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Billet de blog 24 février 2015

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Autisme et Génétique: cachez ce sein que je ne saurais voir

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Dans la suite des citations dévastatrices, permettez moi de vous proposer le résumé d'un article datant de 2011. La lecture de l'article, librement disponible ici, a de quoi allécher. Ne nous annonce-t-on pas en effet l’étude numériquement la plus importante sur la concordance/discordance des Troubles du Spectre de l’Autisme chez des jumeaux tant monozygotes que dizygotes, qui aurait toutes les sophistications techniques diagnostiques et statistiques voulues, menée par une pointure, puisque le site de l'auteur principale regorge de références à des articles qu'il a signé. Du sérieux en quelque sorte, du sérieux américain, quoique l’auteur soit d'origine germanique je crois.

 Héritabilité génétique et facteurs environnementaux partagés dans des paires de jumeaux autistes

Joachim Hallmayer, MD; Sue Clveland, BS; Andrea Torres, MA; Jennifer Phillips, PhD; Brianne Cohen, BA; Tiffany Torigoe, BA; Janet Miller, PhD; Angie Fedele, BA; Jack Collins, MBA; Karen Smith, BS; Linda Lotspeich, MD; Lisa A. Croen, PhD; Sally Ozonoff, PhD; Clara Lajonchere, PhD; Judith K. Grether, PhD; Neil Risch, Ph.D.

Affiliations des auteurs: Département de psychiatrie, Faculté de médecine, Université de Stanford Stanford (Drs Hallmayer, Lotspeich et Phillips et Mss Cleveland et Torres), Autism Genetic Resource Exchange, Autism Speaks, Los Angeles (Mss Cohen, Torigoe et Fedele et les Drs Miller et Lajonchere), Direction générale des enquêtes de la santé environnementale, ministère de la Santé publique, Richmond (M. Collins, Mme Smith, et le Dr Grether), Division de la recherche, Kaiser Permanente Northern California, Oakland (Drs Croen et Risch), Université de Californie, Davis Californie , MIND Institute, Sacramento (Dr Ozonoff), et l'Institut de génétique humaine et Département d'épidémiologie et de biostatistique, Université de Californie, San Francisco (Dr Risch).

Arche Gen Psychiatry. 2011; 68 (11): 1095-1102. doi: 10,1001 / archgenpsychiatry.2011.76.

Résumé

 Contexte: L'autisme est considéré comme le plus héréditaires des troubles du développement neurologique, principalement en raison de la grande différence de taux de concordance entre jumeaux monozygotes et dizygotes.

 Objectif: fournir des estimations quantitatives rigoureuses de l'héritabilité génétique de l'autisme et les effets de l'environnement partagé.

 Schéma, environnement et participants: des paires de jumeaux avec au moins une à deux avec un trouble du spectre autistique (TSA) nés entre 1987 et 2004 ont été identifiés par le ministère des Services de développement en Californie.

 Critères principaux: Des mesures d'évaluations diagnostiques structurés (Autism Diagnostic Interview-Revised et Autism Diagnostic Observation Schedule) ont été effectués sur 192 paires de jumeaux. Les taux de concordance ont été calculés et modèles paramétriques ont été équipés pour deux définitions, une étroite (autisme stricte) et une large (TSA).

 Résultats: Pour l'autisme strict, la concordance d’atteinte par la méthode des probands (probandwise concordance) pour les jumeaux de sexe masculin était de 0,58 pour 40 paires monozygotes (95% intervalle de confiance [IC], 0,42 à 0,74) et 0,21 pour 31 paires dizygotes (IC à 95%, de 0,09 à 0,43); pour les jumeaux féminins, la concordance était de 0,60 pour les sept paires de jumeaux monozygotes (IC 95%, 0,28 à ,90) et 0,27 pour 10 paires dizygotes (IC 95%, 0,09 à 0,69). Pour les TSA, la la concordance d’atteinte pour les jumeaux de sexe masculin était de 0,77 pour 45 paires monozygotes (IC 95%, 0,65 à 0,86) et 0,31 pour 45 paires dizygotes (IC à 95%, de 0,16 à 0,46); pour les jumeaux féminins, la concordance était de 0,50 pour les neuf paires monozygotes (IC à 95%, de 0,16 à 0,84) et 0,36 pour 13 paires dizygotes (IC 95%, 0,11 à 0,60). Une grande proportion de la variance de responsabilité ne peut être expliqué par des facteurs environnementaux partagés (55%; IC 95%, 9% -81% pour l'autisme et 58%; IC 95%, 30% -80% pour les TSA) en plus de modérer héritabilité génétique (37%; IC à 95%, 8% -84% pour l'autisme et 38%; IC 95%, 14% -67% pour les TSA).

 Conclusion : La susceptibilité aux TSA a une héritabilité génétique modérée et une composante substantielle de l'environnement partagé par les jumeaux.

