Georges de Furfande

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Billet de blog 16 octobre 2008

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Marché et Prix de marché

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les banques centrales depuis une trentaine d'année ont laissé la régulation monétaire aux marchés financiers, se contentant d'intervenir par le biais des taux. Les marchés devaient fixer la valorisation des actifs financiers en fonction du prix de marché. Le cours du marché était censé intégrer l'ensemble des informations, et la cotation en continue devait permettre à tout moment de constater le prix de marché.

Sur cette base les normes comptables ont été modifiées pour prévoir l'utilisation de la "fair value", la valeur juste, les actifs financiers devant être "marked to market" , marqués suivant le marché.

Les banques, qui développaient les marchés financiers et qui inventaient constamment des produits financiers de plus en plus complexes et sophistiqués, ont rechigné à ce que ces normes comptables s'appliquent à elles. L'efficience des marchés pour valoriser des produits dont la valeur devenait de plus en plus difficile à évaluer était un principe que les banques, qui développaient ces marchés, voulaient voir reconnu par les autres opérateurs économiques, mais dont elles ne voulaient pas que les effets s'appliquent à elles. Les augures ne pouvaient se regarder sans rire.

La norme de la valorisation par le marché a fini par être imposée à tous.

Les banques profitent de la crise financière pour échapper à cette norme grâce à une modification des règles, qu'en Europe la commission a acceptée.

On ne peut qu'être choqué par l'attitude des régulateurs. S'il y a un secteur où la valorisation par le marché , la valeur d'échange, doit être respectée c'est bien par le secteur bancaire. Les banques se plaignent que l'utilisation de la norme de valorisation par le marché les obligerait à des recapitalisations qu'elles considèrent comme injustifiées, compte tenu de la crise des marchés. Toute entreprise qui ne peut faire face à son passif exigible sur la base d'un actif liquide peut faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité, c'est la définition de la cessation des paiements. Les banques sont les entreprises qui doivent être capables à tout moment de faire face à leur dette. En ce qui concerne en particulier les dépôts il y a une obligation absolue de restitution, sanctionnée par l'abus de confiance, et qui est à la base de la confiance des déposants. Les difficultés des marchés ne sont en aucune manière une excuse, et ce d'autant plus que ces difficultés ont été causées par les errements et les imprudences des banques. La position des banques est donc particulièrement inacceptable.

L'atttitude des régulateurs est elle purement scandaleuse. Les banques se plaignent de l'impact des règles prudentielles si la norme comptable restait celle de la valeur de marché, et les régulateurs acceptent de modifier les normes pour que les banques n'aient pas à respecter les règles prudentielles : les banques obtiennent ainsi des régulateurs de ne pas respecter les règles de prudence lorsqu'il y a danger. Les constructeurs automobiles, pour réduire les coûts des automobiles, seraient dans cette logique à même de demander que les systèmes de freinage n'aient pas à ralentir la voiture s'il y a des difficultés de freinage résultant d'un obstacle ou de tout autre motif de freinage d'urgence.

La réaction des marchés est toujours difficilement prévisible, compte tenu en particulier du matraquage d'opinion et des manipulations. La logique voudrait que le marché interbancaire ne trouve aucun motif de retrouver confiance dans la solvabilité des banques à partir du moment où les banques invoquent leurs difficultés pour en fait maquiller leurs comptes. La logique voudrait que les marchés boursiers, qui ne croient pas à la vérité des comptes des banques, puisque celles-ci sont très loin d'avoir provisionné des pertes qui sont estimées par le FMI a plus de deux fois les pertes déclarées (vision pourtant très optimiste) , soient effrayés par des changements cherchant manifestement à modifier une image des comptes déjà très imprécise.

Les effets de domino ne feront que précipiter une chute encore plus brutale des cours.

En tout état de cause le comportement des régulateurs et des politiques ne fait que confirmer que le problème central de la crise est que depuis une trentaine d'années les régulateurs ont été des pousse au crime, avec l'aide sinon à l'incitation des gouvernements.

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