Une pétition peut être signée par chacun·e de vous. La lecture de ce billet vous permettra d'en saisir l'enjeu et l'importance. C'est un acte minimal de solidarité qui est offert à toutes et tous. Pensez-y en fin de billet.
Connaissez-vous le Brivadois ? C'est un territoire auvergnat autour de la ville de Brioude (8000 habitants en 2022) situé en Haute-Loire. Il donne son nom à cette région qui est aussi, en gros, celle de la communauté de communes sud-Auvergne. Saint-Beauzire (453 habitants en 2022) est ce village tout proche de Brioude où se trouve l'association « La Loco » qui réalise depuis des années un travail exemplaire.
Depuis 2019 en effet par l'action de « La loco » ( elle motive et tire dans le bon sens citoyen !) le Brivadois bénéficie de la vitalité et de l'apport de plus d'une centaine de jeunes qui irriguent cette communauté de communes Sud-Auvergne dans maints associations, collectifs, chantiers et marchés. « La Loco », une association de 150 membres dont 30 très actifs a été créée en 2021 après des années de bénévolat dès 2015. Elle œuvre à ce renouveau de jeunesse et de dynamisme dans ce coin d'Auvergne vieillissant qui en a besoin comme bien d'autres.
Anne-Lena, sa coordinatrice nous a précisé ce travail social et citoyen particulièrement apprécié dans ce pays :
« Ils sont bénévoles dans les associations comme par exemple, les restos du cœur ou le planning familial dans lesquels ils s'investissent de manière hebdomadaire, participe également au groupe Amnesty International. Nous sommes dans une zone rurale vieillissante ; les personnes qui tiennent les associations autour sont vieillissantes aussi. Elles ont besoin d'aide pour mettre en place les grands événements, par exemple avec leur aide appréciable et apprécié ils montent les stands une fois par an pour le marché solidaire de Brioude avec sa vingtaine de stands de différentes associations sous la responsabilité du collectif Solidarité en Brivadois. Ils montent Le Marché de Noël du club des aînés de Paulhiac ; ils font encore une fois par an le salon du livre. Le collectif de soutien aux opprimés fait des collectes de vêtements pour les envoyer dans une Association d'insertion en Pologne : tous les 9 mois, un semi-remorque part chargé et comme dit toujours Michel Perrin le patron de cette association : « Et Bien du coup ça va plus vite ! ». La jeunesse a les gros bras et la colonne vertébrale solide, ici une vraie implication. Ils ne sont pas seulement une main d’œuvre bénévole mais aussi des cerveaux pour une vraie inclusion dans les association. Des randonnées sont organisées une fois par mois à peu près. Beaucoup de nos bénévoles sont aussi des gens un peu âgés alors bras dessus bras dessous, ils font des binômes pour tenir les trois heures ».
Agnès, handicapée et bénévole à "La Loco" :
Le collectif écocitoyen brivadois fait des chantiers participatifs de plantations d'arbres chez des particuliers mais aussi chez des agriculteurs : on fait cinq ou six chantiers par hiver avec entre 60 et 600 arbres plantés dans une journée. Ils sont bien contents que des gars viennent. Pour ces jeunes atypiques, c'est intéressant de découvrir la ferme altigérienne quand ailleurs, ils étaient éleveurs de poules, souvent agriculteurs. Du coup, se créent de vraies rencontres, de vraies découvertes, des clichés tombent, des liens d'amitié se forment, se sont formés, c'est ce que nous vivons parce que les habitants du territoire se sentent concernés parce qu'ils les connaissent.
Un autre axe d'interventions c'est l'activité sociale auprès des personnes âgées : une fois par mois on va à L'EHPAD à Brioude pour passer un après midi ensemble avec des jeux, à discuter. C'est toujours des moments très importants qui rompent l'isolement des personnes âgées à l'EHPAD.
La même chose une fois par mois en partenariat avec l'ADMR (aide à domicile en milieu rural) avec la rencontre des personnes isolées, des personnes âgées, pour qui c'est un coup de jeunesse. Faut dire qu'ici, il n'y a pas beaucoup de jeunes et ça fait du bien. C'est une ouverture d'horizon, la rencontre avec des cultures diverses et variées, des moments très attendus. Ces jeunes en retour sont valorisés ; ils découvrent qu'ils peuvent faire du bien ici, qu'ils font du bien.»
