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Billet de blog 30 novembre 2014

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Les parents ne causent pas l'autisme, mais ils peuvent faire une différence

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Les parents ne causent pas l'autisme, mais ils peuvent faire une différence

Par Kristelle Hudry,

Maître de Conférences

Université La Trobe - Melbourne - Australie

Depuis que la condition a été reconnu dans les années 1940, les parents ont été et se sentaient blâmés pour l'autisme de leurs enfants. Aujourd'hui, la plupart des gens n'y croient plus, mais un doute persistant continue de turlupiner de nombreux parents

L'autisme a été identifié pour la première fois durant l'ère de la psychanalyse, lorsque les professionnels examinaient de près les relations pour expliquer le handicap et la maladie mentale. Le "retrait autistique» de l'enfant a été pensé comme étant un problème émotionnel et relationnel.

Les parents ont été blâmés pour l'autisme de leurs enfants parce que des psychanalystes pensaient que leur mode froid et détaché de parentalité (1) devait être la cause de leur retrait extrême du monde social. Certains parents ont été vus comme interagisssant avec leurs enfants de manière interprétée comme exigeante et émotionnellement distante, plutôt que soutenante et chaleureuse.

Mais le point de vue psychanalytique prédominant a été progressivement remplacé par une approche biomédicale dans la compréhension l'autisme.

Une perspective différente

Nous croyons maintenant que les troubles du spectre autistique sont basés sur la biologie - le résultat de quelque chose dans la manière dont le cerveau se développe. Il est encore accepté que certains parents ont du mal à interagir avec leurs enfants atteints d'autisme. Mais ce n'est pas leur faute; ces enfants ont, par définition, du mal à interagir avec quiconque. Les enfants autistes ont des difficultés d'interaction et de communication sociale et s'engagent dans des comportements atypiques répétitifs, restreints. Ces symptômes centraux limitent leur capacité à interagir avec les autres, et à être entrainés quand d'autres tentent de rentrer en contact. Quoi qu'il en soit, ce ne est pas seulement les parents qui ont du mal à entrer en contact avec les enfants atteints d'autisme. La même chose vaut pour les membres de la famille élargie, les amis de la famille, les enseignants, les professionnels et les autres enfants aussi. Mais les différences individuelles sont importantes ici. Certains enfants atteints d'autisme sont particulièrement difficiles à approcher; ils préfèrent être laissés seuls. D'autres sont très désireux d'interagir, mais ne savent pas comment s'y prendre. Les différences individuelles existent aussi chez les adultes. Certains parents (et d'autres personnes) semblent prompts à saisir comment interagir avec les enfants atteints d'autisme. Ils trouvent des moyens de prendre et de garder l'intérêt de l'enfant et à amener l'enfant à acquérir de nouvelles compétences. D'autres adultes ont plus de mal à interpréter et à comprendre les enfants atteints d'autisme. Ou ils ont plus de difficulté à changer leur propre comportement pour élaborer des stratégies pour entrer en contact avec ces enfants.

Une stratégie utile

Une caractéristique importante de l'interaction avec les enfants atteints d'autisme semble être la manière dont les adultes se comportent avec eux, de manière réactive (2) - par opposition à directive. L'interaction réactive comprend des commentaires ou des actions qui s'appuient sur l'intérêt et le comportement actuel de l'enfant, soutenant ce que l'enfant est déjà en train de faire. Par exemple, un parent pourrait dire "c'est une voiture" lorsque l'enfant joue avec une voiture.

Les comportements parentaux directifs visent à modifier l'activité ou la fixation de l'attention de l'enfant. Une mère peut demander à l'enfant "dis : voiture" quand il ou elle joue avec une voiture. Ou le parent pourrait retirer la voiture, insistant sur le fait que l'enfant lui dise le mot, avant qu'il ou elle n'obtienne que le jouet revienne.

Bien que la stratégie directive peut sembler utile pour enseigner les compétences pour les enfants autistes, les preuves suggèrent que les comportements adultes réactifs sont plus utiles.

Au début des années 2000, des chercheurs américains Michael Siller et Marian Sigman ont rapporté que les parents plus réactifs avaient des enfants avec autisme ayant de meilleures compétences sociales et linguistiques. Récemment, mes collègues et moi avons aussi montré l'importance de la réactivité des parents, mais d'une manière différente.

Nous avons assigné au hasard la moitié d'un grand groupe de parents à un programme d'intervention d'un an, consistant en un travail en tête-à-tête avec une orthophoniste. Les autres parents ont reçu leurs services communautaires habituels. Le nouveau programme d'orthophonie guidait les parents pour améliorer leurs compétences à lire des signaux de communication sociale-subtiles chez leur enfant et à interagir d'une manière plus réactive.

Comme on pouvait s'y attendre, de nombreux parents recevant cette intervention sont devenus plus réactifs à leurs enfants. Mais nous avons trouvé que les propres capacités d'interaction de leurs enfants s'étaient également améliorées.

L'importance de la parentalité (1)

Siller et Sigman ont montré l'importance de la réactivité parentale en observant les avantages plus tard pour les enfants autistes dont les parents étaient naturellement plus ou moins réactifs. Nous avons maintenant démontré que les parents peuvent également être guidés pour devenir plus réactifs et que cela profite aussi à leurs enfants.

La parentalité joue un rôle important pour le développement de tous les enfants. Soutenir les parents à interagir de manière plus réactive semble bénéficier aux enfants atteints d'autisme, de même que soutenir les parents peut aider les enfants avec d'autres problèmes comme l'anxiété.

Beaucoup de chercheurs sur l'autisme semblent réticents à étudier l'interaction parent-enfant, de sorte que le sujet est quelque chose de tabou (3). Nous savons tous qu'il y a une sorte de relation là, mais beaucoup ne semblent pas vouloir en parler en raison du risque de raviver le fantôme du blâme des parents du passé.

Mais se sentir simplement mal à l'aise de parler de quelque chose ne signifie pas que nous ne devrions pas. Et si nous allons parler de la parentalité et l'autisme, nous ferions mieux également de faire des recherches sur elle, pour s'assurer que nous parlons de manière sensée.

The Conversation

Kristelle Hudry reçoit du financement de la Zone d'approfondissement de Recherche Construire des Communautés en Bonne Santé à l'Université La Trobe.

Cet article a été publié sur The Conversation.

Lire l'article original.

Traduction Gilles et Régine Bouquerel, publiée avec la permission de l'auteure

(1) La parentalité est la traduction de parenting, plus exactement l'éducation par les parents, le maternage-paternage élargis. NdT

(2) Responsiveness a partout été traduit par réactivité, et responsive réactif(ve). NdT

(3)"so the topic is something of an elephant in the room". L'éléphant dans la pièce est quelque chose que chacun connaît parfaitement, mais dont personne ne veut parler. NdT

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