A propos de la nouvelle banque de 1000 questions de l’épreuve de code, on peut mettre en perspective deux approches. D’abord celle de la Sécurité routière qui prétend que ces questions « font une part plus grande aux comportements adaptés, à la perception des risques sur la route et à l’auto-évaluation par le conducteur de ses capacités ». Ensuite celle du syndicat d’exploitants auto-écoles UNIC qui dit que la « la difficulté accrue de l’ETG protège la profession en rendant l’accompagnement des écoles de conduites incontournables pour les candidats ». Il apparaît donc que si la Sécurité routière est dans l’erreur – ce qui est vraisemblable - en prétendant pouvoir évaluer des compétences de comportements, de perceptions de risques et d’auto-évaluation de ses capacités par une épreuve de code totalement théorique, on ne peut compter sur les syndicats d’auto-école pour s’y opposer.
L’important, semble-t-il alors, n’est pas le candidat, ni la difficulté surfaite et totalement artificielle d’une épreuve de code. Ce qui semble compter, c’est que la profession s’y retrouve en se donnant pour mission, non pas de former des conducteurs plus sûrs, mais de neutraliser les artifices des questions ambigües de cette banque aux 1000 questions. Comme le dit le syndicat UNIC, « se présenter à l’examen sans un suivi préalable avec un enseignant et des formations de qualité que seules les auto-écoles peuvent proposer, représentera un risque plus important d’échec pour les élèves ». Mais c’est quoi une formation de qualité si elle est relative à une épreuve au contenu abscons et insensé au regard de la psychopédagogie ? Car il faut vraiment être formaté et intellectuellement défaillant pour croire que l’on va évaluer un « comportement adapté » ou une « perception des risques » par la réponse à une question. Tout au plus évaluera-t-on une connaissance. De même, la réponse correcte à une question ne saurait prétendre auto-évaluer une capacité de conduite.
On doit s’interroger sur ce qui motive la Sécurité Routière à proposer un tel registre de questions aussi absurdes et son intérêt à mettre les candidats inutilement en difficulté au regard des compétences de conduite sûre. La rumeur dit que cette culture de l’échec des candidats à l’examen est organisée pour servir les intérêts des entreprises privées (La Poste par exemple) qui vont bénéficier de la manne de la privatisation de l’épreuve de code. A 30 euros le passage, si 40% des deux millions de candidats échouent, le business sera florissant. Dans cette perspective, les auto-écoles auraient le beau rôle, celui de maintenir ce taux d’échec à son niveau le plus bas. L’absurdité des questions va tout à fait dans le sens d’une réalité de cette rumeur. En effet, j’ai encore testé certaines questions auprès de quelques inspecteurs et moniteurs. Par exemple, aucun de ces professionnels – pas même les inspecteurs ! - ne connaît le seuil de décibels autorisé pour une voiture, aucun ne connaît le montant maximum de l’amende pour refus d’obtempérer à un signal donné par un agent. Pourtant ce sont là des questions « emblématiques » qui sont censées montrer chez des candidats au permis de conduire ( !) des compétences d’auto-évaluations de ses capacités, de comportements adaptés, de perception des risques.
C’est un peu malheureux que si l’on refuse de croire à cette rumeur faisant la part belle à une théorie du complot, la seule explication qui reste soit la stupidité et la totale incompétence de la Sécurité routière. On aurait pu compter sur les syndicats pour faire bouger les lignes mais on voit bien que ces derniers comptent remplir a minima leur mission de défense des candidats, en se proposant par exemple de leur faire payer la déconstruction du piège de l’examen. Car cette banque de questions est bien un piège et, c’est sûr, notre profession est à même d’aider les candidats à la surmonter. Mais c’est réduire là notre profession à pas grand-chose, c’est la mettre au niveau des sites internet qui ne manqueront pas de fleurir. Qu’en est-il de la formation à la sécurité et de son développement si l’épreuve de code, fondement même de ladite sécurité, est un piège ? On peut dire qu’en faisant passer le contenu de cette banque de questions au second plan, en en faisant une question de business, les auto-écoles participent allègrement au déni de l’éducation routière et, ainsi, à sa propre destruction.
Georges HOAREAU