Georges Hoareau

Abonné·e de Mediapart

49 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 octobre 2013

Georges Hoareau

Abonné·e de Mediapart

La fin du facteur humain ?

Georges Hoareau

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Beaucoup de constructeurs envisagent pour très bientôt la commercialisation de voitures « autonomes », c’est-à-dire de voitures sans conducteurs. Selon un article paru sur Tribune.fr[1], Nissan « affirme que la conduite autonome permettra de parvenir au zéro accidents mortels impliquant ses véhicules », ce, à l’horizon 2020. Mais chez Toyota, c’est prévu pour 2015 et Ford vient tout juste de présenter sa voiture autonome.

Il resterait donc 6 ans aux auto-écoles pour survivre – elles survivent déjà !-.  Mais, si on en croit cet article, les constructeurs vendent déjà des voitures qui stationnent toutes seules. Ceci va faciliter l’enseignement de la conduite puisque l’objectif « être capable de stationner en créneau » se transforme maintenant en « être capable d’appuyer sur un bouton qui va faire le créneau à ta place»… jusqu’en 2020 où c’est toute la compétence de conduite qui se transformera en une pression du doigt sur le bouton « start ».

Qu’allons-nous devenir, nous les moniteurs ? Nous sommes certes protégés par le Code de la route qui exige que tout véhicule doit avoir un conducteur. Mais apprendre à appuyer sur un bouton ne nécessitera pas 20 heures de leçons. Même la pédagogie par objectifs (PPO) ne pourra pas nous sauver puisqu’elle disparaîtra dans quelques mois au profit d’un référentiel de compétences (REMC).

En la matière, la PPO avait du bon puisque le forfait conduite de 20 heures pouvait être travaillé, dans les « bonnes » auto-écoles, en 250 mini-objectifs d’une demi-heure pour peu qu’elles suivent les préconisations du Guide pour la formation des automobilistes et celles des formateurs du BEPECASER. Il est vrai que même les bonnes auto-écoles, les pures et dures, avaient du mal à faire durer le plaisir 125 heures mais, au moins, l’incompétence pouvait se prévaloir d’une caution pédagogique, celle de la PPO.

Cependant, il semblerait que les plus à plaindre seront les animateurs des stages permis à points. Parce que la fin du facteur humain, c’est pour eux (j’en suis aussi) la fin des haricots. Si l’accident ne peut plus arriver, si tout est contrôlé par ordinateurs de bord, alors la prévention passera aux mains des informaticiens.

Mais abordons quand même le côté sérieux de cette affaire : la chance de la sécurité routière jusqu’ici a été que le facteur humain dans les accidents de la route représente 95%. Imaginons qu’il ne fût que de 50%, alors, la moitié des accidents de la route aurait été hors contrôle humain. À un moment d’ailleurs, ce fameux 95% était une véritable idéologie, quand certains esprits peu développés regrettaient que ce taux soit aussi haut, comme s’il fallait viser 70 % puis 40%, etc. . Alors que c’est justement parce que ce taux est de 95% depuis 1972 (dix sept mille tués) jusqu’à ce jour, que l’on a pu tant progresser (environ trois mille cinq cents tués).

Tant qu’il y aura des conducteurs, il est inévitable, heureusement, que le facteur humain reste à ce niveau de 95%. Car c’est ce facteur qui contribue à la baisse de la mortalité routière, du moins lorsqu’il est pris en compte dans des actions de prévention. De toute façon, en nous promettant zéro accident, les constructeurs parlent d’un autre monde, d’un monde sans conducteurs. Mais c’est une autre problématique : si l’humain disparaît, les facteurs ne sont plus nécessaires. À La Poste, par exemple, on le sait depuis longtemps !

Georges HOAREAU


[1] http://www.latribune.fr/entreprises finance/industrie/automobile/20131011trib000790097/ford-nissan-toyota-google-ca-commence-a-rouler-pour-les-voitures-sans-pilote.html

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.