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Billet de blog 31 mai 2017

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« Non, surtout, M. Wyplosz, n'argumentez pas ! » ou Tombeau pour Martine Aubry

Ce n'est pas que j'éprouve une passion pour Martine Aubry, mais la volée de bois vert que lui administre le brillant économiste Charles Wyplosz (Telos) rassemble une telle quantité de “vérités” économiques désormais contestées même par le FMI, l'OCDE et la Banque mondiale que mon sang n'a fait qu'un tour. Un monument d'arrogance...

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Et c'est reparti ! Le brillant Charles Wyplosz récidive ! Cette fois il tombe à bras raccourcis sur Martine Aubry :
« Après des décennies passées à contredire systématiquement les lois de l’économie... ».
On ne contredit pas des lois, on y contrevient. Ou alors c'est que ce ne sont pas des lois !
« D’une certaine manière, cette saga [les 35 heures] est un concentré de tout ce qui ne vas (sic !) pas en France en ce qui concerne les politiques économiques. »
« On ne le dira jamais assez, une cause majeure du chômage de masse est le coût du travail trop élevé pour ce qui est des emplois peu qualifiés. » En effet, « on ne le dira jamais assez » ! C'est par l'inlassable répétition que la propagande mainstream finit par s'insinuer dans les cerveaux labiles des c...ns et des mal-comprenants que nous sommes.
« ... des charges sociales parmi les plus lourdes au monde », « une réglementation tatillonne », « les entreprises n’avaient pas les ressources pour passer aux 35 heures payées 39 ». (Toujours les bons vieux même arguments...) Et c'est pourquoi nos malheureux “entrepreneurs” en furent réduits à... robotiser et délocaliser. (Ah, bon ? il n'y a que chez nous, avec nos coûts élevés, que ça se fait ? L'Allemagne ne robotise pas ? ne délocalise pas dans son hinterland ?) « Il semble même impossible de convaincre l’opinion publique que les 35 heures ont été une cause du chômage de masse. » (C'est vous dire si on est c...ns !)
« Tout d’abord, [Aubry] fonde sa réflexion sur des convictions idéologiques, c’est-à-dire des croyances qui ne sont pas susceptibles d’être évaluées par une confrontation à la réalité. Le partage du travail, la base des 35h, est un célèbre contre-sens économique. » Non, surtout, M. Wyplosz, n'argumentez pas ! Temps perdu... Matraquez vos mantras, enfoncez les dans nos crânes comme des clous, tapez, tapez encore : ils finiront par devenir célèbres !... Salir la notion de conviction en la ramenant à une croyance, et la jauger à l'aune du tout-évaluation, comme il est de mode dans tous les domaines depuis l'intrusion des techniques managériales du privé jusque dans les services publics (New Public Mangement, par exemple), depuis que la France est passée sous les fourches caudines de la comptabilité à l'américaine (loi LOLF), voilà qui relève de l'argumentation inductive la plus fine ! Quant à la “confrontation au réel”, nous commençons à savoir de quoi il retourne dans l'esprit des “pragmatiques” de tout poil : TINA ! Ah, pardon, j'oubliais ! Vous, M. Wyplosz, vous n'avez ni convictions ni idéologie. Vous êtes un observateur impartial de la “science” économique, de ses “lois” intangibles et de ses conséquences inéluctables ! Et c'est ainsi que nos hôpitaux coulent, que nos écoles républicaines perdent leurs classes les unes après les autres, et ferment... Mais vous vous en f...tez ! Vous aurez toujours la possibilité (et les moyens) de coller vos gosses et votre vieille mère dans le privé, école ou hôpital !... (En l'occurrence, ce serait plutôt en Suisse.) Quant aux “entreprises” privées, si elles crèvent, c'est de l'absence d'investissement, public ou privé. Notre nouveau gouvernement, mettant glorieusement ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, préfère baisser l'ISF, plutôt que d'investir dans les infrastructures (on n'en est pas encore au point de l'Allemagne, mais les chaussées, ici ou là, et les ponts, vont bien finir par s'effondrer, les voies ferrées, non entretenues, ont déjà provoqué au moins une catastrophe) ; quant aux entreprises privées, lorsqu'elles sont les glorieux fleurons du CAC40 (CacaRente pour les mauvais esprits comme le mien), elles ont mieux à faire que d'investir : arroser les actionnaires et le staff... Les autres, les petites, sont