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Billet de blog 6 juin 2021

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« Pas en mon nom », déjà en 2017 et toujours d'actualité, hélas

Je suis français-juif-alsacien-médecin-européen-laïc.   Peut-on encore critiquer la politique de l' Etat d' Israël et celle du Hamas? Il est de plus en plus difficile de s'exprimer en France et notamment depuis le calamiteux sommet de l'OTAN, organisé à Strasbourg-Kehl, les 3 et 4 avril 2009.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Publié dans le revue Espoir de Colmar en 2017 

« Pas en mon nom »

Je suis français-juif-alsacien-médecin-européen-laïc.

Attaché viscéralement à l’existence d’Israël, mais bouleversé il y a 35 ans par Sabra et Chatila, désespéré par la politique de colonisation croissante depuis 1967, je suis convaincu que dénoncer les crimes de guerre d’Israël permettra de favoriser, un jour, un règlement juste et durable entre Israël et la Palestine.

J'aimerais souligner l'importance du mouvement d'opinion international qui se dessine dans le sens de la reconnaissance de l'Etat Palestinien y compris avec un fléchissement favorable de l'administration OBAMA, qui en s’abstenant, -elle n’est pas allée jusqu’à voter pour, a permis l’adoption de la résolution 2334, certes tout fait à la fin de ses deux mandats.

Je soutiens donc l’adoption par le Conseil de Sécurité de la résolution 2334 du 23 décembre 2016 qui « exige de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », résolution que le gouvernement de Benyamin Netanyahou refuse d'appliquer comme beaucoup d’autres résolutions précédentes de l’ONU.

Ce mouvement international grandissant semble susciter des réactions d'inquiétudes parmi les soutiens inconditionnels de la politique israélienne qui continuent à encourager l’emprise du militaire et du religieux dans la gestion du pays, la colonisation et sa politique internationale.

Ces soutiens estiment que la reconnaissance de la Palestine serait une menace pour la paix.

On ne sait plus à quels saints se vouer.

Mais qu'est ce qui pourrait être un encouragement à la paix ?

A coup sûr l'arrêt de la colonisation des territoires occupés et l'arrêt de la répression contre la population palestinienne.

Je mets volontairement « de côté », la question cruciale et complexe du retrait des colonies depuis 1967, pour « simplifier » le questionnement.

Aussi, la manifestation récente de soutien à la politique irréaliste de l'Etat d'Israël qui s'est tenue place de la République à Strasbourg, sous protection policière, me semble ne pas être un vecteur de paix.

Le peu de réaction en Israël face aux meurtres d'enfants palestiniens par des forces armées régulières, la mentalité actuellement dominante en Israël rendent possible le pire.

L’organisation de telles manifestations par le CRIF, favorise l’idée qui consiste à assimiler juifs et dirigeants israéliens : c’est dangereux pour l’ensemble des Juifs de France et du monde face aux courants antisémites qui n’ont jamais cessé d’agir et auxquels nous devons continuer de nous opposer, notamment par un travail de Connaissance scrupuleux et un travail de Mémoire non partisan, qui ne mettrait pas les mémoires en compétition.

Nous devons nous y opposer, aussi et surtout, par la lutte politique pour la justice sociale.

Tout ceci se déroule dans un contexte calamiteux d’Etat d’Urgence (décrété le 13 novembre 2015 et prorogé continuellement jusqu’au 11 juillet 2017) qui tend à criminaliser toute manifestation politique ferme et affirmée (comme le modeste enfarinage de Valls à Strasbourg, le 22 décembre dernier).

Et l'on se dirige à vive allure vers un contrôle généralisé des actes et des pensées ou chacun est appelé à choisir un camp qui deviendra le « sien », sans lien avec tous les autres.

L’injonction est si forte qu’il est difficile est même périlleux d’y échapper.

Cette lente dégradation de la liberté d'opinion démocratique remonte pour moi au calamiteux sommet de l'OTAN, organisé à Strasbourg-Kehl, les 3 et 4 avril 2009.

Vous vous en souvenez certainement. Cela a été l’occasion pour les autorités - préfet et maire de Strasbourg - de réunir leurs pouvoirs pour transformer la ville en camp retranché et lui imposer un véritable état de siège en créant des zones de restriction de circulation touchant près de 40 000 personnes badgées et fichées (illégalement).