Vous vous demandez peut-être quelle mouche a piqué ces nombreux jeunes qui s'investissent si largement dans le tissu social de la région ? Une aubaine, une chance pour ce territoire. Mais qui sont-ils ? D'où viennent-ils ceux qui instillent ce renouveau, cette vitalité de la jeunesse qui vivifie cette région du Brivradois depuis plusieurs années ?
Demandeurs d'asile au CADA de Saint-Beauzire
Un détail, une simple précision : ils sont tous demandeurs d'asile hébergés au CADA de Saint Beauzire (110 places pour hommes seuls et 5 familles). Oui, des demandeurs d'asile qui ne demandent rien qu'à offrir leur service comme apprendre le français, loin des préjugés racistes ou xénophobes. Il s'est ouvert en 2019 succédant au CAO (centre d'accueil et d'orientation ouvert en 2015 suite au démantèlement de la jungle de Calais) lui-même héritier d'un centre de vacances.
« il y a environ trois ans, on avait majoritairement des Afghans. Ce n'est plus le cas. Maintenant on a aussi beaucoup de pakistanais du Nord qui fuient également les Talibans, des tibétains, un russe depuis la guerre en Ukraine, des colombiens, et vraiment en Afrique, de tout pays malheureusement : Ethiopiens, Somaliens, Soudanais, Congolais, Burundais, Ivoirien, Camerounais. Je pense que c'est plus facile de dire de quel pays il n'y a personne. Pas les ukrainiens parce qu'ils ne passent pas par ce dispositif. »
Ana-Lena poursuit : « Depuis le début, « la Loco » fait des formations d'initiateur sportif de trois jours avec un formateur externe qui permet d'animer des séances sportives auprès des enfants. Avec cette formation, ils vont dans les écoles du territoire de la communauté des communes de Brioude et les centres de loisirs pour animer bénévolement des séances sportives quand payer un intervenant sportif coûte 50 à 60 euros la séance. Voilà deux ans, un marionnettiste a fait des ateliers de marionnettes syriennes à l'école. L'année dernière un danseur professionnel du Burundi a animé des ateliers de danse africaine. En 2022, c'est eux qui ont sauvé un peu le club de foot d'Auzon, parce que, suite au COVID, ils n'avaient plus assez de joueurs. Nos jeunes y sont allés et ont bien joués : ils ont permis le maintien en ligue ! »
Ils vont aussi dans les collèges et les lycées pour témoigner de leurs parcours d'exil, ce qu'ils ont vécu. Ils le font même avec le sourire. On a fait toutes les quatrièmes du lycée La Fayette. J'espère, je pense que cela peut changer le regard sur les demandeurs d'asile. Les chiffres prennent ainsi un visage, une humanité. »
Certains s'installent, travaillent ou créent leur affaire ici
« Une dizaine de familles de réfugiés se sont installées sur ce territoire après avoir obtenu les papiers, majoritairement des hommes isolés qui ont réussi à faire venir leur famille. Deux familles venues ensemble ici se sont installées à Brioude, les enfants scolarisés dans une école de la ville. Les parents travaillent tous dans le Brivadois dans des métiers en tension. D'autres ont créé leur affaire : l'un avec une scop, l'autre a ouvert un salon de coiffure. Des jeunes qui, grâce au travail de l'association et des bénévoles ont pu créer des liens d'amitiés, ont envie de rester ici. Il y a une dizaine de famille qui restent et habitent dans un territoire qui est plutôt en perte de vitesse. Cinq ou six célibataires restés sur le territoire sont aussi dans les clubs sportifs, le judo, le foot, le volley ball. »
Bien évidemment, depuis 2015, « La loco » organise au CADA de multiples apprentissages divers, bien nécessaires dont le français mais encore accompagnement, repas solidaires, jeux, activités diverses... propre à se reconstruire et se mobiliser.
La fermeture accélérée du CADA de Saint-Beauzire
Las, ce travail de vivification du pays est rayé d'un trait de plume par une décision préfectorale que « La Loco » a appris fin février au grand dam des associations et autres bénéficiaires de cette apport positif majeur.
