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Billet de blog 16 avril 2009

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Affaire Madoff : les contentieux des épargnants français

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Des milliers d'investisseurs français, entre 3 000 et 5 000 selon des estimations de l'AMF, auraient perdu des fonds dans l’affaire Madoff

Il semblerait qu’on retrouve, dans les Sicav et les FCP français, des doses plus ou moins fortes ou homéopathiques de deux fonds constitués « d’actifs Madoff » : le luxembourgeois Lux Alpha et l’irlandais Thema Fund International. Ces fonds dépendent de la banque suisse UBS et de la banque britannique HSBC. Les cabinets d’audits sont respectivement Pricewaterhouse Coopers et de Ernst & Young. UBS cumulait les responsabilités dans ce fonds : dépositaire, promoteur, administrateur, distributeur et gestionnaire, dans ce dernier cas jusqu'au 10 décembre 2008, c'est-à-dire la veille de la révélation du scandale Madoff. Le 17 novembre, UBS s’est dessaisie de la gestion de Lux Alpha, confiée finalement à une société de conseil luxembourgeoise, la société Access Management Luxembourg qui était liée à la nébuleuse du financier américain. Access International Advisors est un « hedge fund » qui a été fondé en 1994 par Thierry de la Villehuchet , qui gérait LuxAlpha et assurait la promotion du fonds auprès d’une riche clientèle française. Thierry de la Villehuchet était l’ancien patron de Crédit Lyonnais Securities. Au mois de mars 2007 Access International Advisors avait déposé les statuts de la société luxembourgeoise Access Partners, une société anonyme au capital de 370 mille euros, répartis à hauteur de 40% pour Thierry Magon de La Villehuchet, 40% pour Patrick Littaye et le solde de 20% pour la filiale luxembourgeoise de la banque belge Degroof, qui obtint un siège d'administrateur, selon les données du registre de commerce des sociétés du Grand-Duché. Access Partners est le conseiller d'Access Management, la société qui s'est substituée à la banque suisse UBS pour la gestion du fonds LuxAlpha, selon le prospectus du mois de novembre, qui a obtenu le visa du régulateur luxembourgeois, la Commission de surveillance du secteur financier le 10 décembre dernier, veille de la révélation du scandale Madoff aux Etats-Unis . Thierry de la Villehuchet s’est suicidé à New York le 23 décembre 2008.

Luxalpha, avec Bernard Madoff, a perdu environ un milliard et demi d'euros, par le biais du compartiment American Selection de Luxalpha Sicav et la moitié de ut 2008 qme environ viendrait de France. L'étude du graphique concernant LuxAlpha Selection B http://www.boursier.com/vals/OPCVM/graph.asp?code=LU0185941027 indique des performances de 2004 à début 2008 qui suivait l'évolution de l'indice Dow Jones en le lissant

