Lundi 22 octobre matin : les bus arrivent, les fonctionnaires préfectoraux sont là pour distribuer les ordres d'acheminement vers le nouveau gymnase rue ressort. L'ambiance est un peu tendue quoique fataliste, les visages graves et tristes. Une période s'achève. Par moments un.e petit.e avec sa poupée, son vélo, une babiole dans ses mains apportent son rire, son sourire, ses cris, ses larmes, un peu de vie dans ce camp qui, peu à peu est démonté en dispersant ses habitants, en imposant la rupture des liens tissés entre migrants et bénévoles pour une « mise à l'abri » dans des conditions précaires et bien plus.
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Ces bénévoles, le plus souvent hors organisation, sont des personnes sensibles à la détresse humaine, conscients des conséquences dramatiques de l'abandon de ces populations et clairvoyantes sur la responsabilité politique des autorités qui improvisent des hébergements d'urgence dans des conditions sanitaires plus que douteuses. Ces bénévoles ont travaillé durant près de deux mois pour améliorer sans cesse les hébergements improvisées par l'apport de tentes, prêtées ou offertes, l'apport de nourriture quotidienne grâce aux dons qui ont manifesté concrètement la solidarité clermontoise. Ces bénévoles portent haut et clair la fraternité de la devise républicaine. Bien au-delà des contingences matérielles, cette chaleur humaine a permis à chacun sur le camp de ne pas se sentir tout-à-fait seul, abandonné, perdu, quoique pour certains ballotés d'hébergement précaire en hébergement précaire (1)
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Aujourd'hui, la liquidation du camp(2) se fait dans des conditions non satisfaisantes : les bénévoles, après une visite-éclair d'un gymnase – le plus présentable - sont toujours interdits de pénétrer dans ces hébergements provisoires : pas de témoins extérieurs pour prendre photos et témoignages. Que veut-on cacher ? Cacher l'insalubrité des hébergements collectifs d'urgence avec ses punaises de lit qu'attestent des dos d'enfants rouge de piqures ? (3) Cacher la dégradation et la vétusté d'un gymnase prévu à la démolition ? Que font les service sanitaires ? Y-a-t-il eu seulement une inspection d'hygiène de ces locaux ?
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Durant un mois et demi, seul un médecin bénévole, une fois par semaine, a visité sur le camp ceux qui pouvaient l'être. N'est-ce pas inadmissible que nos autorités n'aient pris aucune disposition pour suivre la santé de ces migrants et d'abord des enfants et des femmes avec leur bébé ?
A 20h ou 20h30, tout le monde devra être rentré aux gymnases. Comment ne pas voir là une discrimination, un encasernement obligatoire vécu comme tel ? Une situation propice à générer des conflits, des problèmes de cohabitation dans un espace restreint où l'intimité est des plus faible.
[Mise à jour 23 octobre : Cette "situation propice à générer des conflits" n'a pas tardé à en générer dès hier soir dans ce gymnase rue Ressort pour un vol de téléphone portable, seul lien avec le réseau amical et familial. La bénévole qui a apaisé bien des débuts de conflits sur le camp depuis son installation, s'est dépéchée sur les lieux pour une fois de plus calmer les esprits en entrant seule, rencontrer et apaiser les protagonistes qu'elle connait bien. Les vigiles lui ont interdit de rentrer malgré ses explications. Ils ont préféré appeler la Police qui est venue en nombre... On pourra toujours justifier de cet incident pour expulser, mais la cause première est bien : mettre des personnes dans une situation (promiscuité, fermeture des portes à 20h, vétusté voire insalubrité) qui amène le conflit. De plus, quand conflit il y a, surtout ne pas calmer le jeu par la médiation d'un.e bénévole volontaire qui connait ces personnes mais appeler la Police dans l'affolement. Jusqu'à quand ? ]
Cette mise à l'abri dans ces conditions outre qu'elle ne devrait être que de très courte durée, correspond bien à retirer de l'espace public ce qui fait désordre et amène bien trop de solidarités plutôt que donner des conditions d'accueil décentes à l'abri du froid et de la pluie.
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En Méditerranée, les navires affrétés pour sauver les migrants de la noyade sont consignés dans les ports. A Clermont, après un mois et demi, on cache la misère pour ne plus la voir. Dans les deux cas, la même logique. Pas de témoins pour éviter les réactions citoyennes.
(1) C'est le cas de nombreux migrants de l'an dernier à la fac de Lettres.
(2) Dans l'après-midi, les pelleteuses sont en action
(3) Ces punaises sont présentes de façon endémique dans la capitale auvergnate, bien connu des randonneurs couchant en gîte. Rien de plus facile pour les disséminer que de déplacer ces personnes d'un lieu à un autre.
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