BIBI FRICOTIN CONTRE LA CHAMBRE DE COMMERCE DES ETAS- UNIS
ABSTRACTIONS ET ILLUSIONS.
La France est fière comme Artaban, ce héro romanesque, d’opposer l’exception culturelle au principe de concurrence libre et non faussée du traité de libre échange transatlantique. La culture intellectuelle est bien un des seuls motifs de fierté du continent européen mais, aujourd’hui, elle est fondée sur une confusion essentielle. Commetoute activité humaine, la culture ne tombe pas du ciel : elle est issue et s’inclut dans une histoire et un ensemble d’activités soumises à des normes insérées dans le temps, un lieu, et dans une mémoire, sans lesquels aucun mouvement, aucun progrès, ne seraient possibles. Ainsi, le premier acte culturel est, avant tout, la façon, la technique nécessaire, au départ, pour seulement subsister. Elle est ensuite l'organisation sociale mettant en œuvre cette technique. L’abstraction intellectuelle ne fait que s’abouter à l’évolution des moyens de production. La culture des Français est certes très riche des Villon, Molière, Voltaire, de tous ces artistes, ces marchandises de mieux en mieux cotées, dans les galeries les plus huppées. Il serait pourtant stupide de, béatement, s’en contenter.
LES AMERICAINS N’ONT PAS DECOUVERT L’AMERIQUE.
Turgot est ainsi l’un des pères du laisser faire, laisser aller, même si les échanges économiques internationaux de l’époque n’avaient pas atteint l’ampleur d’aujourd’hui, et qu’il n’avait certes pas inventé la Bourse des matières premières de Chicago. Les Américains n’ont pas découvert l’Amérique, et la culture des Français devrait leur rappeler que les Jacobins prêchaient la réforme agraire et la fixation autoritaire du prix des grains sur les marchés, car, déjà, d’exécrables gros malins accumulaient, stockaient, pour rendre la matière rare, faire monter les prix, et engranger de substantiels profits. Les temps portaient alors aux solutions radicales : Marie-Antoinette fut priée d’aller distribuer ses brioches au paradis : elle en perdit la tête ! Un peu plus tard, les Yankees entamaient leur conquête de l'Ouest, à la recherche de leur subsistance, au prix, au passage, du massacre des ses habitants indiens, alors qu’en Europe, la fabrique était déjà en plein essor, et les premières lois sociales déjà votées. De nos jours encore, la culture yankee est celle d’un individualisme forcené : the struggle for life, alors qu’en Europe, jusqu’à il y a peu encore, un pacte social, une organisation de la solidarité se condensaient dans les devises de la République : Liberté Egalité Fraternité et de la démocratie : le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple. A quel avenir nous propose-t-on de rêver, à celui auquel songeaient Jaurès, Blum, Guy Môquet, réalisé en partie, avec l’aval du général de Gaulle, par le Conseil National de la Résistance, en 1945, ou à celui de Google, Microsoft, Monsanto et consorts ? Veolia, Eiffage, Bouygues, Bolloré, Dassault, le Crédit Lyonnais… et les autres ?…
POUR LES EUROPEENS : UN CLIVAGE ANTHROPOLOGIQUE.
L’accumulation, par petites touches, de changements de comportement dans notre vie quotidienne, aboutit, soudain, à une mutation de la société. Madoff et sa pyramide de Ponzi à échelle mondiale, marque un certain type de civilisation ; le couple Balkany, triomphalement réélu dans son village gaulois de Levallois-Perret, malgré ses multiples implications judiciaires, montre, à l’envi, que les deux continents se sont, déjà, considérablement rapprochés.
C’est, dans cette nouvelle phase, la résolution d’une véritable crise anthropologique, que la négociation, secrète, de ce traité de libre-échange transatlantique, semble proposer aux Européens. Le traité de Maastricht avait marqué une étape importante. Le 20 septembre 1992, 51,4 % des Français ont approuvé l’instauration d’un marché libre et la libre concurrence(Art. 3A), et la libre circulation des capitaux entre pays membres et extérieurs à la Communauté (Art.102A). Déjà, face à la redoutable concurrence des Etats-Unis, la France avait revendiqué une exception culturelle lui permettant de soutenir sa production cinématographique. Las ! Derrière le rideau trompeur du festival de Cannes, il suffit de demander aux enfants et aux jeunes adultes leurs préférences en matière de séries télévisées ou de films : la vitesse, le bruit et la fureur ! Penser est inutile, surtout, ne pas se prendre la tête : l’extase !En entendant le mot culture, inutile de dégainer son révolver, comme un fameux dictateur espagnol : il suffit de zapper !
Et puis, en 2008 : La crise ! Moment béni qui, loin de discréditer le marché libre, va fournir aux plus activistes des entreprises industrielles et financières un nouvel argument pour prêcher la désinflation salariale, la dérégulation financière, et pour finir de liquider tout ces services, ces protections, qui fondaient notre pacte républicain. Des énarques, des professeurs d’économie membres de conseils d’administrations d’entreprises, les communicants institutionnels, vont, sans honte, continuer de nous seriner le discours de la libéralisation des échanges, facteur de croissance et d’emploi. Les nouveaux nés l’entendront, ce soir ou demain, pour la première fois…
UN GAZ SANS ODEUR. Se propager comme un gaz invisible et sans odeur est le propre de l’idéologie dominante et souligne sa dangerosité. C’est ainsi que, au stade actuel de la globalisation, les structures et les impératifs du capitalisme pénètrent, plus profondément et extensivement que jamais, l’existence des êtres humains et leur environnement. Les détecteurs existent, mais les communicants semblent s’appliquer, avant tout, à détourner l’attention.
Nécessité faisant loi, résolvons-nous donc à dire adieu à Alain Resnais et à saluer, comme il se doit, Dark and Furious. Remplaçons, avec le sourire, nos bonnes bêtes du Charolais, nos petits veaux de Salers nourris au pis, par des sortes de bœufs qui n’ont pas vu un seul brin d’herbe de toute leur vie, tellement gonflés aux hormones qu’ils sont difformes ! Et vive le pop-corn transgénique !
Ne serait-on pas en train de bouter hors du champ de la culture ce qui en est la base originelle : notre mode de production alimentaire ?
D’autant que, au fond, les Yankees aiment bien les films français… pourvu qu’ils soient muets !
GR.