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Billet de blog 24 octobre 2015

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Drame de Puisseguin : point de vue technique

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce samedi, Pierre VEIL de France Inter voulait faire dire au président de Région Alain ROUSSET que la route sur laquelle a eu lieu l’accident d'autocar était dangereuse. Même devant son insistance, allant du nombre de tués dans cet accident à la promesse d’audit des rourtes secondaires du candidat Hollande, le président n’a pas cédé. Cette route n’est pas plus dangereuse qu’une autre, elle est entretenue normalement. Mais la pression médiatique et populaire voudrait que cet accident s’explique par la sinuosité de la route.

Dès lors qu’il y a un virage, alors la route est censée être dangereuse. On dit alors, il faut supprimer les virages. Pourtant les statistiques semblent montrer qu’il y a plus d’accidents mortels dans les lignes droites, « quand tout va bien ». On perçoit l’ineptie : si on cède à la pression médiatique ou à celle des experts en tout et en général, on supprime les virages quand il y a un accident grave dans un virage, et si un accident arrive dans une ligne droite, on demandera d’y mettre des virages.  Il en est de la sécurité routière comme des catastrophes ou des crimes, on explique en fonction d’un idéal simpliste.

Les solutions techniques ou autres qui découlent des « théories » autour de cet accident en particulier ou des accidents en général, si elles étaient possibles à mettre en œuvre, déboucheraient sur la paralysie. Par exemple, puisque, nous dit-on, l’autocar roulait à vitesse raisonnable, il faudrait encore réduire cette vitesse raisonnable pour que l’accident n’ait pas lieu. En la matière, plus la vitesse tend vers zéro, plus la sécurité est garantie. Paralysie aussi quand il faut choisir des lignes droites pour éviter les accidents en virage et des virages pour éviter les accidents en ligne droite... il faudrait qu'il n'y ait ni virages, ni lignes droites.

On ne se préoccupe pas assez dans cette affaire de la notion même d’accident. Je ne connais pas précisément le niveau de sécurité de chaque élément. Mais on partira d’un cas d’école. On supposera que l’autocar est en excellent état, que le camion aussi. En outre, les chauffeurs sont formés, en bonne forme et expérimentés et la route est bien entretenue. Qu’elle soit humide n’est pas un problème en soi puisque cette caractéristique est prise en compte par les protagonistes. Un accident peut-il encore arriver ? La réponse est oui.

Ce n’est pas dire que l’on ne peut pas encore améliorer la formation des conducteurs, la conception des véhicules et des routes. On le peut. Mais aucune amélioration à quelque niveau que ce soit ne garantit le zéro accident à venir. On peut diminuer encore le nombre d’accidents de ce genre, mais l’accident est toujours possible. Au passage, intellectuellement, on remarquera que tant que le mot « accident » existera, il y aura des accidents puisqu’il signifie un événement très particulier aux conséquences graves. On peut en effet empêcher un événement en général, on ne le peut pas s’il est « très particulier ».

Si tous les éléments – véhicules, conducteurs et route – sont à l’optimum de sécurité, qu’est-ce qui peut alors provoquer l’accident ? Les facteurs sont multiples. Cela va du temps de traitement de l’information par les conducteurs jusqu’à la présence d’un enfant dans le camion. En ce qui me concerne, il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir un de mes enfants dans mon camion. Ce n’est pas plus dangereux que de l’avoir dans une voiture, sans doute moins d’ailleurs. Et il m’est arrivé de jeter un coup d’œil sur lui, ce qui signifie un coup d'oeil de moins sur la route. Mais ici, je ne pense pas que cela ait joué un rôle.

On dit que le camion était « en portefeuille ». Qu’est qui peut expliquer cela ? Plusieurs choses, dont la chaussée humide. Rappelons qu’un camion en portefeuille, c’est quand la remorque veut aller plus vite que son véhicule tracteur. Elle va profiter d’un léger braquage pour essayer de passer devant. Pas à cause de son poids – ici, le camion circulait à vide – mais à cause d’une adhérence insuffisante de l’essieu arrière du tracteur. Pas à cause de la vitesse non plus puisque la vitesse est la même pour tous les essieux, il y en a environ six, et seul l’essieu arrière du tracteur perd de l’adhérence. C’est même un manque de vitesse qui pourrait expliquer que le tracteur n’ait pu retenir la remorque.

Enfin, techniquement, mais pas nécessairement, l’usage du ralentisseur qui équipe la plupart des poids-lourds peut provoquer cette mise en portefeuille puisque le ralentisseur ne ralentit directement que le tracteur. Ce dernier ralentit mais pas la remorque, sauf si le conducteur a le pied sur le frein, ce qui n’est pas franchement nécessaire en usage normal. Il s’exerce alors une poussée de la remorque non freinée sur l’essieu arrière du tracteur et, braquage aidant, cet essieu glisse sur la chaussée à cet endroit un peu plus glissant : la remorque va tout droit en ramenant le tacteur vers elle. S'il s'agit d'un virage à droite, l'ensemble se retrouve alors sur la voie de gauche.

Georges HOAREAU

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