« Les Peaux Rouges » d’Israël [1]
Il fut un temps où tous les peuples arabes, sans exception, étaient dans les rues dès qu’ils sentaient leurs frères et sœurs palestinien.nes en danger.
Il fut un temps où dans nos manifestations en France pour la Palestine et les Palestinien.nes, nous nous trouvions aux côtés de concitoyens français mais aussi de Japonais, d’Européens ou de Latino-américains.
Il fut un temps où des réalisateurs et réalisatrices israélien.nes[2] ont projeté des films en France où ils dénonçaient les crimes d’Israël contre les Palestinien.nes.
Il fut un temps où des réalisateurs et réalisatrices palestinien.nes[3] projetaient leurs films documentaires dans des festivals ou sur les écrans parisiens pour dénoncer les agissements d’Israël contre les Palestinien.nes.
Il fut un temps où nous tenions régulièrement des colloques à la Sorbonne et au Sénat pour débattre du conflit israélo-palestinien.
Toutes ces personnes, même si elles ont souvent bénéficié d’appellations comme « la traîtrise », « l’antisémitisme » ou « la haine de soi » n’ont pas connu de censure, ni d’interdiction, ni de stigmatisation. Le jour où le Bétar[4] nous a assaillis pendant notre colloque du CVPR.PO[5] avec des bombes lacrymogènes dans une des plus grandes salles de la Sorbonne en hurlant : « La Palestine n’existe pas, seul Israël existe ». Son acte, condamné par la police auprès de laquelle nous étions une trentaine à porter plainte, a été timidement qualifié de « peu fréquent ».
Nous le disons pour la troisième fois que nous étions nombreux en tant que citoyens français et quelque fois originaires des pays arabes à avoir qualifié le 7 octobre de « crime de guerre », mais nous sommes beaucoup plus nombreux à répéter depuis longtemps qu’Israël est toujours resté impuni pour ses crimes perpétrés contre les Palestinien.nes depuis sa création en 1948.
Mais aujourd’hui, Israël a perdu la raison ou plutôt les raisons qui ne justifient en rien ses tueries qui dévoilent ses véritables intentions depuis bien avant 1948 : c'est-à-dire de vider la terre de Palestine de ses Palestinien.nes, quels que soient les qualificatifs attribués par les tribunaux internationaux à ces méfaits.
Disons surtout que Hamas a donné à Israël un prétexte en or qui lui permet de dévoiler ses intentions, celles d’occuper Gaza et les territoires occupés et de ne plus avoir à traiter avec des Palestinien.nes habitants séculaires de la Palestine, qu’il a toujours considérés comme ses « Peaux Rouges ».
Nous sommes en colère de voir l’impunité d’Israël prendre des dimensions incommensurables. Jusqu’à quand pourrait-il sous les yeux du monde entier, massacrer systématiquement un peuple sans défenses avec ses femmes, ses enfants, ses jeunes, ses vieilles et ses vieux, en prétendant à chaque fois, s’en prendre à des « terroristes armés » ? N’a-t-il pas perdu toute son humanité en assoiffant et affamant toute une population, en bombardant ses hôpitaux, ses marchés, ses écoles, ses universités et surtout ses journalistes, en affirmant que Hamas utilise ses citoyens même mourant.es ou blessé.es comme « boucliers humains » ?
Nous sommes en colère contre le projet d’Israël, non seulement de vider la Palestine des Palestinien.nes, mais aussi de détruire les pays voisins comme le Liban et la Syrie. A-t-on besoin de rappeler encore une fois son intervention avec la Russie auprès d’Obama, afin de dissuader celui-ci de frapper Bachar Al Assad pour son utilisation des armes chimiques contre son propre peuple ?
Nous sommes en colère contre les Etats-Unis qui non seulement couvrent et justifient les crimes d’Israël contre les Palestinien.nes, mais qui ferment les yeux sur les bombardements d’Israël au Liban et en Syrie. Nous sommes en colère contre Trump qui est en train de détruire ce qui reste debout au Yémen, c'est-à-dire d’achever les crimes commis contre ce pauvre pays démantelé par les bombardements de l’Arabie saoudite et des Emirats du Golfe pendant six ou sept ans.
Nous sommes en colère contre les Européens qui continuent à parler de la « solution de deux Etats » sans faire le moindre effort pour arrêter le rouleau compresseur israélien qui se considère comme le seul Etat méritant de vivre normalement dans toute la région du Moyen-Orient.
Nous sommes en colère contre Hamas et Mahmoud Abbas qui malgré l’actualité tragique que vivent les Palestinien.nes n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente, seul garant de sauver ce qui reste de la Palestine et des Palestinien.nes.
Nous sommes en colère contre tous les régimes arabes en place aujourd’hui qui ont participé directement ou indirectement à l’écrasement sanguinaire de toutes les révolutions arabes. L’installation de démocraties dans nos pays d’origine est le seul garant contre le démantèlement des pays arabes et contre la volonté meurtrière, colonialiste et expansionniste d’Israël.
Nous sommes, enfin, surtout en colère contre les peuples arabes qui regardent leurs frères et sœurs palestinien.nes périr sous les bombes ou mourir de soif et de faim, sans descendre massivement dans les rues pour ne les quitter qu’avec l’arrêt des tueries. Nous sommes en colère contre eux car ils savent qu’ils n’ont plus rien à perdre s’ils le font, mais qu’ils ont tout à perdre – c'est-à-dire leur sens de l’honneur, de la dignité, de la fraternité et de la solidarité – s’ils ne le font pas.
Serait-ce trop rêver que d’imaginer un éveil de conscience universel qui pousserait Israël à renoncer à la force aveugle pour suivre la voie de la fraternité, de la justice et de la paix ?
Ghaïss Jasser
[1] Expression empruntée à Elias Sanbar que nous avons déjà abondamment cité dans notre précédent article « Parti ou rester pour mourir, voix de Palestinien.nes ».
[2] Comme Rachel Mezrahi et Eyal Sevan.
[3] Comme Michel Khleifi et Maryse Gharghour.
[4] Groupuscule violent d’extrême-droite israélien interdit aux Etats-Unis mais pas en France.
[5] Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient.