Gilbert RIGNAULT (avatar)

Gilbert RIGNAULT

Abonné·e de Mediapart

61 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 juin 2017

Gilbert RIGNAULT (avatar)

Gilbert RIGNAULT

Abonné·e de Mediapart

LES MASQUES SONT TOMBES

Finalement, le danger Le Pen n’était que le prétexte le plus facile pour exprimer, « en toute objectivité », la profonde adhésion de nos tartuffes au programme de la France en marche. Ils ont voté Macron, et ils vont continuer de voter pour les mesures prévues qui doivent permettre au gouvernement de terminer, dans le prolongement de la loi El Khomri, le démantèlement du code du travail.

Gilbert RIGNAULT (avatar)

Gilbert RIGNAULT

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

LES MASQUES SONT TOMBES !

On les a retrouvés, ces grands moralisateurs de la politique. Leur culpabilisation unanime des abstentionnistes et leur acharnement démesuré sur J-L Mélenchon qui, après consultation des instances du mouvement, demandait qu’aucune voix ne se porte sur Mme Aliot-Le Pen. Ils avaient tous insisté, entre les deux tours : pour ne pas tomber sous le joug fasciste de la famille Le Pen, il était du devoir de chacun de voter en faveur de M. Macron. Alors que, dès les résultats du premier tour, en ajoutant, en rêve, le nombre de tous les abstentionnistes aux votes Le Pen, ainsi que les 4,7 % du rallié Dupont-Aignan, on n’obtenait, « objectivement », que 48, 7 % pour cette dernière, au deuxième tour.  Au surplus, les sondages ont, dès le soir du premier tour et sans jamais varier substantiellement, toujours donné M. Macron vainqueur avec une confortable avance, mais les tartuffes médiocrates n’y ont visiblement prêté, (ça ne convenait pas à leur conception de «  l’objectivité ») aucune importance. Que les abstentionnistes et votants blanc en question aient envisagé de tels choix électoraux parce qu’ils pensaient justement que Marine Le Pen n’avait, au vu des rapports de force électoraux et des sondages, aucune chance de l’emporter, cela ne les a évidemment pas effleuré. Aussi discutable qu’ait pu être cette évaluation électorale, et plutôt moins que les autres, il aurait fallu informer d’abord. Pour assurer la victoire de M. Macron, il était tellement plus facile de traiter 17 millions d’électeurs d’irresponsables et d’indifférents au fascisme.

Et la propagande a bien fonctionné : les 24 % de Français macronistes (18% des inscrits) du 1er tour se sont mués en 66 % au deuxième (43 % des inscrits : moins d’un Français sur deux) et ont offert une  « Large victoire » de leur chouchou. En ne cessant d’attaquer la France insoumise et particulièrement son leader, ces demi-habiles qui n’ont cessé, au surplus, et depuis des années, de banaliser le FN, ont démontré que leur seul ennemi prioritaire, n’était pas le fascisme mais, en réalité : La France insoumise et son leader : Mélenchon ! Leur prise de position valait, de toute façon, pour les législatives et, en effet, leurs attaques n’ont pas cessé: ils font tous la campagne de « la droite « et » de la gauche », le « ET » suffisant, croient-ils sans doute, pour faire de M. Macron lui-même le symbole de l’objectivité (…) Simple : afin, de nouveau, de ne pas « déchoir », il fallait, et il faudrait, décidément, voter pour les amis de M. Macron !

Une semaine après l'erreur de qualification commise à l'égard du décès de Rémi Fraisse, mais pointant du doigt, à juste titre, la responsabilité de Bernard Cazeneuve, chef de la police, Jean-Luc Mélenchon se voit accuser par le Crif (deuxième ambassade d’Israël en France), le dimanche 4 juin,  d'attenter à la mémoire de la Shoah, en utilisant le mot « gazer » d’un usage pourtant largement admis, qui signifie pour le dictionnaire : projeter un gaz toxique. L’ambassade d’Israël prend la responsabilité de ce qu’elle dit mais les journalistes qui s’empressent de diffuser l’info, sans commentaires, la traduisent, sciemment, en une nouvelle « outrance » mélenchonienne.

« Ils », « les journalistes », « les médias », qui sont-ils ? Ils sont là, à la parade, au vu et au su de chacun :

Dans un tweet du 23 avril, Jacques Attali : « Attention ! Le deuxième tour de la présidentielle n’est pas joué et l’attitude de JLM est consciemment très utile à l’extrême droite». Le 25, il écrit, avec l’affectation ecclésiastique qui convient que : « ceux qui se prétendraient de gauche et qui en s’abstenant ou votant blanc voteraient en fait pour Marine Le Pen feraient le malheur des plus faibles. » Votez Macron !

Le 26 avril, dans Charlie Hebdo, Riss, le ton curieusement moralisateur, fait la leçon et se lance dans un plaidoyer en faveur du vote Macron.  Et Richard Biard : « Jean-Luc Mélenchon (…) dans une séquence partagée entre ego meurtri et rancœur bilieuse, a lancé dimanche soir un “démerdez-vous” bien peu républicain… » Votez Macron ! Qu’en est-il de l’esprit libertaire de l’hebdomadaire fondé par François Cavanna et le Professeur Choron ? Effacé, sans doute définitivement !

Le même 26 avril, dans L’Express, Christophe Barbier ne cache pas son émotion : « Emmanuel Macron incarne déjà la plus incroyable aventure politique de la Ve République. (…) Nous avons été témoins de la consécration d’un enfant du siècle. (…) Mais, d’ores et déjà, par l’effet Macron, plus rien ne sera comme avant dans la vie politique française. Il faut voter Emmanuel Macron. » C’est clair…

Dans l’Obs, ce même jour, Raphaël Glucksmann manie l’analogie avec l’outrance qu’il reproche à d’autres: « Mélenchon (…) se mure dans le silence devant l’Histoire. (…) [Il] refuse de choisir [Pas une voix pour Marine Le Pen !]. Et ce faisant, il choisit. Il confirme son inclination populiste et démagogique, sa fascination pour une culture politique violente, fondamentalement hostile au compromis et la nature antidémocratique de son projet…. Les apôtres de la canne à pêche font penser aux communistes allemands refusant de choisir entre la peste sociale-démocrate et le choléra nazi. Être tellement à gauche qu’on n’arrive plus à cerner le danger de l’extrême droite, voici un concept étrange. Et dangereux. »  Votez Macron ! ! Et l’éditorialiste S. Courage enrage : « Macron, Le Pen ou vote blanc ? Le leader des "insoumis" refuse d’exprimer un choix de second tour. Il révèle ainsi la nature antidémocratique de son projet. (…) Blessé dans son orgueil, submergé par sa noire colère et happé par ses démons, Jean-Luc Mélenchon a refusé d’indiquer la moindre préférence entre Emmanuel Macron, le centriste [qualification très particulière d’une politique qui entend casser en priorité le Droit du travail] europhile et Marine Le Pen, la populiste xénophobe. Pas de consigne de vote [Pas une voix pour Marine Le Pen !]. Débrouillez-vous. Le guide des "insoumis" s’est évanoui, abandonnant ses "gens" dans la nuit démocratique. »

Le 27 avril, Jean-Michel Aphatie se lâche : « Dans son silence incompréhensible,  [Pas une voix pour Marine Le Pen !] J-L Melenchon s’abîme comme il abîme le sens des sept millions de suffrages qui se sont portés sur lui » ; « Un tribun qui ne dit rien c’est comme une télévision sans télécommande : un objet encombrant. » Votez Macron !

