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Billet de blog 22 décembre 2021

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Vaccination en entreprise, je suis confiant !

L'obligation vaccinale en entreprise est une question d'actualité. Témoignage et réflexion ci-après d'un employeur pragmatique qui, avant même de parler d'obligation, prône une conscience vaccinale au sein de son entreprise.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Peu importe le destin qui fait de moi un gérant de centre de formation de quatre-vingts salariés à ce jour et ce que j’en pense, il en résulte un employeur qui, dans le contexte viral actuel, est amené à devoir faire face à un monde étrange, celui, non pas, de l’imbécillité comme il apparaît d’abord, mais plutôt de la peur qu’ont certains salariés de l’inconnu, ce, alors même que le développement n’est possible que quand l’Homme affronte l’inconnu.

Ce coronavirus 19, on en parle à New-York, Moscou, Paris, Pékin et Saint-Pierre (de la Réunion) mais, surtout, il prend de la place dans l’entreprise. Cas contacts, isolement et perte de chiffre d’affaire constituent un véritable problème. L’obligation vaccinale en entreprise est encore une simple question, elle aurait dû être une réalité pour deux raisons au moins, une qui n’est pas très morale ici, c’est la raison économique, l’autre qui l’est un peu plus, c’est tout simplement celle de la santé et de la vie.

Fruit de l’intelligence humaine et seulement d’elle (il n’y a donc pas de miracle) un vaccin, puis deux, puis trois ont été fabriqués, vite fait, bien fait, comme on dit. Bienfait pour l’humanité, laquelle est faite d’intelligence mais aussi de son contraire. En France, une majorité de citoyens a eu recours au vaccin. Cette majorité est inégalement répartie sur le territoire car la confiance en L’Homme, si elle est universelle et bien présente en chacun, est inégalement accessible dans les têtes. Or, confiance et intelligence font bon ménage, c’est un couple inséparable.

Sans confiance, l’intelligence est souvent dure à aller chercher, elle n’arrive pas toujours à franchir le manteau de la méfiance et de l’abrutissement alimenté bien souvent par ce que les gens d’ici appellent « Gueule-Cabri » (facebouck). Elle manque alors de ressort pour faire raisonner l’esprit (scientifique) sans en manquer pour faire vibrer en sens contraire les peurs et les pensées magiques. La confiance en l’Homme est le carburant de l’intelligence scientifique pendant que la méfiance est le moteur de l’obscurantisme.

Croyant bien faire, quelques mois en arrière de maintenant, je décidais d’octroyer une prime de trois cents euros aux salariés de mon entreprise qui seraient vaccinés à une seule condition : que tous le soient. J’appelais cette affaire « Prime Encouragement Santé » et, fort de ma naïveté, je pensais à son succès certain. « Il n’en fut rien » comme disait une avocate adverse. Environ vingt-cinq ont résisté à l’appât de ce gain, certes misérable, préférant ainsi résister au vaccin plutôt qu’au virus.

J’enlevais ma condition unique pour garder l’encouragement général et ceux qui étaient vaccinés ont eu la prime. Que faire de ces vingt-cinq récalcitrants ? Par leur peur du vaccin ils me faisaient rester sur ma faim. Je laissais deux mois passer et, récemment, j’ai pensé mettre en application un principe de persuasion de type millefeuille. C’est une politique d’incitation sans prime aucune à la vaccination composée d’une couche de pédagogie sur laquelle on pose un zeste de coercition puis une légère couche de rapport de force et d’appel au sens des responsabilités… ainsi de suite.

 Au bout d’une semaine, sur les vingt-cinq, il resta douze salariés absolument contre. Que faire de ces douze absolument contre ?

Un d’eux, un brave, me dit qu’il est contre parce qu’il a « peur des séquelles ». Je lui dis « Christophe, je ne comprends pas, tu fumes un paquet de cigarettes par jour et tu n’as pas peur des séquelles et, là, un simple vaccin, tu as peur ? ». Un autre est dans une secte qui lui dicte une conduite à tenir en ce domaine « pour ne pas avoir à rendre compte à Dieu d’une pollution de son corps ». Bon. On ne peut rien faire pour eux. Mais j’ai pu discuter avec d’autres. Longtemps.

Des heures de discussion avec ces formateurs de conducteurs qui ont peur du vaccin comme en 1974 quand les moniteurs étaient farouchement contre le port de la ceinture de sécurité qui entravaient selon eux leur intervention potentielle au volant en cas d’urgence. Responsabilité sociale, disais-je, entre autres arguments. Il faut dire que j’étais tranquillement déterminé et ils le sentaient bien. Ce n’est pas seulement qu’un non-vacciné coûte cher en isolement ni qu’il convenait de diminuer absolument le taux d’ineptie au sein de l’entreprise.

Il y a dans cette attaque virale une indéniable dimension économique. Un salarié malade ou « cas-contact » coûte cher à l’entreprise. Mais comme il arrive aussi que le virus tue, y compris de fiers syndicalistes debout contre la vaccination comme on l’a vu en Martinique, un point important reste celui de la responsabilité citoyenne et sociale du chef d’entreprise. Certes, en l’état et en la matière, il semble que la loi interdise au chef d’entreprise ce que le code du travail lui prescrit : lutter efficacement contre un risque.

Les partenaires sociaux ne sont pas favorables à l’obligation vaccinale en entreprise tout comme, en leur temps, les syndicats de taxi qui avaient obtenu la dispense du port de la ceinture de sécurité pour leurs chauffeurs. Combien de morts sur l’inconscience ? Face à la démagogie et à l’imbécillité, quel est alors le devoir – et le pouvoir d’agir - d’un chef d’entreprise dans ce contexte où il lui est interdit d’exiger quoi que ce soit en matière de vaccination ? Au regard de l’énormité des statistiques nationales et mondiales, il ne me paraît pas possible dès lors de regarder ailleurs et de siffler le nez en l’air comme si de rien n’était.

 Au final, en cette fin d’année, tout le monde est vacciné au sein de l’entreprise. Cela n’a pas été sans mal car il a fallu dialoguer et persuader sans cesse. Pas facile car il n’y a pas d’obligation vaccinale en entreprise et il n’est pas possible d’exiger d’un salarié qu’il déclare son statut en la matière. Persuader, je ne le cache pas, c’est aussi faire jouer un rapport de force, c’est jouer avec les limites sans les dépasser (mais aucun développement n’est possible si on est frileux), être déterminé et ne pas douter que, fort de cette détermination, la confiance en l’Homme est supérieure à tout.

Parfois, l’intelligence (la confiance) est collective, magnétique et alors aimante, parfois elle est attirée ou, plutôt, aimantée à force de patience et de pédagogie. Elle est attirée mais il faut souvent aller la chercher là où elle est engluée au milieu des peurs, des inquiétudes, des rages et des angoisses qu’il faut combattre, comprendre et surtout surpasser.

Georges HOAREAU

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