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Billet de blog 19 février 2025

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Enquête pour discrimination : le ministère du travail remporte une série de trophées

Alors que la Défenseure des Droits vient de publier sa Décision cadre 2025-019 du 5 février 2025 relative concernant les enquêtes internes réalisées à la suite de signalement pour discrimination, le ministère du travail se distingue avec le premier rapport d’enquête en matière de discrimination réalisé par les services centraux de la DRH, remis le 12 février 2025.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Trophée n°1

Pour le temps record écoulé entre le signalement pointant l’existence d’une discrimination en 2016 et l’ouverture de l’enquête en 2022, soit 6 ans !

Trophée n°2

Sept signalements avant le déclenchement de l’enquête : un par an entre 2016 et 2021 et deux en 2022 portant sur la rémunération, le déroulement de carrière, l’atteinte aux mandats syndicaux, un harcèlement discriminatoire.

Trophée n°3

Pour la durée de l’enquête : Alors que le guide interne des ministères sociaux indique que l’enquête ne peut excéder un délai de 3 mois, que la Défenseure Des Droits préconise (recommandation n°9) aux employeurs privés comme publics de conclure l’enquête interne dans les délais les plus brefs possibles, il aura fallu 2 ans et 8 mois et de multiples relances pour que la commission d’enquête rende son rapport. Soit 8 ans et 8 mois après le premier signalement.

Trophée n°4

Pour la modification du rapport d’enquête par l’employeur. Alors que « La Défenseure Des Droits souligne que l’employeur doit s’abstenir d’exercer toute forme de pression sur l’enquêteur en vue d’atteindre un résultat qui le favoriserait » (recommandation n°20), la DRH des ministères sociaux confirme avoir relu et fait modifier le rapport d’enquête.

Trophée n°5

Pour absence d’impartialité. Alors que le signalement vise notamment un retard en matière de promotion qui est de la compétence exclusive de la DRH ministérielle, celle-ci a décidé de confier l’enquête a ses subordonnés directs. Sur ce point la DDD indique que « Si la direction ou des personnes du service habituellement chargées d’enquêter sont elles-mêmes mises en cause par un signalement, l’enquête interne devrait être confiée à un prestataire extérieur dans un objectif d’impartialité » (recommandation n°24).

Trophée n°6

Pour rajouter la condition d’«intention de nuire » à la définition de la discrimination. Obligée de reconnaitre des faits discriminants notamment en matière de promotion, la DRH considère qu’il n’y a pas de discrimination à défaut d’intention de nuire. « S’agissant des agents publics, la Défenseure des droits estime que la qualification juridique doit s’appuyer sur les manquements aux obligations spécifiques liées à l’interdiction du harcèlement sexuel, des agissements sexistes et discriminatoires prévus par le code général de la fonction publique et viser, s’il y a lieu, d’autres manquements figurant dans d’autres textes, tels que les codes ou chartes de déontologie ou dans la jurisprudence » (recommandation n°41). Dans les textes visés, la discrimination est caractérisée sans aucune intentionnalité.

Trophée n°7

Pour faire disparaitre des faits discriminatoires. La DRH ministérielle considère que l’annulation de décisions de retrait de mandats syndicaux par la juridiction administrative…vaut réparation du préjudice. C’est la seule conclusion qu’elle tire des nombreuses décisions du tribunal administratif de Rouen et du Conseil d’Etat- Bête noire de la préfecture de Seine-Maritime, un syndicaliste CGT obtient gain de cause en justice | Mediapart.

Trophée n°8

Pour refuser d’instruire la partie du signalement visant le harcèlement moral. Alors que le rapport vise bien une saisine pour harcèlement moral, les nombreux faits ne sont pas traités et la commission ne se prononce pas sur le sujet. « La Défenseure Des Droits recommande que le rapport expose les faits allégués et leur signalement… les éléments de présomption recueillis, …, les propositions de qualification juridique des agissements dénoncés et les mesures de traitement de la situation proposées ». (Recommandation n° 34), « La Défenseure des droits tient à souligner qu’il est indispensable que la qualification des faits fasse l’objet de la plus grande attention» (Recommandation n° 40)

Trophée n°9

Pour refuser la mise en œuvre du « principe de l’aménagement de la charge de la preuve » (recommandation n° 25 du DDD).

Trophée n°10

Pour refuser l’application, par le Ministère, du cadre réglementaire édicté…par le Ministère. L’Arrêté du 26 mai 2021 définit les modalités de l’enquête et prévoit le  « principe du contradictoire et de l’égalité des moyens ». Malgré de nombreux rappels, la DRH ne mettra pas en œuvre le principe du contradictoire.

Trophée n°11

Pour ne pas avoir auditionné durant l’enquête plusieurs responsables mis en cause (DRH, DGT…) ayant participé au harcèlement discriminatoire (recommandation n° 27 du DDD).

Trophée n°12

Pour refuser la mise en œuvre de la méthode des panels de comparaison reconnus par la DDD, la Cour de cassation et le conseil d’Etat. Sur ce point, notons que la méthode des panels avait été retenue dans le premier pré rapport avant de disparaitre du rapport final.

Trophée n°13

Concernant la qualité du dialogue social le temps de l’enquête. La DRH a en effet fait appel à la police, intervenue fortement armée après avoir bloqué la rue du ministère au motif que j’exigeais une date de rendez-vous avec la DRH. Merci au commissaire divisionnaire dont l’intervention a permis l’obtention du rendez-vous.

Trophée n°14

Pour considérer que la dégradation de l’état de santé ne relève pas du périmètre de l’enquête, que la commission d’enquête n’a pas de compétence sur le sujet. Pourtant,  l’administration a notamment reconnu l’imputabilité d’un accident de service lié au retrait d’un dossier professionnel en lien avec mes mandats syndicaux. « La Défenseure Des Droits recommande aux employeurs de prendre en compte la dégradation de l’état de santé de la personne qui a signalé les faits » (recommandation n° 10)

Trophée n°15

Pour n’avoir pas rappelé à la DREETS l’interdiction des représailles, étant pendant 15 mois le seul représentant du personnel à devoir appliquer des règles spécifiques non imposées aux autres représentants du personnel. « La Défenseure Des Droits recommande que l’interdiction des représailles soit rappelée par écrit par l’employeur à la victime présumée et aux témoins le plus tôt possible ». (Recommandation n° 14).

Trophée n°16

Pour indiquer dans le rapport que la DRH n’aurait pas les données sur la rémunération des agents d’avant 2020. Que dire ?

Trophée n°17

Pour l’absence de compte-rendu d’entretien. La Défenseure Des Droits recommande que les auditions soient retranscrites dans un compte-rendu de façon quasi exhaustive soumis à la relecture et à la signature de la personne auditionnée (Recommandation n° 33).

Trophée n°18

Pour le refus de transmission des éléments de l’enquête contrairement à l’avis de la direction des affaires juridiques du ministère s’appuyant sur l’Avis 20210697 - CADA

Au final, trophée spécial pour la qualité de l’enquête. « La Défenseure des droits recommande également aux employeurs d’avoir une appréciation objective, neutre et loyale de l’ensemble des éléments portés à leur connaissance lors de l’enquête interne et d’en tirer les conséquences sur la qualification des faits » (recommandation n° 43)

Une enquête sur laquelle il faudrait enquêter.

Compte tenu de l’ensemble de ces manquements, j’ai saisi la Défenseure Des Droits le 14 février 2025

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