M.le préfet de Haute-Loire sait-il seulement combien ce territoire est vivifié par ce travail exemplaire de cette association et l'implication des différents demandeurs d'asile depuis 2015 ? Faut-il y voir une certaine ignorance du terrain et du bienfait pour le contexte local ?
Le sous-préfet de Brioude, l'association « La loco » peut encore apporter des éléments pour réévaluer cette décision désastreuse pour tout le pays et pas seulement pour les premiers concernés, ces demandeurs d'asile qui, enfin trouvaient ici un peu de chaleur humaine, de possibilités d'implication, de faire et se faire du bien après un parcours traumatisant pour fuir ces pays troublés, en guerre, violent, qui les menacent, pas pour les beaux yeux de la France comme certains esprits mal tournés le serinent à longueur d'antenne complaisante parlant toujours comme si les exilé·es examinaient comme des touristes fortunés les possibilités et opportunités d'accueil et d'insertion avant de laisser tout derrière elles et eux ?
Les esprits échauffés au fer de la xénophobie ambiante reprochent toujours aux demandeurs d'asile l'absence, l'impossibilité ou le refus d'intégration comme si c'était un fait général et permanent démontré. Il s'agit bien entendu d'un élément indispensable pour tenir un discours de rejet et d'expulsion à destination du grand public et des électeurs. Ici, ces demandeurs d'asile successifs démontrent au contraire leur magnifique intégration et implication auprès d'un territoire qu'il irrigue de leur vitalité. Ici, au contraire, de nombreux volontaires regroupés dans cette association démontrent leur engagement auprès de ces populations et du territoire pour le bien-être social et le vivre-ensemble. Serait-ce une «expérience », une démonstration embarrassante sur un territoire – et avec la fermeture, peu importe pour ce territoire - qu'il faudrait vite détruire pour poursuivre dans la voie de la xénophobie ? Saint-Bauzire et le Brivradois seront-ils le Riace de la France avec « La loco » qui mène la même action que Mimmo Lucano ?

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Chute des capacités d'accueil du Dispositif national d'accueil (DNA)
Le budget 2025 adopté dans les conditions que l'on sait, supprime 6 500 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile en CADA. L'association "forum réfugiés" (1) précisait déjà dans la discussion à l'Assemblée fin 2024 : « Nous exerçons cependant cette mission dans un contexte qui se dégrade depuis quelques années en dépit des efforts budgétaires passés. Alors que l’évolution des normes et pratiques ne cesse de complexifier notre système d’asile, le projet de loi de finances pour 2025 actuellement étudié suscite une forte inquiétude en ce qu’il risque d’affaiblir l’exercice de ce droit fondamental. Le texte en discussion prévoit en effet la fermeture de 6 500 places d’hébergement destinées à accueillir les demandeurs d’asile, fermeture à laquelle s’ajoute la fin du financement de 2 895 places prévues en 2024 mais non-ouvertes, ou de places non-reconstituées en 2024, ce qui revient à diminuer de 9 324 places la capacité du dispositif national d’accueil (DNA) pour les demandeurs d’asile. ». France Terre d'asile a exprimé à cette occasion sa vive inquiétude.
Pour « justifier » ce choix, le ministère de l'intérieur prétend que le nombre de demandeurs d'asile diminue, ce qui est faux comme le montre les chiffres de l'OFPRA (2) quand déjà moins de la moitié seulement des demandeurs d'asile qui y ont droit ne sont pas hébergés mais laissés à la rue (3) . Laisser les demandeurs d'asile à la rue c'est crééer le malaise citoyen de nos manquements sur le dos de ces boucs émissaires. Pratique !

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En Haute-Loire, il existe 4 CADA : Le Chambon sur Lignon (177 pl.) Langeac (115 places dont de nouvelles en 24 pour vider les rues de Paris avant les J.O. m'a t-on dit), Yssingeaux (40 places) et Saint- Beauzire (110 pl.). Ces deux CADA doivent fermer soit 150 places sur la Haute-Loire tandis que son chef-lieu (Le Puy) n'en a pas mais dispose de logements dispersés dans la ville pour cet accueil ; pas mieux pour un premier accueil au contraire. C'est donc la fermeture de 34% des accueils en CADA qui seront/sont fermés sur ce département. Un lourd tribu pour la Haute-Loire bien au dessus d'une quelconque moyenne. Pourquoi tant de tribu ?
