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Billet de blog 20 janvier 2010

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Procès de l'"ultra-gauche" à Rennes: 3 mois fermes requis pour un oeuf lancé...

Mon compte-rendu du procès des 4 manifestants-chômeurs rennais ("sur-nommés" de l'ultra-gauche)(Le 18 janvier 2010, Cité judiciaire, de 17h00 à 20 h00) "Levez - vous ! " : La Juge et deux assesseurs, la Greffière et le Procureur arrivent face aux 4 jeunes inculpés dont le plus âgé a 28 ans.(J'ai choisi de les surnommer John, Paul,George et Ringo. Et vous verrez que je ne suis pas le seul à user de surnoms..)

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Mon compte-rendu du procès des 4 manifestants-chômeurs rennais ("sur-nommés" de l'ultra-gauche)

(Le 18 janvier 2010, Cité judiciaire, de 17h00 à 20 h00)

"Levez - vous ! " : La Juge et deux assesseurs, la Greffière et le Procureur arrivent face aux 4 jeunes inculpés dont le plus âgé a 28 ans.

(J'ai choisi de les surnommer John, Paul,George et Ringo. Et vous verrez que je ne suis pas le seul à user de surnoms..)

Derrière eux: leurs deux avocates, l'avocat de la partie civile accompagné d'un seul des trois plaignants (membres de la BAC, Brigade Anti-Criminelle), et derrière la rembarde une salle pleine de 40 personnes venues soutenir les accusés avec leurs familles. Sans oublier, à l'extérieur de l'enceinte de la cité judiciaire, une cinquantaine de personnes qui n'ont pas pu entrer et qui resteront dans le froid et la brume durant les 3 heures du procès...

Premier constat: cette fois toute la presse régionale a répondu présent. (France3, a produit un sujet remarquable sur la manifestation de soutien qui s'est tenue l'avant veille)

Aucun incident (hormis les difficultés qu'ont eues les avocates à obtenir une salle de plus de 7 places): la juge interviendra une seule fois pour faire taire les ricanements du public en début de séance.

LES CHARGES

La procédure veut que la Juge découvre le dossier en interrogeant les inculpés de façon chronologique suivant les faits reprochés tels que consignés dans les Procès Verbaux des 3 plaignants de la BAC.

L'un après l'autre, les inculpés sont confrontés aux faits reprochés et à leurs dépositions consignées pendant la Garde à Vue: s'étonnant avec insistance que John déclare n'avoir vu aucun oeuf lancé, la Juge nous inquiète sur la perception de la manifestation qu'elle tire de ces PV: non Madame la Juge ce jour là il ne pleuvait pas des oeufs sur Rennes (pour ma part je n'ai eu l'occasion d'en voir qu'un seul...).

Elle annonce (aucun des deux autres juges assesseurs n'interviendra) qu'une expertise a confirmé que l'oeuf reçu par l'un des 3 plaignants contenait de l'hydrocarbure: cela induit une préméditation et agravera la peine requise plus tard par le Procureur: 3 mois fermes plus 3 avec surcis, pour violence à agent avec arme.

John nie avoir lancé l'oeuf...mais en ce début de procédure la Juge n'est alors confronté qu'à la parole d'un jeune chômeur-manifestant contre celle d'un représentant de l'ordre public (témoignages de collègues et certif médical à l'appui)...

Les faits reprochés à John se déroulent au cours de la manifestation. Ceux reprochés aux trois autres inculpés ont lieu à la fin de la celle-ci, au moment de la charge des CRS et de la BAC.

Paul reconnaît avoir donné deux coups sur la tête d'un des plaignants à l'aide de la hampe d'un drapeau; un réflexe pour dégager un manifestant qui recevait des coups: violence avec arme, sans préméditation, 2 mois avec surcis requis.

George déclare ne pas avoir voulu donner des coups de poing comme reproché, mais avoue s'être débattu: violence à agent, 250 euros d'amende requis.

