Le « rapport sur les Professions du droit » , qui est maintenant disponible sur internet, montre de sérieux manques de rigueur juridique.
Le président de la commission , Jean Michel Darrois, est un avocat d’affaires dont la réussite dans le monde des affaires se traduit par un chiffre d’affaires de son cabinet qui rivalise avec celui de banques d’affaires. Ceci confirme l’exceptionnelle influence dans le monde politique et des affaires d’un avocat qui a évolué du conseil fiscal en particulier vers le conseil boursier. Il y a quelques années le cabinet Darrois avait renforcé sa capacité d’intervention dans la défense de ses clients en engageant Marie Noëlle Dompé, alors directrice juridique de la COB, qui a apporté sa connaissance de l’intérieur de l’autorité boursière. Jean Michel Darrois est qualifié d’incontournable, comme Jean François Prat, du cabinet Bredin Prat, et Jean Veil, car ils représentent les plus puissants des dirigeants d’entreprises et des banquiers, comme les sociétés et les banques qu’ils dirigent. Jean Michel Darrois et Jean François Prat sont actuellement membres du conseil de l’ordre, et siègent à la commission de déontologie et en particulier en ce qui concerne les conflits d’intérêt.
On remarque d’ailleurs parmi les neuf membres de la commission Darrois Olivier Fouquet, le Président de la commission de déontologie qui s’est illustré dans l’affaire Pérol en écrivant une lettre personnelle créant une ambiguité pouvant laisser croire qu’il s’agissait d’une décision de la commission, qui n’avait pas été consultée et dont on peut penser qu’elle aurait émise une opinion plus conforme à la rigueur déontologique. On remarque aussi qu’un des rapporteurs de la commission Darrois est Emmanuel Macron directeur des affaires financières chez Rothschild & C°, la banque dont François Pérol était associé.
Le rapport dans l’analyse de la concurrence internationale et des systèmes juridiques prétend que dans le système de « Common law » le rôle du juge serait démontré par le fait que prétendument « la décision est rendue par le juge, en son nom personnel et non pas au nom de l’Etat ou du peuple. » Dans les décisions anglaises ou américaines le nom du juge, ou des juges, est indiqué en tête de la décision, avec l’indication individualisée des opinions de chacun des juges en cas de pluralité de juges. Les juges peuvent soit se ranger à l’opinion majoritaire, ou à l’opinion minoritaire, soit exprimer une opinion individuelle en votant dans le sens majoritaire ou minoritaire. Ceci ne signifie absolument pas que la décision est rendue au nom personnel du juge. On peut rappeler d’ailleurs que de nombreux juges américains sont des juges élus, l’élection étant censée conférer une légitimité renforcée au juge pour statuer au nom du peuple. Qualifiée de « Tradition inimaginable chez nous » cette analyse est une pure aberration en common law. Elle est peut être la vision délirante qui a été à la base de l’attitude d’Olivier Fouquet prenant une position personnelle en tant que Président de la commission de déontologie.
Cet exemple d’absence de rigueur juridique et d’incompréhension du " monde juridique en dehors de « chez nous »", où il est vrai que les problèmes juridiques se résolvent avec une beaucoup plus grande importance des considérations juridiques, avec une attention au droit, est patent en ce qui concerne une des principales recommandations du Rapport Darrois, l’acte d’avocat. Cet acte qui serait à mi chemin entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique, est une invention bâtarde qui résulterait d’un contreseing de l’avocat : « Le contreseing de l’avocat de chacune des parties sur un acte sous seing privé atteste que l’avocat a pleinement éclairé la partie qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte. Par son contreseing, l’avocat garantit la pleine validité et la pleine efficacité de l’acte à la partie qu’il conseille sur la base des informations qu’elle lui a communiquées. La garantie de l’efficacité que les avocats ont conféré à un acte bilatéral traduisant un équilibre entre des volontés contraires des parties, résultant en particulier des pouvoirs de négociation réciproques, est une sécurité juridique illusoire et trompeuse, qui ne pourrait qu’être une source de différends avec les clients et un facteur d’aggravation considérable des responsabilités. Il se traduirait par une augmentation dramatique des primes d’assurance, et donc en fin de compte du coût pour les justiciables en contrepartie d’une garantie illusoire et trompeuse. En tout état de cause pour situer la recommandation dans le cadre de la concurrence internationale et de l’efficacité des systèmes juridiques, qui est au centre de la mission de la commission, on ne peut que constater que la disposition qui serait insérée dans la loi sur les professions judiciaires et juridiques n’est pas susceptible d’avoir une efficacité quelconque devant les tribunaux étrangers. Les règles de conflits de lois du droit international privé anglais ou américains ne reconnaitraient aucune valeur à des règles de preuve de plus résultant de la réglementation professionnelle des avocats français.
L’acte d’avocat a été étudié en Belgique principalement en ce qui concerne les transactions. Dans ce domaine, le contreseing des avocats pourrait avoir un sens , mais on ne voit pas pourquoi ce formalisme de l’écrit serait opportun dans les relations entre l’avocat et son client. Peut être s’agit il d’en fait court-circuiter les procédures d’arbitrage pour obtenir des engagements de paiement dans des conditions qui soient protégés par le secret professionnel des avocats. Ceci ne pourrait que susciter des questions quant au rôle de l’avocat dans les affaires à l’heure où l’on parle beaucoup de transparence et de lutte contre des pratiques frauduleuses.
http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/georges-de-furfande/010409/rapport-darrois-avocats-et-bananes