Gilles Kujawski

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Billet de blog 3 juillet 2018

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LA COUPE DU MONDE ET L'AVENIR DU FOOTBALL, par Raoul Benard, footballologue

A l'approche des quarts de finale, il importait qu'enfin arrivât un avis pertinent et impartial sur l'avenir de la coupe du monde et du football.

Gilles Kujawski

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Raoul Benard est un expert reconnu dans le domaine du football. Le foot est à la croisée des chemins : R.Benard nous a reçus chez lui pour nous donner sa vision des enjeux qui feront le football de demain.

Raoul Bernard, on approche de la fin de la coupe du monde de football. Quelles leçons en tirez-vous?

La veille de la coupe, les rumeurs et les défaitismes allaient bon train. On nous promettait un football qui serait sa propre défaite, son inverse symbolique et technique, la négation-même de ses bases structurantes.
A ce jour il n'en a rien été. L'arrosage des pelouses par une eau russe, préférée au gaz ou au fioul, les refoulements des joueurs de hockey sur glace à l'entrée des vestiaires, le refus des ombrelles portatives fixées aux oreilles pour les joueurs à crânes chauves, l'autorisation du port des lunettes de soleil pour les arbitres mal-voyants, tout a concouru à une coupe de grande qualité.

Selon vous, qui va gagner cette coupe ? Vous devez être impatient !

La FIFÂ a réussi à surmonter ses divisions internes pour aboutir à cet accord : désormais, l'équipe gagnante de la finale se qualifie pour remporter la coupe. C'est un progrès immense par rapport aux quinze dernières années.
Mais pour arriver là, il reste au football à surmonter des obstacles d'importance.

Lesquels ?

Le football, et avec lui l'ensemble des structures et institutions qui lui sont rattachées, doivent muter. On ne peut plus faire reposer une activité comme celle-ci sur les mêmes bases qu'il y a cinquante ans. Nous sommes à l'heure d'une compétition mondiale qui impose une recherche de pistes pour jouer plus avec moins. Je remettrai un rapport dans ce sens à la FIFÂ dans les prochains jours.

Pouvez-vous nous donner à nos lecteurs des éléments de réflexion qui figureront dans votre rapport ?

La concertation a démarré sur ce dossier, je ne pourrai donc pas en dévoiler beaucoup. Les joueurs doivent être au centre du système footballistique : plutôt que de lâcher ces débiles, leurs comptes bancaires et leurs fortunes salariales dans la nature, maintenons-les sur les terrains pour qu'ils ne soient pas tentés d'aller polluer plus avant la société qui les entoure. Ensuite, les entraîneurs doivent rester les premiers de cordée, mais leurs prestations gesticulatoires en bordures de terrains pendant les matches doivent prendre fin : leur formation comprendra désormais l'apprentissage du paso doble et la gigue provençale, qu'ils seront tenus d'exécuter systématiquement devant les caméras.
Enfin, fini, le temps des stades et terrains dévoreurs de budgets, les acheteurs de billets basculant dans la pauvreté. Désormais, chaque rencontre de football n'opposera plus deux mais trois équipes sur le même terrain et au même moment.
Mais les contours du monde nouveau seront autres qu'économiques : il faut que le football s'engage fortement dans le numérique.

Comment ?

Trois nuits de concertation ont abouti au projet de ballon connecté. Vos lecteurs le savent : à chacun son foot. Assez de règles pénalisantes, le foot doit se rapprocher des joueurs, chacun d'entre eux doit donner la pleine mesure de son imbécillité. Désormais, fini le ballon de papa qui se baladait partout au gré de son bon vouloir, provoquant sur les pelouses les doutes, les buts encaissés malgré l'incompétence adverse et la corruption de l'arbitre, ou encore les déficits abyssaux des officines de paris. Désormais, le ballon sera intelligent et s'attachera à mieux refléter l'infantilisme profond des joueurs, en se faisant leur porte-parole. Justement, parlant de porte-parole, ainsi débarrassés de la corvée de commenter le match sur TF1 après la 90ème minute en tentant vainement d'égaler un babillage de nourrisson, les joueurs pourront aller subir les humeurs de l'entraîneur au fond des vestiaires sans importuner quiconque.

Raoul, que penser de la violence qui envahit les gradins, et s'étend aujourd'hui sur les pelouses ?

Le supporter est un maillon essentiel de la chaîne de désolation que représente le monde du football, depuis le joueur débutant jusqu'à lui, le supporter. Il faut donc qu'il soit en phase avec son environnement, que l'un et l'autre se nourrissent des mêmes valeurs d'inanité. Je propose dans mon rapport que toute peine infligée aux auteurs de dégradations ou d'agressions pris en flagrant délit, avant ou après un match de football, soit conjointement assumée par les startuppers, les winners et patrons, actionnaires et DRH d'entreprises de plus de 500 salariés.

Un mot, pour conclure ?

Nous devons chaque jour imaginer le monde que nous laisserons à nos enfants. Pourquoi leur interdirait-on de devenir des pitres affligeants comme leurs idoles du foot, en même temps que l'on comprime leur énergie vitale, pourtant précieuse pour les entreprises, à compulser des livres même pas assez chers à la revente pour leur permettre d'aller supporter la France au stade de France contre les guignols ritals ou les gonzesses du Portugal ?
Ne nous épargnons aucun questionnement quand l'avenir est en jeu. Réparons le football mis à mal par des décennies de laisser-aller. Le football est à la croisée des chemins, et ce défi émancipateur est à notre portée.

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