Absence d’idéologie : éclipse de la pensée !
Après avoir été muselée par les nazis et l’Etat pétainiste, la presse française va chatoyer d’une multitude de titres, de toutes opinions et idéologies, enfin exprimées au grand jour. Coïncidence ? lafin du monopole public de la télé et de la radio, correspond à celle destrente glorieusesqui appliquaient le programme du Conseil national de la Résistance.Un véritable marché s’est alors constitué avec la multiplication des acteurs privés de la communication.
La liberté d’opinion, chère à tous les journalistes français, n’en continue pas moins d’être garantie par la Constitution de la République, mais aussi, comme s’il était particulièrement utile de le préciser, par leur code de déontologie. C’est pourtant ici que le bât blesse : les éminents porte-paroles médiatiques de la profession se revendiquent objectifs, affirmant, inimaginable performance, et contrairement au reste de l’humanité, que leurs cerveaux seraient asséchés de toute idéologie, vidés de la moindre opinion personnelle. Mazette !
Une idéologie est un ensemble d’idées, de conceptions, acquises par l’éducation et l’expérience, la culture, qui inclut l’information médiatique, ancrées dans leurs mémoires et qui justifient les jugements de chacun d’entre eux. Chez les journalistes, ces éléments n’auraient aucune influence sur le choix du « fait » qui mérite d’être rapporté, ni sur leur façon de le présenter. C'est pourtant grâce à ces éléments mémorisés que des opérations rationnelles, logiques, deviennent possibles. La disparition de ces rouages serait, pour eux, le signal d'une éclipse de la pensée que, bizarrement, bec et ongles, ils revendiquent !
Imaginons, lors de l’interview d’un ministre que le journaliste, dans l’ombre de son absence de pensée, pose cette question: « Si le chômage a tellement augmenté en France, n’est-ce pas à cause des rigidités et, notamment, de la barrière du salaire minimum qui bloque l’embauche des jeunes? » Se pourrait-il qu’un jour, dans un éclair « subjectif », qui le surprendrait lui-même, il s’exprime autrement : « …Ne faudrait-il pas que les détenteurs de revenus du capital acceptent de réduire leurs rentes qui, toutes les études le montrent, ont fortement progressé depuis trente ans? »
Les journalistes de premier plan, choisis parmi les plus « objectifs », ont gardé cette trace dans leur cerveau profond, limbique, primaire, donc sans idéologie : on ne mord pas la main qui nous nourrit.
G.R.