTP hors intérimaires, alors qu’ils sont très nombreux dans nos secteurs d’activités, et … en tête des victimes d’Accidents du Travail dans les 8 premières heures travaillées.
Silence, on brise des corps dans le BTP :
La manutention manuelle, les chutes de hauteur, l’utilisation d’outillage à main et les chutes de plain-pied sont à l’origine de 94% des accidents du travail de 4 jours d’arrêt et plus...
L’essentiel des maladies professionnelles du secteur (86%) sont des troubles musculosquelettiques avec une explosion de ces troubles provoquées par certains gestes et postures de travail épaule, coude, genou, poignet main et doigt. Sans oublier les cancers, conséquences des inhalations de poussière d’amiante, bois, produits chimiques ou de béton. : en 2019 près de 7000 victimes de maladies professionnelles...
Travailleurs et militants CGT, nous mesurons chaque jour la pression que les directions exercent pour minimiser les accidents du travail par la parole et/ou par des accords d’intéressement qui intègrent des critères d’accidentalité […] nous ne souhaitons pas être cassés, tomber malade ou mourir au travail. Nos métiers s’exercent dans des milieux hostiles, insalubres et systématiquement dangereux où près de 82 % des salariés du BTP y travaillent et 1/3 sont âgés de plus de 45 ans en 2021... »
Ce document rappelle la suppression des CHSCT « fusionnés et délayés dans une instance unique appelé le CSE et divisant par deux les heures de travail consacrées à la santé des travailleurs et la loi du 2 août 2021 qui... sous le prisme d’une pseudo « prévention », sacralise le mépris des travailleurs victimes en faisant d’eux des co-responsables de leur accident ou de leur maladie alors qu’ils sont sous la subordination stricte de leur employeur sans pouvoir s’en soustraire ! »
Ils revendiquent :
- Une retraite à 55 ans pour métiers pénibles.
- Une prise en charge de la mutuelle par l’employeur à 100%.
- La création d’un régime spécial pour les ouvriers du BTP prévoyant un départ anticipé en retraite avec des droits pleins et entiers. A la mesure de la dégradation prématurée des capitaux santé, qui dans le constat fait consensus.
- L’interdiction des licenciements pour inaptitude au poste de travail. »
On peut trouver des statistiques éclairantes de la CNAM sur :
- Fiches de sinistralité par secteur d’activité (CTN) avec détails sur les victimes, les causes d’accidents, les maladies en 2019 (avant le Covid)
mais aussi pour 2020, une année perturbée par la pandémie de Covid.