à la merci des premières, les “donneuses d'ordre”, dont trop souvent elles ne sont que les sous-traitantes. Il suffit d'assécher leur carnet de commandes, ou de les délocaliser pour gratter un peu plus sur les “charges” que sont les ouvriers, et les voilà en dépôt de bilan ! Vous avez raison ! l'ouvrier français coûte trop cher. Même si son salaire ne lui permet plus de vivre décemment. (Pas grave : suffit d'augmenter les importations de m...rde industrielle à bas prix, il pourra bien trouver quelques centimes au fond de ses poches... Tant que ça tient !... Regardez la Grèce : est-ce qu'on nous parle de ce qui s'y passe ? des suicides ? de la misère généralisée ? Je vous parle de la disparition d'un pays à petit feu. Silence dans la presse bien pensante. Il vaut bien mieux publier des gens comme vous, pour l'édification des masses, et pas de minables poètes-sociologues à la Panagiotis Grigoriou... Encore un qui refuse de se plier aux dures réalités de TINA, le faus nez de la haine de classe... Mais continuons de vous lire, M. Wyplosz :)
« L’autre caractéristique très répandue dans les couloirs du pouvoir, c’est le fameux volontarisme politique, l’idée que l’on peut soumettre les (horribles) mécanismes économiques à des décisions politiques, grâce à un État stratège. En réalité, c’est exact, on peut le faire, mais avec quels résultats ? ... » Volontarisme ? comme vous y allez ! Un moment, j'ai cru que vous alliez nous parler de ... souveraineté. Oh ! l'horrible mot !
« Mais tout ça n’est que du rabâchage. Martine Aubry et ses collègues l’ont entendu mille fois, mais ils n’en croient pas un mot. Ils citent mille exemples qui prouvent, sans discussion, que c’est de la poudre aux yeux inventée par les zélotes des marchés. Ils ne croient pas en la méthode scientifique – on prend toutes les informations disponibles pour voir ce qui est plausible et ce qui ne l’est pas – parce qu’elle aboutit à des conclusions opposées aux dogmes qui fondent leur action. Ils préfèrent la méthode idéologique qui consiste à sélectionner des exemples qui les confortent dans leurs croyances. » La diatribe est enlevée ! j'ai la faiblesse de penser qu'on peut la retourner comme un gant : « Ils [les thuriféraires du tout-marché] croient en la méthode “scientifique” – on prend certaines des informations disponibles pour ne garder que ce qui est plausible et rejeter ce qui contrevient à la démonstration – pour qu’elle n'aboutisse pas à des conclusions opposées aux dogmes qui fondent leur action. Ils préfèrent la méthode idéologique qui consiste à sélectionner des exemples qui les confortent dans leurs croyances. » Dois-je vous rappeler les retournements de vestes du FMI, de l'OCDE, de la banque mondiale, qui en viennent à brûler ce qu'ils ont adoré, critiquant les effets de la mondialisation (inégalités croissantes), appelant à des règles du jeu équitables, à une croissance “inclusive”... Ça m'étonnerait bien que cette belle et nouvelle complainte soit suivie du moindre effet... Les actionnaires prennent leur gain en pleurant sur les pauvres...
Voilà, M. Wyplosz, ce que je voulais vous dire. C'est confortable de s'ébattre dans la pensée économique mainstream ? Veillez cependant à ne pas prendre trop de retard sur les virages idéologiques de nos grandes organisations mondiales.
Pour le moment, votre conclusion achève de vilipender la malheureuse Martine Aubry, dont « on aurait pu espérer que, peut-être, sait-on jamais, elle allait se demander si ce à quoi elle a cru est vrai. Qu’enfin, au moment où elle s’apprête à abandonner les joutes oratoires et les phrases choc qu’utilisent les politiques face à leurs adversaires, elle allait faire preuve de curiosité intellectuelle et repenser ses convictions. Mais, non, comme le Saint-Office face à Galilée, elle sait ce qui est vrai. » Je passe sur le fait que, là encore, le gant peut être retourné. Non. Je veux juste vous mettre en garde contre la folie des grandeurs : là où Galilée élaborait une science, vous énoncez un fatras si controuvé que même ses créateurs commencent à lui tourner le dos... Mais vous ne risquez pas le bûcher pour autant. Parce que vous n'êtes pas du côté de Galilée. Vous êtes du côté du Saint-Office, celui qui dit la messe économique. Contentez-vous de prendre le virage au bon moment...

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