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Billet de blog 7 décembre 2015

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De la mine à l'abîme

La résistible ascension d'Arturo Ui.

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DE LA MINE A L’ABÎME.

Il y a, dans la matrice du temps, bien des évènements dont il va accoucher… (Othello, acte 1, scène 3)

Le tapis bleu a été déroulé lentement, mais surement.

NICOLAS SARKOZY

Au cours d’un pseudo débat qui se voulait « public » mais s’avéra un monologue du gouvernement, le 12 novembre 2009, à La Chapelle-en-Vercors, haut lieu de la Résistance, Nicolas Sarkozy pontifiait, fiérot : « Depuis deux cents ans, à part l'expérience sanglante de la Terreur, nul totalitarisme n'a menacé nos libertés. C'est que la culture française est irréductible au totalitarisme ». Exit donc, pour l’ex Président de la République, le coup d’Etat de Louis-Napoléon, noyant dans le sang la toute jeune IIème République, effacée la Commune de Paris massacrée sur ordre de M. Thiers, rayé de l’Histoire le souvenir de l'Etat français de Vichy -extravagance, eu égard à l’endroit où l’ex Président s’exprimait- et des crimes du régime incarné par Philippe Pétain, synonyme de dictature personnelle, de terreur policière et de persécution raciale. Et il est instructif de noter que cet Etat français avait gardé trois des symboles nationaux auxquels Nicolas Sarkozy voudrait, dans le même discours, réduire «l'honneur d'être français » : le drapeau,  la marseillaise, et le 14 juillet ! Cette énormité « historique », n’était, déjà, qu’une révision mensongère de notre passé qui ne pouvait qu’honorer et banaliser les idées, les hommes et les époques, qui ont incarné le refus haineux des idéaux républicains de la Révolution.

L’ex Président affirmait ensuite que la chrétienté est le socle de l’identité française, comme s’il s’agissait là d’une caractéristique essentielle, pourtant partagée par tous les pays européens, et au delà de l’Oural, de l’outre Atlantique, d’une partie du Pacifique, et de l’Indien ! S’il n’était donc question que d’une particularité, il est vraisemblable que Nicolas Sarkozy, le Président d’une République laïque mais, néanmoins, chanoine de Latran,  tenait surtout à réaffirmer ce qu’il avait écrit dans son livre « La République, les religions, l'espérance » (cerf 2004): « le curé a plus d’importance que l’instituteur » puis, copiant Bossuet,  « Il faut laisser le passé dans l’oubli et l’avenir à la providence », et enfin, souhaiter, en Président si convaincu de l’impact négatif de sa propre agitation sur le sort de ses concitoyens : « que l’on puisse avoir après la mort une perspective d’accomplissement dans l’éternité ». Daesh ne dit pas autre chose à ses kamikases. Naviguant dans cette veine de l’idéologie chrétienne, celle qui apparaît dans la Bible elle-même : « Serviteurs, soyez soumis à vos maîtres, non seulement ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d’un caractère difficile, car c’est une grâce que de supporter les afflictions par motif de conscience envers Dieu quand on souffre injustement. » (Saint Pierre, Epitre 11,18,19), il pourrait renchérir avec Saint Jean Chrisostome (De verbis apostolis,9) : « L’esclave doit se résigner à son sort et, obéissant à son maître, il obéit à Dieu. » et avec le canon du concile de Langres de 358 : « Si quelqu’un, sous prétexte de piété, enseigne à un esclave à mépriser son maître et à refuser de le servir, au lieu de rester un serviteur plein de bonne volonté et de respect, qu’il soit anathème ! »,  ou l’encyclique quadragesimo anno, plus proche de nous (1931, époque de la grande crise qui amènera Adolphe Hitler au pouvoir) : « Les ouvriers accepteront sans rancœur la place que la divine Providence leur a assignée. », il pourrait fustiger les chômeurs,  les exclus des aciéries de Lorraine, de Michelin, de Goodyear,  de Vilvord, de Daewoo, de Moulinex, d’Air France, les agriculteurs, les jeunes des banlieues à karcheriser et, en prime, les frapper d’anathème !

Le chef du nouveau parti « Les républicains » ( !) peut, d’évidence, dénoncer « l'égalitarisme », comme source du renoncement à la sainteté, et de l'abandon national, vanter les vertus de l’élitisme et le refus d'une « égalité niveleuse ».

