Les baobabs - Le quotidien de parents d'autistes raconté avec humour - est un blog tenu par Jennifer Alberts, journaliste à France 3 Hauts-de-France, qui précise qu'elle élève 4 enfants dont un "dys", 2 enfants intellectuellement précoces et un petit dernier autiste. Un récent témoignage, sobrement titré « Bon courage Madame… » détaille bien la problématique du diagnostic de l'autisme. Très tôt elle perçoit la singularité de l'enfant "Instinctivement, j’ai toujours su qu’il y avait quelque chose d’atypique avec mon petit autiste. Alors qu’il était encore dans mon ventre, je le trouvais étrangement calme.". Voir cet enfant si particulier être fasciné par l'allumage d'un plafonnier quand il n'a pas un an l'incite à contacter dans la foulée le Centre de Ressource Autisme (CRA) de sa région, qui aussitôt banalise plutôt « Il est encore petit. Peut-être vous alarmez-vous pour rien. Le mieux est de prendre rendez-vous avec le Centre médico-psychologique (CMP) de votre secteur. » . Ce qu'elle fait après qu'un épisode infectieux sévère, compliqué d'une allergie aux antibiotiques alors prescrit n’expédient l'enfant à l’hôpital. La pédopsychiatre et la psychomotricienne du CMP note qu'un problème existe, "Elles envisageaient un trouble du développement ou du comportement. " Le pédiatre de la famille banalise à fond sur une possible déficit d'audition ou un problème de vision, peu à peu écartés. Le pédiatre continue à banaliser : Laissez le grandir à son rythme. Et puis, vous savez, c’est le petit dernier : c’est fréquent qu’ils se laissent un peu plus vivre que les plus grands ». L'entourage renchérit dans la même veine d'une trop grande préoccupation de la mère : "Une obsession souvent qualifiée de malsaine : je projetais sur mon enfant mes propres Troubles du Spectre Autistique....... . Pendant plusieurs mois, j’ai douté de ce que me disait mon instinct. J’en suis même arrivée à ne pas le croire." Mais bientôt, soutenue par sa mère " c’est la seule à avoir toujours cru en la véracité de mon intuition", et après avoir demandé l'avis du CMP qui soutient sa démarche, elle exige du C.R.A un diagnostic "Et nouvelle déconvenue : « il est trop petit. Nous n’évaluons les enfants qu’à partir de 5 ans »… Elle finit par faire plier l’institution, le diagnostic est effectué, il est positif : "on me dit enfin ce que je sais depuis si longtemps : mon Bouchon, mon fils est autiste. Les choses sont clairement énoncées et posées."
Et alors ? Et alors rien : "Et maintenant ? Le patron du CRA m’a regardée derrière ses fines lunettes cerclées : « c’est vous qui décidez de la prise en charge » Mais je n’y connais rien !! « On a des livres… »…
Je me suis levée et j’ai dit au revoir à tout le monde. « Bon courage, madame…».
A tous les niveaux, ce témoignage est exemplaire, et donc diablement instructif.
- La mère sait, et ab ovo peut-on dire. Les parents savent toujours très tôt, et bien plus tôt qu'aucun autre qui croise l'enfant.
- Tout le monde en dehors de la mère banalise mais
- C'est le CRA qui banalise le premier
- Puis le pédiatre de la famille
- Puis l'entourage orientant vers une trop grande attention de la mère
- Paradoxalement c'est le Centre Médico-Psychologique, damnés psyKK si ça se trouve, qui banalise le moins, qui reconnait qu'il y a "quelque chose" (et sans doute met en place "quelque chose" aussi, peut être des séances avec la psychomotricienne (?))
- Le CRA local ne veut pas d'un diagnostic trop précoce, mais doit s'y résoudre.
- Et après ce diagnostic positif RIEN, RIEN, RIEN, le parent n'est renvoyé à rien d 'autre que lui même. Aucun point de chute, même pas, semble-t-il dans le CMP qui, après tout n'a pas démérité.
Ce récit concentre toute les problématiques du diagnostic de l'autisme.
- Le ressenti parental est ignoré, les craintes sont banalisées ou retournées perfidement au parent qui s'obstine
- Le seul secours assez efficace est le centre psyKK du coin, qui perçoit bien quelque chose mais, par pusillanimité peut être, ou fidélité nostalgique, allez savoir, ne souhaite pas y accoler étiquette d'autisme. Ce C.M.P aurait tout aussi bien pu si ce n'est le "diagnostiquer" (si on réserve ce terme à une exploration diagnostique complète) mais au moins noter un trouble évocateur d'autisme, ou un trouble du développement à explorer, ce qui ne demande pas un effort insoutenable.