Toujours prêt pour défendre sa conception éthérée de la démocratie, avec sa mauvaise foi habituelle, l’instigateur et laudateur de l’intervention catastrophique de M. Sarkozy en Lybie, Bernard-Henri Lévy, écrit dans Le Point du 27 avril : « le réflexe de Mélenchon, ce soir-là, fut ignoble. Mauvais joueur... Je boude, donc je suis... » [Pas une voix pour Marine Le Pen !] Il « ne regrette pas de n’avoir, pendant ces semaines, rien pardonné à ces gens qui, quand on leur parle de « faire barrage à Le Pen », répondent avec leur hashtag débile « SansMoiLe7Mai » : relents antisémites,-antienne décidément éculée- indulgence envers le salafisme ou envers les massacreurs en Syrie, les Vénézuéliens canardés par les milices exsangues de Maduro tandis que leur petit chef ajuste son béret chavo-castriste – toutes les lignes de démarcation étaient tracées, et on les retrouve. » Cette outrance dans le mensonge fait penser à la rhétorique une exhortation de Daesh ! Conclusion : Votez Macron !

Ce même jour, Frédéric Vézard du Parisien Aujourd’hui en France résume le point de vue des éditocrates : « En désertant brutalement le jeu démocratique, [Mélenchon] crée un appel d’air inespéré pour Marine Le Pen. » [Pas une voix pour Marine Le Pen !]

Dans Libération du 28 avril Laurent Joffrin met en garde contre l’abstention : « C’est bien l’esprit de la République qui est en jeu. (…) La République qui laisse ouvert le choix des politiques, du centre, de droite ou de gauche, au lieu de jeter la France dans l’enfermement nationaliste. La République, les choses étant ce qu’elles sont, c’est le vote anti-Le Pen. C’est donc le vote Macron. » C’est dit ! On retrouve naturellement Franz-Olivier Giesbert, dans Le Point du 4 mai ; il explique que « ne pas voter Macron, c’est voter Le Pen ! » et s’énerve : « … quand on a la haine de l’autre, de l’Europe, du monde entier, il y a de fortes chances, à moins d’être d’extrême gauche, que l’on soit lepéniste… » Il affirme que « l’économie de marché, est, désolé de le répéter, indissociable de la démocratie. (…) » Ne pas voter Macron c’est donc, pour lui, « du gaucho-zemmourisme. » 

Même Fabrice Arfi, de Mediapart, a envoyé le soir même des résultats un tweet agressif : « Les deux militants de la France insoumise qui, sur France 2, disent qu’ils vont s’abstenir contre Le Pen. La honte  Sur son blog, le 26 avril, il ne peut s’empêcher de prendre à parti le leader de la France insoumise : « Aujourd’hui, l’accident n’est plus exclu. Un Macron mauvais comme un âne, une Le Pen roublarde et menteuse, un Mélenchon irresponsable et aigri (qui a le “dégagisme” sélectif), une abstention de gauche possible, des reports de voix de droite à l’extrême-droite, une barbouzerie poutinienne, un attentat… Un mauvais alignement de planètes peut rendre possible l’inconcevable. C’est-à-dire l’avènement du post-fascisme au pays des Lumières. » Et si… En effet ! Bref ! Votez Macron !

France Inter n’est pas en reste dans le combat contre Mélenchon. L’humoriste Pierre-Emmanuel Barré s’est vu refuser de faire son sketch par Nagui dans son émission « La Bande originale ». Dans cette chronique censurée (diffusée ensuite sur le compte Facebook de Barré), l’humoriste défendait le point de vue des abstentionnistes.

Le 28 avril encore sur France Inter, Thomas Legrand dénonce cette « idée de renvoyer dos à dos Marine Le Pen et Emmanuel Macron qui prospère, à la gauche de la gauche. » [Pas une voix pour Marine Le Pen !] Puis, déclarant sa flamme à celui qui sera son futur président, il invective : « Une équidistance entre un banquier et un fasciste est aussi absurde qu’entre un curé et un communiste, un pompiste et un écologiste, un plombier-zingueur et un centriste ![ ?] On est dans la caricature et le schématisme sectaire le plus abouti ! Parce qu’Emmanuel Macron n’est pas un ultralibéral, c’est un social-libéral [qui détruit le code du travail !]. Sa conception du rôle de l’Êtat n’est pas tournée vers le désengagement et ses idées sur les relations sociales procèdent au mieux (vu de gauche) d’une tradition rocardo-CFDT  [Quelle finesse !] d’inspiration scandinave [ ?], au pire, shroederienne [ Qu’est-ce qu’il est calé !], mais pas du tout de l’ultra libéralisme d’une Margaret Thatcher par exemple ! » [Ouf !] Votez  donc Macron !