FRANCOIS FILLON                                                                                                                  

Le discours de François Fillon, à l'Ecole militaire, le 4 décembre, suivait la trace de son chef. « Être français, c'est d'abord appartenir à un très vieux pays d'enracinement. » Sa France est une immobilité, une « France des origines » tissée de « lignées anciennes ». L'antidreyfusard Maurice Barrès  et François Fillon, ont donc le même mot de passe : l'enracinement. Et pour cible, évidemment, « les déracinés ». Les déracinés, autrement dit, tous ceux qui témoignent d'identités de relations plutôt que de racines, d'identités de réflexions en mouvement, enrichies les unes par les autres. François Fillon, cette autre tête degondole de Les Républicains, estime que le fiasco de ce pseudo débat sur l’identité nationale, «  révèle bien des malentendus, qu'un siècle de critiques a pu creuser entre les Français et l'idée même de la Nation. »  La mondialisation capitaliste ne serait donc pour rien dans la déliquescence des Etats. Pour camoufler un peu plus ce transfert de pouvoir, qui transforme le personnel politique en factotum des grands industriels mondiaux, il est utile de revenir en arrière, de renouer avec la culture de toutes les idéologies rétrogrades, d'oublier les responsabilités directes de ces dernières dans ces bûchers qui n’ont pas fini de se consumer à l’horizon de notre histoire. Il faut donner tort à ceux qui, à la Libération, imposèrent à cette droite réactionnaire, défaite et discréditée, les valeurs référentielles d'une démocratie libérale et d'une république sociale. Eric ZEMMOUR, proche du FN tente ainsi, sans, pratiquement, coup férir, de réhabiliter PETAIN ! (Le Suicide français, Albin Michel 2014). Le chef de Les Républicains (mal nommé) de cette République chrétienne revendique, évidemment, le rétablissement de l'autorité comme priorité, autorité explicitement identifiée à celle de la Police, avec une majuscule, en omettant la justice, même en minuscules.

L’image que FN et LR se font de cette France, dont la chrétienté est donc le socle, est identique : celle d’une minorité, chrétienne, de haute lignée, l’élite, dont les ordres doivent être exécutés avec obéissance par la France d’en bas : l’Ancien Régime.

LE PS ECRASE LES PLIS.

Que la droite et l’extrême droite abhorrent le souvenir de la Révolution et rêvent d’un retour à l’Ancien Régime, il ne s’agit là  que de la caractéristique substantielle des partis « réactionnaires ». La sociale démocratie, elle, ne s’immisce épisodiquement dans les querelles de pouvoir qu’en qualité de bouche-trou, lorsque l’opinion publique tourne le dos aux factotums précédents du capitalisme mondialisé. Dans ces intermèdes fugaces de professionnels des soins palliatifs, on peut, certes, les créditer de quelque mesure de type humaniste : abolition de la peine de mort, mariage pour tous, mais qui ne gêne en rien le cours des Bourses mondiales, ni la poursuite paisible des affaires. Le principe de la concurrence « libre et loyale » permet-elle à un banquier de trouver les moyens économiques de sortir de la déshérence les enfants des banlieues ?.. Jamais,  nulle part, les socialistes n’ont dénoncé les intentions de « la Table ronde des industriels européens » (ERT) qui se plaignait que « Le monde de l’éducation ne semble pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l’industrie. […] et préconisait « L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique. » (La science en partage », Philippe Kourilsky, Odile Jacob. 1998.) Et Vincent Peillon a dû démissionner…et on bricole sur des babioles, les horaires, les systèmes de notation, les activités annexes !.. Un joyeux lego pour adolescents attardés… Les sociaux-démocrates n’ont pas voulu insuffler la moindre passion républicaine (en sont-ils même imprégnés ?) à l’enseignement. Jamais, nulle part, ils n’ont mis l’accent sur la différence entre errance et liberté (Albert Jacquard : L’héritage de la liberté, Seuil, 1986).

Le taux de chômage au sens du BIT (Bureau international du travail, rattaché à l’ONU) est de 10,6 % de la population active en France, 3 millions de personnes au deuxième trimestre 2015. Combien de demandeurs d’emploi au rebus, sans espoir d’avenir, fuyant l’image de leurs pères que la France était allé chercher pour subvenir à la main-d’œuvre de son industrie, obéissants et respectueux jusqu’au bout, finissant leur vie en rasant les murs    ?

 La malheureuse actualité donne aux « socialistes » une nouvelle occasion de montrer la fragilité de leur très vague idéologie : postures martiales, ils vont en guerre ! Le Charles de Gaule cingle vers la Syrie pour faire apprécier, à coups de bombes et de missiles (dont chacun fera, comme d’habitude, sur 10 morts, 9 victimes civiles) les valeurs de la France : le tiercé et le loto. 

Coïncidence de l’Histoire : le premier interdit venu de la conscience morale : tu ne tueras point ! fut gravé dans le basalte du code d’HAMMOURABI, Roi de Babylone (à 160 kilomètres au sud-est de Bagdad !), entre 1792 et 1750 avant … Moïse.

Les Bochimans du Botswana n’étaient pas, jusqu’à une époque récente, des meurtriers impénitents, pas plus que les aborigènes d’Australie ou les Indiens d’Amérique. En effet, revenus vainqueurs par le sentier de la guerre, ils n’avaient pas le droit de pénétrer dans leurs villages : ils devaient expier leurs meurtres par des pénitences souvent longues et pénibles. Sans doute craignaient-ils la vengeance des esprits de leurs victimes mais, derrière cette superstition, se cache une part de délicatesse qui s’est perdue chez les hommes hautement civilisés.

GR

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