L’histoire que l’on peut reconstruire pour les principaux investissements est la suivante. En septembre 2006, un premier investisseur, que Mediapart indique avoir longuement rencontré (http://www.mediapart.fr/journal/france/150409/bnp-paribas-revelations-sur-la-perquisition-policiere-13) , Christophe Tricaud, dispose d'un patrimoine que lui a procuré la vente, quelque temps auparavant, d'un site web. S'achetant un appartement, il lui reste alors une somme proche de 500.000 euros, qu'il cherche à placer. A l'époque, la Bourse flambe : après avoir gagné 23,4% l'année précédente, le CAC 40 va de nouveau progresser de 17,5% en cette fin d'année Mais les marchés sont nerveux, très volatils, et ont été secoués par un mini-krach au cours du mois de juin précédent. L’ investisseur cherche un placement peut-être un peu moins performant mais plus sûr que la Bourse et 'il entend parler d'une Sicav au Luxembourg, Luxalpha, qui présente de bons rendements, de 7% à 8%, et qui semble présenter ces caractéristiques de sécurité qu'il recherche, puisqu'elle est investie, dit-on, en bons du Trésor américain. Le 29 décembre de la même année, Charles Tricaud souscrit, par l'intermédiaire de son agence du Crédit mutuel 409.685 titres de la Sicav Luxalpha pour un montant total de 500.042,91 euros.Kléber Rossillon, un polytechnicien de 54 ans a fait ses premiers placements dans des fonds en novembre 2004. Via le service de la BNP chargé de la gestion des patrimoines des grandel fortunes, Rossillon achète des titres de la Sicav Luxalpha, installée au Luxembourg, pour 1 092 080 dollars. " En juillet 2008, deux autres transferts sont réalisés par Kléber Rossillon, le premier de 1 758 725 dollars et le second de 905 093 euros, pour des titres de Groupement financier, un autre fonds investi en Madoff. Le 18 novembre 2008, soit vingt-six jours avant la suspension de la cotation Madoff à Wall Street, Kléber Rossillon achète pour 1 899 998 euros supplémentaires de titres Luxalpha. Soit un total de près de 4 millions d'euros
Au lendemain du scandale, Rossillon dit chercher à comprendre, il écrit à la banque suisse UBS, qui gère au Luxembourg les Sicav Luxalpha et Groupement financier, pour demander des explications. L’UBS lui répond "Vous n'êtes pas enregistré nominativement dans les registres des actionnaires des sociétés Luxalpha et Groupement financier."Le 15 décembre, l'avocate parisienne Véronique Lartigue reçoit ensemble deux de ses clients, Christophe Tricaud et Martine Rossillon, l'épouse de Kléber, qui dispose d'un pouvoir et passe les ordres d'achat en son nom. L'avocate veut étudier avec eux leur stratégie de défense. Elle est par ailleurs approchée dans les jours qui suivent par d'autres investisseurs, riches et moins riches, et même pour certains d'entre eux totalement ruinés, qui sont dans des situations analogues : le 11 décembre, ils ont découvert – ce qu'ils ignoraient – que leurs économies étaient placées en Madoff et qu'elles sont donc subitement parties en fuméeAu total, Me Lartigue commence donc à organiser dans le courant de ce mois de décembre 2008 la défense de 13 clients qui ont perdu au total la somme colossale de 32 millions d'euros LA RESPONSABILITE DES BANQUES FRANCAISESLa stratégie de Véronique LartigueAssignation en référé en qualité de teneur de compte Véronique Lartigque avait assigné les banques en référé en leur qualité de teneur de compte le 16 janvier , pour une audience en date du 6 février. La procédure en référé avait pour objectif, pour les investisseurs, de se voir reconnaître la qualité de porteurs de parts du fonds commun de placement Luxalpha afin de pouvoir se retourner ensuite contre la banque UBS qui était dépositaire de ce fonds. Selon elle, les banques françaises ont « joué dans cette affaire le rôle de teneur de comptes». Les investisseurs demandaient ainsi au tribunal d'obliger les établissements bancaires à leur remettre les documents contractuels de souscriptions et de possession de titres porteurs. Dans ses motifs, le tribunal a rejeté la demande de communication, la banque ayant adressé spontanément une copie., et dit qu’il n’y avait pas lieu à référéAssignation des banques françaises au fond Véronique Lartique a assigné au fond au tribunal de commerce pour le compte de ses clients personnes morales et au TGI pour les particuliers. Le fondement de l’assignation est que les établissements français n'auraient pas rempli leur double mission : l'exécution des ordres et la conservation des titres." Nous leur reprochons leur retard, voire leur incapacité à mettre nos clients en capacité d'exercer leurs droits d'actionnaires. Et leur exécution des ordres d'achat dans la mesure où elles auraient excédé le mandat d'instruction donné ", C'est la raison pour laquelle les plaignants se posent en ayant-droit économique. L'avocate vise l'absence de mandat pour signer une clause de décharge de responsabilité sur la délégation de la garde des actifs.La stratégie d’Olivier Metzner de plainte pénale contre la BNPAvec son second avocat, Me Olivier Metzner, Kléber Rossillon essaie de se retourner au pénal contre sa banque, la BNP, et a déposé plainte pour faux et usage de faux ( http://www.lejdd.fr/cmc/economie/200915/un-heritier-schlumberger-attaque-la-bnp_201597.html). En retour, la banque a déposé plainte, le 25 mars, pour dénonciation calomnieuse, s'estimant victime d'une attaque injustifiéeOlivier Metzner affirme qu’ en épluchant les documents bancaires il a découvert ce qu'il pense être un micmac. Si son client n'est pas enregistré nominativement dans les registres, BPSS-Luxembourg l'est. "C'est cette filiale de la BNP qui est le véritable actionnaire, insiste Me Véronique Lartigue. Il s'agit à mon sens d'une défaillance dans le système de souscription."

"C'est absurde, réagit Me Bruno Quentin, l'avocat de la banque. Cette filiale est inscrite dans les registres de Luxalpha comme titulaire des titres, mais uniquement parce qu'elle les détient pour le compte de ses clients. Ses clients sont les véritables propriétaires des parts de la sicav. Et d'ailleurs ils sont les seuls à bénéficier des placements." Pour cet avocat, la plainte contre la BNP serait donc "totalement artificielle et infondée": "Dans cette histoire, la BNP n'a fait qu'exécuter les instructions de ce client."

