Gilles d'Hallouaran (avatar)

Gilles d'Hallouaran

Citoyen Français, né en France, élevé sous la mère, blanc de peau et noir de cœur.

Abonné·e de Mediapart

14 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 janvier 2024

Gilles d'Hallouaran (avatar)

Gilles d'Hallouaran

Citoyen Français, né en France, élevé sous la mère, blanc de peau et noir de cœur.

Abonné·e de Mediapart

Le Ministère des Jeux olympiques et paralympiques : un possible parasitisme d’État ?

« Jeux olympiques » et « jeux paralympiques » sont des marques protégées. Leur usage est soumis par la loi à l’autorisation du Comité national olympique. Dès lors, Gabriel Attal disposait-il ou non de l’autorisation d’utiliser l’expression « jeux olympiques et paralympiques » pour désigner le ministère confié à Amélie Oudéa-Castéra ? N’a-t-il pas accompli un véritable parasitisme d’État ?

Gilles d'Hallouaran (avatar)

Gilles d'Hallouaran

Citoyen Français, né en France, élevé sous la mère, blanc de peau et noir de cœur.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le cadre de la constitution du nouveau gouvernement annoncée par le Premier ministre Gabriel Attal le 11 janvier 2024, Amélie Oudéa-Castéra a été nommée ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Si les déclarations de la nouvelle ministre de l’éducation relatives à la scolarisation des ses enfants dans le très bourgeois et très catholique établissement Stanislas ont généré une polémique nationale et débouché sur de nombreuses demandes sollicitant sa démission immédiate, cette polémique n’en a pas moins contribué à détourner l’attention d’un autre problème pour le moins préoccupant. Il est celui de l’appellation même du ministère telle qu’elle a été choisie et retenue pour le maroquin de l’ancienne directrice générale de la Fédération française de tennis en ce qu’il comporte expressément la mention « ministre des Jeux olympiques et paralympiques » pour désigner la quatrième compétence dévolue à la nouvelle ministre, compétence qui sera sans nul doute sa première priorité d’action du moment. La question pressante qui se pose donc en conséquence est celle de savoir si le premier ministre n’aurait pas en l’espèce conduit l’État à engager sa responsabilité civile, voire à commettre les délits de contrefaçon et de parasitisme par un usage non autorisé, jusqu’à preuve du contraire, des marques « jeux olympiques et paralympiques » qui sont la propriété exclusive du Comité national olympique et sportif français et du Comité national paralympique français (CNOSF) en vertu des articles L. 141-5 et L. 141-7 du code du sport : « Le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux. Il est également dépositaire : […] Des termes “jeux Olympiques”, “olympisme” et “olympiade” et du sigle “ JO ” ; Des termes “olympique ”, “olympien” et “olympienne”, sauf dans le langage commun pour un usage normal excluant toute utilisation de l’un d’entre eux à titre promotionnel ou commercial ou tout risque d’entraîner une confusion dans l’esprit du public avec le mouvement olympique » (article L. 141-5 ; l’article L. 141-7 en est l’exacte copie appliquée à « paralympique »)1.

Les expressions « jeux olympiques » et « jeux paralympiques » constituent ainsi des « marques d’usage non enregistrées notoires » à raison de l’exceptionnelle renommée tenant au déroulement des jeux olympiques et à leur très large diffusion médiatique à travers le monde. Le mot « olympique », associé ou non au substantif « jeux », a en effet pour fonction d’évoquer et d’identifier exclusivement « l’événement sportif mondial » qu’il désigne et présente de ce fait le caractère distinctif nécessaire à la qualité de marque au point qu’il donne lieu à l’application de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle tel qu’en dispose le code du sport depuis 2018 après qu’en ait ainsi jugé la Cour de cassation en 2017 (CC, Crim., 17 janvier 2017, 15-86.363, Inédit).