Afin de garantir « la sûreté des voyages officiels » de moins de 30 délégations internationales, dont celle du « Président », comme on désigne au sein des instances de l’OTAN le chef des Etats-Unis d’Amérique !

Le préfet a affirmé qu’il ne s’agissait que « de mettre en sécurité des lieux de déroulement du sommet (3 au total), des lieux de résidence pour les délégations et des itinéraires empruntés par les cortèges officiels » !

Vingt-mille hommes « de main » ont été réquisitionnés pour contrôler les différents checkpoints établis.

Le sigle « OTAN » a fait la démonstration qu’il était capable de captiver l’attention de centaines de milliers de citoyens et tel un hypnotiseur d’abolir toute capacité critique.

Aucun débat de fond sur le sens de l’adhésion à l’OTAN, sur son financement, son commandement américain, son idéologie et notamment ses PPP (Partenariats pour la paix), dont « le dialogue méditerranéen » qui associe Mauritanie, Algérie, Tunisie, Maroc, Egypte, Jordanie... et Israël, mais exclut l’Autorité Palestinienne ! Donc, les mêmes qui s’offusquaient des crimes de guerre israéliens commis à Gaza en janvier 2008 (Opération « Plomb durci ») « encouragent » Israël à récidiver, avec l’aval de l’OTAN, à partir du 8 juillet 2014, à mots couverts et euphémisés : « Bordure de protection. » Sachant qu’Israël a droit à la sécurité et à la paix et que les menaces de destruction qui pèsent sur lui sont criminelles. Mais qu’il se doit de favoriser le processus de paix tant qu’il en a encore les moyens. L’OTAN a été capable de créer l’unanimité idéologique autour de sa doctrine (implicite) en gommant toute aspérité critique et en rendant toute tentative de débat démocratique superfétatoire. Le Tribunal administratif qui a rejeté les référés-liberté intentés par quelques Strasbourgeois, dont je m’honore d’avoir fait partie, a même repris les arguments avancés par la préfecture pour justifier des mesures restrictives à la libre circulation, en rappelant la menace de violences constituée pour l’ordre public par « les appels à la désobéissance civile » ayant circulé « dans les médias et notamment sur internet ». Ceci illustrant de manière pathétique le décalage idéologique existant entre la société civile et ses dirigeants délégués par elle à l’exercice du pouvoir.

Associer « désobéissance civile » à un appel à la violence montre l’indigence culturelle de nos « élites ».

L’illégalité a été érigée en règle et les autorités ont fait un pied de nez à la loi, avec la « complicité » de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés )7 qu’on avait connue plus avisée et vigilante, et « la connivence » du Tribunal administratif qui n’a pas jugé illégal l’existence d’un fichier non déclaré à la CNIL. Les pouvoirs publics ont réussi à légitimer l’usage de la force « pour la paix » et à criminaliser les pacifistes. Et on voudrait aussi nous faire croire que les 400 caméras de vidéosurveillance existant à Strasbourg n’ont pas émoussé l’esprit critique des Strasbourgeois qui ont semblé s’accommoder, dans leur immense majorité, de toutes ces restrictions. Comme si, d’une certaine manière, ils les acceptaient sinon les appelaient de leurs vœux ! Quid de l’objectivité des 3 000 journalistes présents à qui l’organisation a offert un pack comprenant des bonbons Haribo et des chocolats Ritter Sport, frappés du sigle de l’OTAN, et un film de M. Gazier et de J. Malaterre sur Jean-Marie Le Clézio, « L’Universalité des cultures et des mondes primitifs », qui s’achève sur un dialogue avec Tony Gatlif, le cinéaste gitan, « récupéré » pour l’occasion ? A quand les bombes et les armes de l’OTAN marquées par Haribo (« macht Kinder froh, Haribo rend les enfants heureux ») ?

Les délégations se sont retrouvées au Palais de la musique et des congrès appelé aussi Pierre Pflimlin, maire de Strasbourg, président du Conseil, et président du Parlement européen, mais aussi juge d’instruction sous Vichy de 1941 à 1944.

Nous sommes-nous vraiment extirpés de cette matrice idéologique, si nous ne tentons pas d’écrire l’histoire et d’en comprendre les effets, au lieu d’apprendre celle que les « vainqueurs » écriront dans trente ans ?

Evitons de nous retrouver dans la situation des lapins qui n’ont toujours pas d’historien, ce qui fait que « l’histoire est toujours écrite par les chasseurs », comme nous le suggère Howard Zin.

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