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Billet de blog 18 mars 2025

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Travail par fortes chaleurs : la DGT renonce à prendre des mesures efficaces

Début 2025, la direction générale du travail faisait paraitre son bilan de la gestion de la vague de chaleur 2024, indiquant « les constats révèlent des situations de travail parfois très dégradées et alarmantes ». Et pourtant, elle s'apprête à publier un décret dont le contenu est très insuffisant pour protéger les travailleurs et travailleuses des effets parfois mortels de la chaleur.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Travail par fortes chaleurs, la Direction Générale du Travail (DGT) renonce à prendre des mesures de protections efficaces.

Début 2025, la direction générale du travail faisait paraitre son bilan de la gestion de la vague de chaleur 2024. Il s’agit de la consolidation de remontées qualitatives des 1 717 interventions des agents de l’inspection du travail en vertu de l’instruction DGT du 6 juin 2024.

Selon la DGT, « les constats révèlent des situations de travail parfois très dégradées et alarmantes » y compris en phase de vigilance verte correspondant à la veille saisonnière sans vigilance particulière.

Outre le secteur du BTP, des situations à risque sont constatées dans le secteur du commerce (magasins et entrepôts), de la restauration, de la boulangerie…

En période de vigilance jaune et orange, les constats concernent notamment l’absence de fourniture d’eau, de l’eau à température ambiante jusqu’à 35°c ne permettant pas de se rafraichir, l’absence de locaux sanitaires, l’absence d’ombre ou d’aménagement des horaires pour les travailleurs en extérieurs (BTP, agriculture, spectacle vivant, sécurité…). Concernant les locaux de travail, l’absence ou le non-fonctionnement des systèmes de ventilation, débouchant sur des relevés dépassant parfois les 40°c.

Concernant les accidents de travail en lien probable avec la chaleur, la DGT a retenu après analyse 7 accidents du travail mortels et 4 accidents graves, étant précisé que la majorité des accidents mortels et la moitié des accidents graves ont eu lieu en période de vigilance verte.

Quelques jours après la parution de ce bilan, la même DGT a saisi les partenaires sociaux du Comité d’Orientation des Conditions de Travail (COCT) de deux projets, un décret et un arrêté, sur le même sujet. Force est de constater qu’ils ne répondent pas à l’objectif annoncé de protéger efficacement les travailleurs et travailleuses comme l’ont dénoncé les représentant.es CGT. 

Parmi les nouvelles mesures annoncées, la DGT entend étendre l’obligation de « température convenable » des locaux de travail à toutes les saisons. Le hic, c’est que le ministère refuse toujours d’indiquer quelles seraient les températures convenables que cela soit en été ou en hiver limitant très fortement la possibilité de constater une infraction ou pour les travailleurs d’utiliser leur droit de retrait en s’appuyant sur des références réglementaires opposables. Bref, rien de contraignant pour les employeurs et aucune interdiction de chauffer les locaux à 12°c en hiver ou de faire travailler des travailleurs sous des hangars à 40°c l’été !

En second lieu, la DGT annonce la création d’un nouveau chapitre réglementaire concernant la «prévention des risques liés aux épisodes de chaleur intense ». Alors même que la DGT constate qu’une majorité d’AT mortels ont eu lieu pendant la période verte, les mesures de ce nouveau chapitre ne trouveraient à s’appliquer qu’en cas de vigilance jaune ou orange définie par Météo France ! Ainsi, plutôt que d’opter pour des mesures pérennes tout l’été, le Ministère entend complexifier les choses au rythme des alertes, certaines ne durant parfois que 24h, et des zones géographiques concernées.

Cela est d’autant plus absurde que les températures relevées au sein des locaux de travail ne sont pas en lien direct avec la température extérieure. Utilisation d’équipements de travail produisant de la chaleur, importance des surfaces vitrées, non-isolation des toitures, absence ou dysfonctionnement des installations d’aération, même en absence d’alerte de niveau jaune ou orange, de nombreux paramètres peuvent exposer des travailleurs à des risques graves.

Pour un décret censé protéger les travailleurs, la DGT limite l’application des nouvelles mesures à l’évaluation préalable des risques par l’employeur. Tant que l’employeur n’a pas identifié un risque d’atteinte à la santé, la mise en œuvre des mesures complémentaires n’a aucun caractère obligatoire !

Ces nouvelles mesures - adaptation du travail et notamment des horaires, report du travail physique en cas de risque imminent, mise à disposition d’un endroit ombragé pour les travailleurs en extérieurs, mise en œuvre d’un dispositif de signalement en cas de malaise - relèvent pourtant de la prévention primaire et devraient être appliquées toute l’année ! 

Aucun nouveau moyen d’action efficace pour l’inspection du travail.

Alors que la DGT indique dans son bilan que « Plusieurs DREETS ont souligné que l’absence de moyen juridique contraignant et rapide ne permet pas une action efficace pour protéger les travailleurs et obtenir des mises en conformité », rien n’est prévu pour changer les choses.

Malgré les annonces d’Olivier DUSSOPT de septembre 2023, la DGT n’a pris aucune mesure pour inclure le "manquement caractérisé aux préconisations relatives à la protection des travailleurs en cas de fortes chaleurs" aux motifs d’arrêts d’activités ou de travaux pouvant être prononcés par les inspecteurs du travail. Cela est d’autant plus dommage que ses décisions applicables immédiatement ne sont quasiment jamais contestées devant la juridiction administrative et permettent de résoudre les difficultés rencontrées en quelques jours seulement.

En lieu et place, la DGT entend instaurer une nouvelle mise en demeure préalable à la rédaction d’un procès-verbal d’infraction dans le cas ou l’agent.e de contrôle de l’inspection constate l’insuffisance des mesures de prévention concernant un risque d’atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs lié aux épisodes de chaleur intense. Malheureusement, cette mise en demeure n’a aucun effet immédiat pour les travailleurs concernés, l’employeur ayant un délai minimal de 8 jours pour établir des mesures de prévention. Pire encore, tout recours est suspensif sachant que l’absence de décision de la DREETS vaut annulation implicite de la décision de l’agent de contrôle.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.