Ringo: résistance à agent, 2 mois avec surcis accompagné d'un "avertissement très ferme" par le Procureur. Le procureur n'a pas apprécié que sur le document vidéo porté par Ringo pour sa défense (et visionnée pendant la séance), Ringo avait une capuche...(je ne sais plus qui lui a rappelé que ce 5 décembre à Rennes, l'air était humide et que au cours de la manifestation des gazs lacrymogènes avaient été lancés)

LA DEFENSE

Ce n'est qu'après les réquisitions portées par le Procureur, suivies d' une courte plaidoirie de l'avocat des parties civiles, que les 3 juges vont découvrir la nature de la manifestation et des évènements qui s'y sont produits, ainsi que nous, dans l'assistance, l'avons vécue.

Les deux avocates des 4 inculpés (que l'on devine à ce moment abattus par les peines encourues) vont alors plaider pendant 1h30, en s'appliquant à contextualiser la manifestation, et démontrer la violence de la charge qu'ont subie les manifestants à la fin de celle-ci :

De nombreuses photos, vidéos et témoignages ont été portés au dossier pour dénoncer les violences de la charge et l'usage de coups de matraques portés au visage.

Les avocates démontrent qu'au moment du déclenchemant de la charge les manifestants sont pris en tenaille, sans possibilité de fuire à moins de se débattre...(ce n'est plus une opération de dispersion des lieux, mais de répression)

Elles démontent certains PV de la BAC qui comportent d'étranges erreures: 3 horaires mentionnés pour le même évènement. La victime de l'oeuf soit disant évacuée dans la minute qui suit, alors que nous l'avons vu terminer la manifestation (photos à l'appui)..

LA CHARGE

3 heures après le début de la séance, plus personne ne songe à ricanner: ce procès aura bien permis aux juges d'avoir tous les éléments en leur possession pour délivrer leur verdict.

Le procès aura aussi permis de connaître les raisons de la charge des forces de l'ordre; avouée par le seul représentant des parties civiles et interrogé par la juge: "nous avons eu l'ordre de charger pour interpeller celui qui a jeté l'oeuf"

Yann Barois victime de 5 coups de matraques à la nuque pendant cette charge, sait maintenant pourquoi il devra avoir un traitement à vie pour soulager une lésion irrémédiable au cerveau. (Yann a témoigné au procès, avec Magalie une autre blessée, qui elle aussi porte plainte contre les forces de l'ordre)

Les avocates n'ont donc pas manqué de dénoncer les enjeux politiques du procès: la stigmatisation de l'ultra-gauche et l'augmentation des violences policières en France, citant les rapports d'Amnesty International et de la CNDS , la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité. (lire aussi le compte-rendu de Pat sur Bellaciao)

3 MOIS DE PRISON A "Jacques Cartier" ?

"Vous avez quelque chose à ajouter ?" demande la Juge avant de clore la séance.

John: " je n'ai pas lancé l'oeuf, je jouais dans la fanfare, vous avez des photos qui le prouvent"... et sous la menace d'une peine d'emprisonnement ferme de 3 mois pour avoir lancé un oeuf, il termine en demandant ceci à la juge: "Pourquoi la police qui a filmé toute la manifestation est-elle incapable de fournir au dossier une image de moi entrain de lancer un oeuf, ni aucune décrivant la violence des manifestants ?"

John, lui, a pu livrer au dossier une photo d'un policier filmant la manifestation.

C'est que, comme l'a dit son avocate dans sa belle plaidoirie, " Antoine n'est pas idiot". Oui celui que j'ai surnommé John se prénomme Antoine. Il se sait épié par la police depuis les manifestations étudiantes, voire harcelé par certains agents qui quand ils le croisent dans la ville le surnomment " Jacques Cartier" (la prison de Rennes), ou encore "la baleine" (c'est un nounours en fait)...

(Tout cela méritera un autre article.)

Mais vous sachant ainsi épié et harcelé, vous qui comme Antoine n'êtes pas idiots, iriez-vous à visage découvert, entourré de BAC et de CRS qui vous connaissent, lancer un oeuf sur un de ceux-là ?

La juge nous a donné rendez-vous le Lundi 1er février pour les conclusions du délibéré.

à suivre....

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