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Billet de blog 26 février 2015

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Fin de vie : une (r)évolution copernicienne toujours en attente

Les 10 et 11 mars prochain, l'Assemblée Nationale examinera en première lecture la proposition de loi n° 2512 « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » issue du rapport de la mission Clayes-Léonetti remis au Premier Ministre le 12 décembre 2014.

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Les 10 et 11 mars prochain, l'Assemblée Nationale examinera en première lecture la proposition de loi n° 2512 « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » issue du rapport de la mission Clayes-Léonetti remis au Premier Ministre le 12 décembre 2014.

La mort choisie n'est pas à l'ordre du jour.

A quarante ans de distance

Au début des années soixante-dix, les femmes enceintes qui ne voulaient ou ne pouvaient mener à terme leur grossesse avaient le choix de partir à l'étranger pour une IVG légale ou de trouver dans notre pays un praticien pour la réaliser en toute illégalité. Une femme, Simone Veil, a mis fin à cette inégalité par l'argent, par les relations, en se battant contre sa propre famille politique pour le droit des femmes à l'interruption volontaire de grossesse.

Aujourd'hui, quarante ans après, pour finir leurs vies, ces mêmes femmes doivent et devront encore passer la frontière pour la Suisse (légalité et encadrement du suicide assisté) ou la Belgique (légalité et encadrement de l'euthanasie) afin de bénéficier de leur législation. En France, c'est incertain, illégal, à risque. L'inégalité par l'argent, par les relations, pour finir sa vie répète celle pour l'avortement avant l'IVG. On dira que, dans ce cas, les hommes sont aussi directement concernés. Belle consolation !

Le législateur ne pourrait-il pas prendre la mesure de cette répétition tout aussi productrice d'inégalités, de souffrances inutiles, de volontés déniées ? Tirer les leçons de l'Histoire sans prolonger une situation qui laisse désemparés la plupart de nos concitoyens ?

Cette proposition de loi propose « la sédation profonde et continue »

Une des deux mesures-phares du texte en discussion concerne la sédation terminale et continue, à la demande du patient atteint « d'une affection grave et incurable dont le diagnostic vital est engagé ». Il s'agit d'endormir le patient à l'agonie, sédation associée à un traitement antalgique et attendre la mort (de faim et de soif ?). Cette vision réductrice réclame une révolution copernicienne que d'autres pays ont opéré, qu'il nous reste à réaliser.

     La maladie décide, pas le malade

Dans le texte en discussion, de fait, c'est la maladie, son évolution, qui dicte son rythme, impose son calendrier. Au début de la maladie incurable et grave, vous devrez attendre ses dégâts que cela vous plaise ou non. Vous estimez que vous n'avez pas à vivre cette dégradation du corps, des facultés mentales, pas à vivre cette détresse psychique de se savoir mourir à petit feu plus ou moins rapide ou dans l'invalidité en attendant la mort ? Vous attendrez ! Ici en France, vous attendrez « le diagnostic vital engagé à court terme ».

Avant, on ne veut pas savoir, débrouillez-vous avec votre envie d'en finir même si votre souffrance est là, même si votre dignité le réclame. Dans le cours de l'évolution de la maladie avant la toute fin ultime, le désir, la volonté, l'espoir de la personne de mettre un terme à une vie condamnée, sont niés. Il reste le suicide. Triste alternative, en France !

La médecine traitera la maladie, si peu encore le malade dans sa dimension humaine et éthique. Son choix ? A la fin, à la fin seulement ! Vous aurez droit alors à la sédation après avoir bien vécu ce que vous ne vouliez pas vivre, dans le corps et dans la tête. Vous aurez mérité la sédation ayant assez souffert jusque-là, dans l'angoisse d'une fin inéluctable aux conditions incertaines.

Cette posture judéo-chrétienne est-elle encore de mise dans une France laïque ? La « fin digne et apaisée » appelle une réponse claire comme le fut l'abolition de la peine de mort mais c'était un autre président, un autre ministre mais quel ministre ! Robert Badinter ...

     Une fin de vie réduite à l'agonie sous l'angle de la seule maladie incurable.

La proposition de loi porte sur la fin de vie. Elle porte en réalité sur la phase terminale de la vie, sa phase extrême, l'agonie, qui précède de peu la mort (pronostic vital engagé). Elle n'est envisagée que sous l'angle de la maladie, pas du vieillissement ou de la dégradation de la personne.

La fin de vie peut être insupportable sans « maladie incurable et grave» : une vieillesse avancée réduite « du lit au fauteuil et du fauteuil au lit », dans la perte irrémédiable de ce qui a fait la vivacité de la personne; le grand handicapé réduit à une vie végétative avec toute sa conscience...