Défense du CADA de Saint-Beauzire et du pays Libradois
Il ne reste déjà plus au CADA que 80 personnes environ bien déstabilisées. Il devra fermer début juillet. Les autres ont été en principe répartis dans les autres CADA d'Auvergne empêchant du même coup d'autres d'y entrer alors que les demandes d'hébergement sont en hausse. Ce sont des pions qu'on déplace au gré des politiques. Bien sûr, tout est fait dans la plus grande discrétion pour une part, et une part seulement, pour éviter un plus grand stress des partants et encore résidents. On peut imaginer (mais qui encore peut imaginer tant nous sommes "habitués" à refuser toute empathie, toute humanité à quiconque réservées à ses seuls proches et son clan,) ce que peuvent ressentir, ce que peuvent vivre ces exilés à nouveau jetés hors de ce véritable havre d'accueil même provisoire !
Dès la connaissance de cette fermeture pour juillet, « La loco » organise la lutte, aussitôt soutenue par une kyrielle d'organisations et d'associations du territoire.
- La salle polyvalente de Saint-Beauzire a accueilli la première réunion publique « NON à la fermeture du CADA » le 13 mars. Trois commissions sont organisées, une pétition mise en ligne, à lire sur : « Réunion publique "NON à la fermeture du CADA" du 13 mars ». Lire aussi Maxime Liotier - Zoom d'ici.
- Christine Chevalier porte-parole de RESF43 est intervenu dans le journal régional de FR3 le 19 mars (à 5mn 50).
- « La loco » a participé à la manifestation du 22 mars au Puy-en-Velay du « Non au racisme » pour dire son opposition à cette fermeture.
- Cette association a organisé ce 25 mars un rassemblement de la mairie de Brioude (où est présenté alors une motion au comcom (= conseil de la communauté de communes) à la sous-préfecture non sans avoir au préalable écrit et obtenu un rendez-vous avec le sous-préfet.
Un émouvant témoignage à la suite des interventions :
Lecture de la lettre au sous-préfet :
Le choeur chante, écouté et particulièrement apprécié, apporte une touche artistique marquante bienvenue :

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Gageons que nous en entendrons encore parler de cette lutte y compris si, en définitive, cette fermeture était revue. Les bénévoles de « La loco » comme ceux et celles du collectif d'associations (une partie sur l'image ci-dessous) ont une longue histoire de lutte depuis des années.

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Intervention Amnesty International
Lecture courrier intersyndical
Une bénévole pour la justice sociale
Intervention LFI
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(1) Forum réfugiés est une association sans but lucratif reconnue d'Intérêt Général œuvrant pour l'accueil des réfugiés, la défense du droit d'asile et la promotion de l’état de droit, issue de la fusion en mai 2012 des associations Forum réfugiés et Cosi–promouvoir et défendre les droits.
(2) Ce qui est pratique avec les chiffres, c'est que vous en trouver toujours un qui vous arrange qui, en réalité ne prend en compte qu'un aspect de la question et non celui qui résume la réalité globale de la situation, le seul valable. L'avantage c'est que çà embrouille, çà donne une véracité complaisante au premier qui le dit et personne ne s'y retrouve sauf à y passer ses journées ou être un spécialiste. C'est bien 7,7% d'augmentation des demandeurs d'asile enregistrés à l'OFPRA - Office français - pour 2024 par rapport à 2023.
(3) Chiffre de la Cimade : « Le dispositif national d’accueil hébergent un peu plus de 61 000 demandeurs d’asile, soit 6 000 de plus qu’en 2022, ce qui représente 59% des bénéficiaires des CMA mais seulement 41% des demandeurs ayant une demande pendante. 11 050 sont Dublinés, soit 1/5 des demandeurs enregistrés dans l’année et 1/6 des demandeurs pendants de cette catégorie. » - Pendante = qui n'a pas reçu de réponse -