Une perquisition a été menée le 26 mars 2009 au siège de BNP Paribas. LA RESPONSABILITE D’UBS Il semblerait que sur certains bulletins de souscription, des clauses dédouanaient le dépositaire, UBS Luxembourg dans le cas de Luxalpha. L'une précisait qu'il " n'est pas le gardien des avoirs du fonds puisqu'ils sont gardés par le courtier américain dans un compte séparé au nom du fonds dans un but de couverture des options lancées par le fonds au sein de sa stratégie ". De son côté, l'autre indiquait que " le risque de pertes et profits suite à un défaut, même peu probable, du courtier américain est supporté entièrement par les actionnaires et sujet à la réalisation de son obligation de surveillance conformément aux règles luxembourgeoises. (...) UBS Luxembourg ne garantit pas le remboursement des avoirs en cas de défaut ".Il semblerait donc qu’UBS ait cherché à se dégager contractuellement des obligations prévues par le droit luxembourgeois quant au dépositaire du fonds quant à la garde des avoirs du fonds, en arguant du fait que les actifs sont gardés par le courtier américain dans le cadre de la couverture des options lancées par le fonds au sein de sa stratégie. Ceci pose le problème de la possibilité d’aménagement contractuel des obligations de conservation d’actifs localisés non au Luxembourg, mais aux Etats Unis..Assignation au fonds d’ UBS AG Zürich, Une assignation avait été lancée par Véronique Lartigue visant UBS AG Zurich en tant que promoteur de la sicav. L’avocate déclare " On a tendance à l'oublier mais cette fonction doit garantir les avoirs en cas de défaillance du fonds ", insiste Véronique Lartigue, qui ajoute que Luxalpha et UBS doivent faire une déclaration de sinistre auprès de la compagnie d'assurances en charge de la couverture du risque. " Nous cherchons à démontrer la nullité ou le non-respect des contrats, pas les responsabilités de chacun ", conclut-elle.Plainte pénale contre UBS Une première enquête préliminaire, des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance contre UBS , a été ouverte le 20 janvier à la suite de la plainte d'une Parisienne de 66 ans qui avait investi 540.000 euros dans le fonds Luxalpha. (http://www.lefigaro.fr/societes/2009/03/22/04015-20090322ARTFIG00028-madoff-ouverture-de-deux-autres-enquetes-en-france-.php) LA RESPONSABILITE DE LUXALPHALa stratégie du cabinet Lartigue –Tournois à l’égard de LuxAlpha a été de considérer que les capitaux était confié pour une souscription au capital de LuxAlpha et que la contrepartie n’aurait pas été obtenue faute de placement. Ceci supposerait qu’il ne s’agisse pas d’un achat d’actions de la SICAV et d’autre part que les fonds résultant des souscriptions n’aient pas fait l’objet d’un placement . Ceci suppose que la fraude à la Ponzi ait été visible au Luxembourg.

Assignation au fonds du conseil d’administration de la SICAV Luxalpha

Véronique Lartigue a assigné au fond concerne la sicav Luxalpha et plus précisément le conseil d'administration. L’assignation demande au tribunal de constater " la nullité de l'engagement de souscription au capital de Luxalpha Sicav et à tout le moins l'inexécution de la contrepartie attendue ". L’avocate qu'a priori il ressort des premiers éléments de l'enquête que les capitaux confiés à Luxalpha n'ont pas fait l'objet de placement. LE PLACEMENT DANS LE GROUPEMENT FINANCIER

D'après un article du Figaro en date du 2 avril 2009 le client de Me Metzner souhaitait investir 2 millions d'euros dans le « Groupement financier ». Il s'agit d'un fonds Madoff domicilié à Tortola, dans les Iles vierges britanniques. « Mon client avait tout à fait conscience d'investir dans un fond Madoff, assume son avocat Olivier Metzner qui refuse de dévoiler l'identité de l'entreprise concernée. « Il cherchait un fond avec un retour important. On le lui promettait et c'était au temps où la finance avait confiance en Madoff ». La société française concernée pensait donc que ses deux millions d'euros étaient investis dans le fond des Iles vierges par l'intermédiaire de BNP-Paribas. « Les relevés, les avis d'opération et les bons de souscription sont concernés » affirme Me Metzner qui dénonce le fait que BNP-Paribas ait « revendu à la découpe » ses fonds Madoff. Cette attitude fonderait le délit d'abus de confiance, c'est-à-dire le fait de « détourner au préjudice d'autrui des fonds qui lui ont été remis afin d'en faire un usage déterminé. »On peut penser que ce que Me Metzner appelle "revente à la découpe" est un investissement dans une série de fonds ... ce qui parait de l'essence d'un fonds de fonds ou d'un OPCVM.

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