Sur la même radio publique et le même jour, le philosophe André Comte-Sponville, interrogé avec complaisance par Ali Baddou, s’inquiète : « Si tout le monde pense qu’Emmanuel Macron va gagner, Marine Le Pen risque de passer par accident. » L’auditeur de France Inter sait, décidément, qu’il doit voter Macron !

Le 1er mai, Patrick Cohen reçoit avec une sympathique complicité Edwy Plenel, patron de Médiapart qui fait, lui aussi, comme c’est devenu l’obligation médiatique de l’entre-deux-tours, la retape pour le vote Macron : « Parfois j’ai l’impression que je les convaincs mieux [les électeurs, de voter Macron] que certains de ses soutiens. » Bravo Ed ! Le même écrit dans Médiapart que « Jean-Luc Mélenchon, qui, comme d’autres, aurait fait du plomb avec de l’or, a transformé un indéniable succès collectif (…) en défaite personnelle. (…) Le sectarisme, l’exclusive, l’intolérance n’ont jamais servi les idéaux de l’émancipation, de l’égalité et de la fraternité. Il n’y a pas, à gauche, de détenteurs de la vraie croix, légitimes à excommunier tout contradicteur ou tout dissident. »

Le 29 avril, sur France 2, la bande de « On n’est pas couché » y va de ses aboiements de roquets :            

- Vanessa Burggraf : « On s’est souvent posé la question du rapport de Jean-Luc Mélenchon avec le pouvoir et la démocratie. On a aujourd’hui la réponse. Jean-Luc Mélenchon n’a pas reconnu tout de suite les résultats. De ne pas donner de consignes de vote, [Pas une voix pour Marine Le Pen !] je trouve ça indigne»
- Yann Moix : « Il a une responsabilité énorme… Il nous a prouvé qu’il n’était ni démocrate, ni républicain. Je tombe des nues. (…) On s’aperçoit que c’est un petit dictateur de carton-pâte. (…) C’est indigne de tout ce que j’imaginais sur lui. »
- Pierre Bénichou : « Il s’est conduit comme une nullité à partir des résultats du 1er tour. Il est devenu un ennemi de la démocratie. »

Finalement, le danger Aliot-Le Pen n’était que le prétexte le plus facile pour exprimer, « en toute objectivité », la profonde adhésion de nos tartuffes au programme de la France en marche. Ils ont voté, et vont continuer de voter pour les mesures prévues qui doivent permettre au gouvernement de  terminer, dans le prolongement de la loi El Khomri, le démantèlement du code du travail. Nous tâcherons de nous en souvenir.

Car le premier projet d’ordonnance prévoit d'autoriser le gouvernement à modifier de fond en comble les règles, contenues aujourd’hui dans la Loi,  régissant notamment le contrat de travail. Pour ce qui concerne le CDI, si l'employeur doit aujourd'hui justifier d'une cause réelle et sérieuse pour procéder à un licenciement (faute qu’il lui faut aujourd’hui prouver, avec un recours possible devant les prud’hommes - Il est question de plafonner les indemnités éventuelles - licenciement économique, inaptitude physique...) et suivre une procédure obligatoire (convocation préalable, lettre indiquant les motifs, respecter un préavis et verser une indemnité, comme le prévoit la loi…). Le gouvernement tient à abroger la Loi et à renvoyer l'ensemble de ces dispositions à l'accord d'entreprise. La relative sécurité du CDI sera dynamitée.

Mon prof d’histoire des idées politiques disait que si quelqu’un ne connaissait pas la différence entre la droite et la gauche, c’est qu’il était de droite…

GR.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.