Nous l'expliquons inlassablement, Mediapart est un laboratoire pour la nouvelle presse numérique. Et c'est tout particulièrement vrai pour Media-part comme participatif. Après quatre mois de débats, de tests, de manifs virtuelles, de grands cris et de douces suggestions, nous avons donc décidé de revenir sur une des innovations de notre nouvelle formule de juillet: le repli de commentaires.
Ah quel soulagement!, diront sans doute ceux qui ferraillent contre ce que nous avions voulu être un outil de modération « intelligent » – faisant appel à l'intellignence de nos abonnés. Il n'a pas été perçu comme tel, à en croire quelques dizaines d'entre eux – 82, soit un peu plus d'un pour mille, au dernier comptage. Bien au contraire, ceux-là y ont vu un insupportable moyen de censure déguisée, rivalisant d'arguments – et pas toujours des meilleurs – pour tailler en pièces ce qui visait seulement à mieux organiser nos échanges dans le Journal comme dans le Club.
Comme Mediapart est notre maison commune, nous effectuons bien volontiers ce « repli sur le repliage », partant du bon vieux principe que « le lecteur a (presque) toujours raison ». Donc désormais, plus de mention « Lire ce commentaire » au dessus d'une case blanche qui incitait à cliquer et donc à déplier un commentaire déconseillé par une majorité de lecteurs. Retour au fil complet et entièrement visible des commentaires, avec ses inévitables scories, excès et sorties de route.
Notre projet s'est de fait heurté aux insondables mystères des comportements humains... Que voulions-nous? Mieux organiser les conversations dans les fils de commentaires en permettant aux lecteurs non pas de supprimer, mais de minorer en les repliant les commentaires hors sujet, les doublons, les trolls divers et les agressivités déplacées. La richesse du participatif sur Mediapart, la qualité de certains débats qui se nouent entre lecteurs méritent des mises en valeur particulières et donc des fonctions de modération et de recommandation.
Le « repli » n'est donc pas le bon système, nous disent de nombreux lecteurs, tant les stratégies de détournement ou de contournement se sont déployées. Il nous faut bien constater, avec Olala, qu'on ne voit pas « pas que les bénéfices du repli (lesquels ?) soient supérieurs à ses inconvénients » : le nombre d'insultes n'a pas diminué, le nombre d'alertes (12 samedi, 17 dimanche, à titre d'exemple) n'a pas diminué (mais ce n'était pas l'objectif), les commentaires déconseillés sont souvent ceux qui professent des opinions divergentes, et enfin « un certain nombre d'utilisateurs de cette fonction ne l'utilise que pour manifester leur hostilité au commentateur et non à son commentaire ».
Et puisque le repli, c'est fini, nous voilà désormais à l'offensive pour élaborer de nouvelles fonctionnalités de modération. Elles vous seront proposées dans les mois qui viennent, dans le cadre d'une refonte d'ampleur du Club. Pas d'ambiguité: il ne s'agit nullement de « censure » rampante, de « normalisation » cachée, de bien-pensance organisée. Mediapart, dans sa dimension participative, demeurera irréductiblement un espace de liberté. Et cette liberté peut être conciliée avec le respect de chacun de nos lecteurs: ils peuvent aussi vouloir – ou ne pas vouloir – lire les commentaires de tel ou tel abonné. Libre expression, libre choix, libre volonté: à très vite donc et toutes vos suggestions pour ne pas être condamné à lire aussi n'importe quoi sont les bienvenues!
François Bonnet et Géraldine Delacroix