Le rapport de la Cour des Comptes concernant les comptes du CDR est atterrant, car il démontre une attitude des dirigeants de l'APE et de la Cour des Comptes qui traduit une conception du rôle de l'Etat dont on ne peut qu'avoir honte.
La Cour des comptes met en exergue des conseils qui auraient du être plus pris en compte la déclaration du directeur de l'Agence des Participations de l'Etat . Il écrivait être défavorable à l'arbitrage en disant qu'il serait dangereux pour les deniers publics d'avoir des arbitres qui seraient susceptibles de trancher en équité plus qu'en droit. L'argument traduit l'impression (d'ailleurs erronée) qu'avaient certains lecteurs de l'arrêt de la Cour de Cassation qui cassait l'arrêt de la Cour d'appel sur une base de qualification procédurale de l'action. L'arrêt était cassé au motif qu'il n'y avait pas de responsabilité contractuelle, parce qu'il n'y avait pas de relation contractuelle directe (ce qui réservait totalement les actions sur un fondement de responsabilité délictuelle, sans parler d'une annulation du contrat, qui aurait dramatique pour le Crédit Lyonnais). L'opinion exprimée par le directeur de l'APE traduit l'attitud qui avait été fortement stigmatisée par les magistrats en particulier au niveau de la Cour d'Appel. Les magistrats de la juridiction étatique avaient dénonçé le refus du Crédit Lyonnais de reconnaitre une responsabilité pourtant évidente. La contestation de cette responsabilité est fondée sur le refus de reconnaitre les sanctions que le droit français prévoit pour les violations des conflits d'intérêt , dans le cadre de cette volonté des milieux politiques et d'affaires de refuser les contraintes de règles morales fondamentales. Elle se traduit par le culte permanent des conflits d'intérêt, au mépris des interêts des clients , des usagers, des citoyens. et au profit des réseaux d'influence On voit avec le scandale du Mediator comment le fonctionnement des institutions étatiques est polluée par ces conflits d'intérêt, au mépris de la santé du public. L'actionnariat public est manifestement conçu dans une vision purement patrimoniale, la mise en jeu des deniers publics doit être faite dans un seul souci de limiter les fonds à verser, sans aucune préoccupation de responsabilité morale et d'équité.
Non seulement cette vision est déshonnorante, mais elle démontre que cette vision patrimoniale , et comptable, est dénuée de compétence technique, que ce soit juridique ou de gestion. L'appréciation juridique était erronnée, mais surtout , en tout état de cause, elle sentait la lustrine. La continuation publique d'un contentieux démontrant que le Crédit Lyonnais avait trompé un de ses plus importants clients dès qu'il a été en difficulté , l'évocation des techniques qui rappelaient l'affaire Executive Life, le rappel même de toutes les opérations qui avaient été faites conjointement avec Tapie, tout ceci était hautement préjudiciable pour le Crédit Lyonnais, et dans l'intérêt du Crédit Lyonnais comme dans celui de l'Etat, il était souhaitable de couvrir la sorite du différend de la confidentialité de l'arbitrage. Les sommes potentiellement en cause étaient littéralement dérisoire par rapport à la perte de réputation du Crédit Lyonnais. Vouloir continuer devant les tribunaux un contentieux suicidaire quant à la renommée de la banque était une aberration, et de souligner que la position de l'Etat était faible en équité ne fait que démontrer que l'acceptation de l'arbitrage était opportun pour le Crédit Lyonnais et pour l'Etat. Il suffit de rappeler que le Crédit Lyonnais a jugé indispensable de changer son identité, avec une campagne massive de publicité pour se recréer une identité nouvelle, qui était totalement incompatible avec la continuation du contentieux.
Et en ce qui concerne une vision même purement monétaire des intérêts de l'Etat, il est évident que l'Etat, qui allait vendre le Crédit Lyonnais, ne pouvait laisser se déprécier la valeur de sa participation dans le Crédit Lyonnais.
Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour des Comptes, dans son examen de la gestion du CDR, aille à l'encontre de tout ce qui devrait motiver la participation de l'Etat à des entreprises et le soutien de ces entreprises, à savoir une certaine notion de l'équité et de la morale, un sens de l'intérêt général.