Dès lors, comme l’expose clairement la jurisprudence en la matière, porte nécessairement atteinte à la marque « olympique » l’utilisation sans autorisation expresse du titulaire de la marque l’expression « jeux olympiques et paralympiques » dans le cadre d’une campagne promotionnelle que mènerait une entreprise commerciale en faveur de la vente de ses produits. Ce qui est centralement en jeu dans la prohibition d’une telle utilisation non autorisée des marques olympiques et justifie les sanctions civiles et/ou pénales, c’est essentiellement la confusion qu’elle est susceptible d’entretenir dans l’esprit du public entre les buts poursuivis par l’olympisme en tant qu’idéal de paix et de fraternité et les buts de l’entreprise qui cherche à profiter de la notoriété planétaire qui est celle de l'olympisme (à tort plus qu'à raison !). Et comme nulle disposition de la loi ne semble spécialement autoriser l’État à se livrer à une pratique d’usurpation des marques « olympiques » et « paralympiques » telle qu’elle est particulièrement interdite aux entreprises privées, on peut supposer que la justice, en cas de poursuites visant l’État pour usurpation de la marque « jeux olympiques et paralympiques », voire pour parasitisme, ne manquerait pas de retenir pour entrer en voie de condamnation les même motifs que ceux qu'elle a retenus pour sanctionner les entreprises coupables de ces mêmes infractions.

En singeant à dessein le jugement le Jugement du 7 juin 2018 par lequel le TGI de Paris a condamné une entreprise pour utilisation non-autorisée des termes et du symbole olympique (TGI Paris, 3e ch., 7 juin 2018, n° 16/10605), on peut malicieusement en venir à imaginer, prédire ou espérer qu’on pourrait alors disposer d’un savoureux jugement :

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Or, en l’espèce, l’utilisation du terme OLYMPIQUE porte atteinte à la dénomination sociale du CNOSF dont le terme « olympique » est l’élément distinctif qui traduit ce qui est spécifique dans l’activité de ce comité.

Il existe un risque de confusion dans l’esprit du public qui peut être amené à penser que la politique du gouvernement nommé en janvier 2024 en faisant référence aux jeux olympiques de Paris de 2024 est soutenue par le CNOSF. L’atteinte aux droits du CNOSF sur sa dénomination sociale est donc constituée.

En l’espèce, il s’avère que l’usage des termes « jeux olympiques et paralympiques » dans la dénomination complète du ministère en charge des sports et le choix de la date retenue pour publiciser la nouvelle dénomination dudit ministère à l’approche immédiate des jeux olympiques et paralympiques de PARIS de l’été 2024 ne doivent rien au hasard et tendent bien à évoquer l’univers des jeux olympiques par la reproduction de références non couvertes par des droits privatifs et ce, pour s’inscrire indûment dans le sillage du mouvement olympique et du fort engouement que les jeux suscitent auprès du public.

L’atteinte à la marque d’usage notoire « olympique » du CNOSF ne se limite pas qu’au préjudice d’image mais doit également comprendre le préjudice moral lié à la baisse du pouvoir d’attraction de la marque « olympique » du fait de son utilisation non autorisée, que ce soit pour la dénomination même du ministère en charge des sports mais également pour la tentative d’assurer la promotion de la politique suivie par la ministre en tant que politique motivée par les mêmes idéaux de paix et de fraternité universelles fixés dans le préambule de la Charte olympique, et ceci quand bien même cette tentative n’aurait été couronnée d’aucun succès.

Gageons que nous n’avons jamais été aussi prêts de voir des poursuites rapidement engagées contre l’État au motif d’usage abusif, non-autorisé et délictuel des marques « olympiques » appartenant au CNOSF. Le garde des sceaux semble avoir en effet annoncé ce jour que la justice est désormais en parfait ordre de marche pour lutter de manière déterminée « contre la contrefaçon, les fraudes à la billetterie et la lutte contre le dopage » (voir France_Info_JO_Justice).

Mais peut-être que Médiapart débusquera avant cela l’autorisation accordée à l’État pour utiliser régulièrement des marques « olympiques » dans l’intitulé du ministère confié à Amélie Oudéa-Castéra. Auquel cas ce billet serait parfaitement vain...

_________________________

Note :

1. Une modification circonstancielle a toutefois été introduite sous cette forme : « Par exception au II et pour les faits commis entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2024, les droits et actions découlant du présent article sont exercés par le comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques pour son propre compte. Toutefois, le Comité national olympique et sportif français peut se joindre à toute procédure ou instance afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre. »

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.