La fin de vie n'est pas la seule phase extrême, terminale de la vie. C'est un temps qui débute avant, parfois des mois avant. Savoir que la fin viendra, même à l'échéance de quelques mois, fait basculer dans la fin de vie, dans l'idée que la personne se fait d'être à la fin de sa vie. Un accident peut faire basculer dans la fin de vie telle qu'elle fut vécue et devenir insupportable, sans fin.

Il faudra bien pourtant en France aussi, admettre que toute personne peut décider du moment de sa mort. Un progrès dans une société civilisée, mature, démocratique. Un droit encadré mais un droit qui n'est bien évidemment pas une obligation mais une possibilité : A chacun de choisir sa façon de finir sa vie dans une palette de possibilités : laisser-faire la Nature et la médecine, les soins palliatifs ou la mort décidée avec le suicide assisté, expression du libre-arbitre ou l'euthanasie quand la conscience n'est plus et les directives anticipées qui le demandent, établies.

En mars, c'est l'affaire des élus de la Nation

 Des parlementaires soutiennent l'initiative de Véronique Massonneau et sa proposition de loi n°2435 visant à assurer au patient le respect de son choix de fin de vie, par des soins palliatifs, l'euthanasie ou le suicide médicalement assisté, en séance publique le 29 janvier.

http://www.veroniquemassonneau.fr/2015/01/22/examen-de-ma-proposition-de-loi-fin-de-vie-en-commission-des-affaires-sociales/

Des médecins le réclament : seize médecins appellent à légiférer sur l'euthanasie (Manifeste et pétition à signer). Soixante pour cent des médecins sont favorables à la légalisation de l’euthanasie (sondage Ipsos pour le Conseil national de l’Ordre des médecins – janvier 2013) ?

https://www.change.org/p/16-m%C3%A9decins-et-professionnels-de-sant%C3%A9-imm%C3%A9diatement-suivis-par-126-confr%C3%A8res-lancent-un-appel-pour-qu-une-loi-sur-la-mort-choisie-soit-vot%C3%A9e-par-notre-parlement

Nos concitoyens le réclament massivement par des sondages d'opinion répétées : 96% des français sont favorables à la légalisation de l'euthanasie (Sondage IFOP octobre 2014).

http://www.admdblog.fr/Sondage-Ifop-octobre-2014-96-des-Francais-favorables-a-la-legalisation-de-l-euthanasie_a2555.html

Combien d'années encore faudra-t-il attendre cette évolution inéluctable de notre société vers la prise en compte du libre-arbitre des personnes dans un choix de fin de vie ?

Combien de temps encore faudra-t-il contraindre au suicide, parfois raté, parfois violent, incertain parfois, dans la solitude, ceux qui ne peuvent trouver ailleurs (à grands frais) ou ici (avec de grands risques) une vraie solution à leur volonté d'en finir dignement, apaisé ?

Combien de drames douloureux et médiatisés faudra-t-il encore pour que ceux qui nous gouvernent prennent la mesure de cette demande massive de choisir sa fin de vie et à domicile, reconnue dans le rapport Clayes/Léonetti ?

Ceux et celles qui l'attendent, qui l'espèrent, qui le réclament avec force et détermination le vivent comme l'expression ultime et maîtrisée d'une volonté, un acte libre, pleinement conscient, digne et responsable devant l'échéance de la mort. La mort est inscrite dans la vie même. Les conditions de la fin de vie sont d'abord une affaire de législation qui nécessite ...

 … Une triple (R)évolution copernicienne :

     Passer de la possibilité d'abréger la vie à interrompre la vie.

     Passer de la fin de vie ultime et ponctuelle, médicalisée à la fin de vie-période, un temps subjectif qui est celui du patient.

     Passer du temps de la maladie qui impose son calendrier à la personne qui décide son heure.

Bref, basculer enfin d'une fin de vie subie à une fin de vie choisie, autant faire se peut.

Respect du patient assurément mais aussi et d'abord respect des droits de l'Homme.

Voilà plus de quarante ans, elles criaient : « Si nous voulons, quand nous voulons ». Nous pouvons, nous devons encore crier aujourd'hui : « Si nous voulons quand nous ne pourrons plus ».

PS : Je rêve de finir ma vie chez moi entouré par mes proches aimés dans ce moment où je déciderai de quitter ce monde, de les quitter, tirer le rideau en un dernier acte d'homme libre et la sérénité d'une mort douce et assumée. Utopie ? Jusqu'à quand ?

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