georges herve (avatar)

georges herve

Psychologue scolaire en retraite

Abonné·e de Mediapart

22 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 septembre 2008

georges herve (avatar)

georges herve

Psychologue scolaire en retraite

Abonné·e de Mediapart

Plan Darcos : le mammouth piétine le tissu social !

georges herve (avatar)

georges herve

Psychologue scolaire en retraite

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Plan Darcos : le mammouth piétine le tissu social !

Alleluiah ! Le mammouth éducatif prend ses responsabilités ! Il va s’occuper des enfants qui jusqu’ici se sentaient exclus et abandonnés par l’école et qui, faute d’argent pour se faire aider par des officines privées, étaient obligés de « se contenter » du bricolage associatif le soir, dans les salles de quartiers.

Finie l’aventure de l’entraide associative, le temps où, dans les années 80, un peu partout dans les banlieues, des hommes et des femmes – des femmes surtout – décident d’agir : trop de mômes qui avaient du mal à l’école se décourageaient, n’y arrivaient pas. Comme aujourd’hui, trop de familles étaient désemparées de ne pas pouvoir aider leurs enfants. On s’organise pour faire front. Dans les salles de quartier, des adultes, des étudiants, des retraités… Tout un petit monde retrousse les manches. Il s’agit surtout de donner confiance aux enfants du peuple. Et d’utiliser toutes les ressources du quartier.

J’ai participé à ce formidable mouvement d’entraide, à L’Île-Saint-Denis (93) avec ce que nous appelons « l’entraide scolaire » de l’association Ebullition. Dans quatre salles de quartier.

Depuis 20 ans, le dispositif a évolué. Les jeunes étudiants encadrent toujours les plus jeunes. Mais ils sont rémunérés grâce à des subventions d’Etat : FAS, ACSE, CLAS, PRE… Autant de sigles barbares qui recouvrent des montagnes de dossiers, de bilans… Enfin, ils ETAIENT rémunérés jusqu’ici. Parce que cette année, les choses changent. Dans le plus grand silence, les subventions sont coupées. Ces jeunes vont devoir repartir à la chasse au petit boulot – chez Macdo ou ailleurs. Ce sera moins gratifiant sur leur CV. Et ils seront moins nombreux à prendre le goût de devenir instits à leur tour, ce qui sera bien dommage pour la fameuse liaison entre l’école et les milieux populaires…

Merci Monsieur Darcos.

Merci de détricoter un tissu qui, bon an mal an, a permis à d’innombrables élèves de s’y retrouver dans la jungle des exigences scolaires et de l’orientation.

Merci de fermer ces salles de quartier qui étaient transformées en ruches pratiquement tous les soirs. Où les enfants étaient fiers de renvoyer aux adultes une image positive. Où les parents aussi s’informaient, prenaient confiance et trouvaient ensemble le chemin des discussions d’égal à égal avec les enseignants.

Maintenant, ce sera dans « l’école après l’école » que les choses vont se passer. Même et surtout pour ceux qui sont « en difficulté » alors qu’ils ont tant de mal à y trouver leur place, et s’en échappent bien vite.

Permettez nous d’être sceptiques. Certains enfants ne reprennent-ils pas plus confiance dans un autre lieu, une autre ambiance, d’autres relations avec des « grands » que dans une salle de classe ? Ne faut-il pas au contraire préserver la diversité des ressources éducatives, renforcer les partenariats et les passerelles ?

Arrêtons de rêver : le bulldozer est passé. Les crédits des programmes de « réussite éducative », les « contrats locaux d’accompagnement à la scolarité » ne seront apparemment plus versés aux associations pour cet accompagnement-là. Les partenariats mis peu à peu en place par cette fameuse « réussite éducative » se délitent.

On parle d’une phase d’expérimentation, de provisoire. Certes. Mais dans la précipitation, sans concertation, sans pilote… Et sans tenir compte de l’extrême fragilité des associations qui crèvent en silence, écœurées et lasses. A mépriser ainsi le travail de fourmi de milliers de résistants dans les quartiers, à détruire des lieux où jeunes et adultes apprennent la coopération et l’entraide, on continue inexorablement l’entreprise de promotion de l’individualisme et du chacun pour soi.

On résistera bien sûr, avec de la solidarité, des bouts de ficelle et de l’huile de coude.

Mais avouez que cette normalisation fait froid dans le dos.

Elisabeth Masse-Bourgain

Association EBULLITION

L’Île-Saint-Denis (93)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.