- Le C.R.A essaye de se défiler, mais, acculé se résout et diagnostique ce que la mère savait déjà mais, ne propose rien qui vaille. Pourquoi rien quand au fond un soutien un peu musclé en C.M.P peut être un certain début, s'il est couplé avec le soutien familial indispensable, qui peut prendre la forme de "comment faire avec un enfant de ce style" ou bien "comment gérer les épisodes cruciaux" qui ne vont pas manquer de se dérouler, c'est à dire "comment permettre l'éducation familiale d'un enfant de ce style", ce qu'"un C.M.P peut au moins débuter.
On voit en tout cas bien dans cet exemple que "le diagnostic", loin d'être un moment positif, une entrée vers un possible, tombe complétement à plat. En fait la mère sait, le C.M.P sait mais ne dit pas, que le C.R.A sache et dise ne change strictement rien. Tout le battage pour l’indispensable diagnostic qui serait comme un sésame magique, un changement décisif est éclipsé par une réalité qui saute aux yeux : le diagnostic ne vaut que s'il est immédiatement suivi d'une prise en compte/prise en charge immédiatement possible, réelle, efficace, suffisante au mieux, mais pas assez vaut mieux que rien du tout dans le domaine, prise en charge qui débute par le soutien familial (on perçoit l'état de la mère tout au long du récit) et l'amélioration de la relation "sociale" (interpersonnelle), si tant est qu'elle doive être améliorée. Pour le comportementalisme intensif on verra après, surtout si, de comportementalisme il n'y a goutte à cent lieues à la ronde. Après donc.
Tout ceci ne demande pas de reformatage complet de l'existant, ni surtout d'affirmation doctrinale. Prenons l'exemple du C.M.P pusillanime. Il pourrait l'être moins, sans grand risque. Peut être les praticien du coin ne sont pas familiers avec la clinique des très jeunes enfants, c'est un premier point. Le second est que, quand ils flairent un "quelque chose", ils reculent devant l'évocation de l'autisme. après tout le diagnostic d'autisme leur est offert sur un plateau d'argent par la mère qui permet une anamnèse reconstructrice assez simple et évocatrice (1° point) et je ne doute pas qu'un simple échange avec l'enfant en médiation parentale soit lui aussi évocateur (2° point). Que demander de plus pour soutenir le terme d'autisme proposé par la mère dès ce moment. Elle ne se trompe vraisemblablement pas. D'anciennes recommandation proposaient de ne pas parler d'autisme avant un diagnostic complet, mais quand le parent l'évoque, ne pas y répondre, peut être par un "c'est possible" me semble contraire à l'humanité. Le C.M.P peut faire un pré diagnostic probabiliste, ce n'est souvent pas sorcier, et surtout, s'il le peut (mais en a-t-il les moyens) débuter un embryon de prise en charge coordonnée, et en tout cas accompagner empathiquement le parent. Tout C.M.P peut faire ça, en s'inspirant sans doute de la notion de guidance présente dans l'action précoce. Encore faut-il avoir des personnels au fait de la clinique des très jeunes enfants, qui commence par l'observation des interactions. Souvent les psychomotriciens savent bien travailler, bien que certaines soient plus douées que d'autres. Et puis avoir un peu de moyens, matériels et moraux. C'est comme pour faire une bonne salade, ce qui nécessite le sacrifice d'un peu d'huile, là AUSSI il faut sacrifier un peu de moyens, avisaux Finances Publiques.
Quant au C.R.A, on voit bien que le monopole qu'il pense avoir de diagnostiquer de manière canoniquement parfaite ne l’empêche pas de favoriser un diagnostic tardif, correspondant sans doute aux poncifs des épreuves standardisées. Et puis il ne se soucie semble-t-il pas d'avoir des débouchés, même imparfaits, non pas l'intervention super-recommandée, mais un petit quelque chose au moins, pas un rien du tout.
En fait le "diagnostic" comme affirmation doctrinale neuro-développementale (ce dont tout le monde se fiche, la mère la première), porte ouverte sur un océan de félicité d’interventions super-efficaces fait un flop complet, un vrai four. C'est que cette idée, pour courante qu'elle soit, est complément saugrenue, et ne peut conduite à aucune amélioration réelle. Le besoin est ailleurs, pas dans la doctrine. Et pour répondre à ce besoin, avec la mise en place partout des traitements censément miraculeux, on peut se servir de ce qui est en place, dont les services de l'état ou assimilés, dont il faudra bien se résoudre à se servir explicitement. La prise en charge précoce de l'autisme n'est pas totalement hors de sa portée, pourquoi ne pas l'avouer.
Et puis, tiens, je vais faire mon monsieur Hulot, des vacances peut être.
Voila, comme je finis par radoter, ce billet sera mon dernier.
Que la jeunesse aventureuse s'empare de ces questions. Moi mon activité professionnelle passe de naguère en jadis. Laissons les morts enterrer les morts, ça leur fera de la distraction.
Oui, je pars,/Pour ailleurs et pour nulle part, /Oui, je pars,/Vers le bonheur et le hasard.....