 Voilà donc, en apparence , du sérieux, sauf qu'il ne va pas dans le sens du « pack autisme maintream », aka modèle NeIGE, dans sa composante : l'autisme est génétique. Quand il parut en 2011, j'attendis vainement qu'il soit discuté, voire réfuté, scientifiquement s'entend, par les spécialistes de la spécialité, il y en a, en France en particulier, on a des pointures, y compris dans le domaine de la génétique de l'autisme. Quoi, un des piliers du modèle standard était attaqué, quoi de plus normal qu'il soit défendu. D'habiles techniciens, de vrais savants devaient pouvoir argumenter, sur les méthodes utilisées, les résultats, les modèles statistiques utilisés, ce que je suis bien incapable de faire, n'ayant pas les connaissance techniques.

 « Que croyez vous qu'il arriva

    ce fut l'étude qui creva….. »

 Le mainstream, c'est le courant. De nos jours, il suffit d'attendre, sans rien dire, pour que ce courant emmène tout, y compris le éléments blasphémateurs, c'est ce qu'on appelle le flot des nouvelles. Si l'on se tait, tout est emporté.

 Quand vous consultez l'article américain de Wikipedia concernant l'héritabilité de l'autisme, aucune référence à cet article au chapitre décisif des études de concordance/discordance des jumeaux nono et dizygote. Le résultat des études antiques, avec son taux de concordance de 90 % pour les jumeaux MZ y est, mais pas celui là.

 Dans l'article français traitant du même sujet, il y a quand même une référence, encore présente quand je l'ai dernièrement consulté, car c'est moi qui l'ai mis.

 Donc, lisez les définitions bateau modernes de l'autisme, la cause génétique y est toujours promue comme évidente, indiscutable et massive.

 Vas comprendre ! Pour re-citer le Pr Perelmann, ce doit être encore la "main de l'homme", la main invisible du mainstream de l'autisme.

 La conception mainstream n'aime pas la discordance, elle aime les choses carrées, claires. Puisque l'autisme doit être génétique, on veut du destin, de l'inhumain, de la fatalité, le gène s'impose de lui même, eh bien il suffit de ne pas mentionner les éléments contradictoires, ou simplement qui s'interrogent, l’environnement partagé c'est d'un mou, et l'affaire est faite, l’autisme, et les TSA, allons y, sont des atteintes cérébrales d'origine génétique, cochon qui s'en dédie. Puisque ce pauvre Professeur Hallmayer ne peut être qualifié de déviant ou d'hérétique, ce qui suffit à vous envoyer de nos jours devant l'inquisition, scientifique bien sur, qui, elle est très vigilante, on se tait simplement. Il a du comprendre, le pauvre, mais il a d'autres cordes à son arc et saura rebondir vu que c'est une pointure indiscutable,

 Alors, quand on veut parler mainstream, langage indispensable pour compter à notre époque, il faut oublier cet article dérangeant :  oui, votre Honneur, l'autisme est génétique, pardi, juré, craché….

PS Dans mes recherches poussées, je viens de mettre la main sur une critique scientifique de l'article cité, due à Frazier et all 1, dont vous pouvez lire le résumé. Volant au secours du génie du gène, il vous refait une étude, en 2014  et sur 568 jumeaux celle là. Il ne s'en laisse pas compter avec les TSA, il veut du sérieux, il quantifie l'intensité des symptômes. Abracadabra, en restreignant aux sujets présentant les symptômes les plus intenses, dans la restriction des capacités communicationnelles et les actions répétitives et intérêts particulier(du DSM 5 avant la lettre), on retombe sur ses pieds. Tout redevient génétique, adieu citrouille, souris, rat, environnement. C'est vrai que le Dr Frazier ne semble pas disposer du même CV universitaire que le Pr Hallmayer, mais ne persiflons pas.

 Du coup c'est l’Équivalence dans le spectre entier, LE concept clef du Spectre, qui est remise en cause. On devra choisir l'autisme serré, historique, génétique, et le Spectre Flou, englobant bientôt la moitié de la terre entière, sur lequel, par discrétion sans doute, on ne se prononcera pas.  Malheur, si on ne peut pas tout avoir, le gène et le spectre, que va-t-on faire ?

PSS Je prie tous mes lecteurs de bien vouloir m'excuser si je n'utilise pas d'arguments psychologisants, ce qui aurait suffi à me disqualifier, et aurait simplifié les choses...

Une prochaine fois peut être.

1Frazier, T.W., Thompson, L., Youngstrom, E.A., Law, P., Hardan, A.Y., Eng, C. & Morris. N. (2014) A twin study of heritable and shared environmental contributions to autism. J Autism Dev Disord. 2014 Aug;44(8):2013-25. View abstract.

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