Nos temps médiatiques ne pardonnent pas aux emblèmes. Et quand il prend aux emblèmes de devenir patrimoine, ils entravent la dynamique du « toujours plus loin, toujours plus fort » qui n’aime que ce qui bouge, et se passe facilement de temps long, de pensée, d’esprit ou de passion.
Les passionné(e)s du « Masque et la plume » ont eu leur cuillère d’huile de foie de morue, début janvier. A l’occasion de l’arrivée très bienvenue de Rebecca Manzoni pour animer l’émission, il a été décidé d’envoyer un doigt d’honneur au monument qu’est devenue l’émission. Non en la remettant en question, ah, ça, jamais de la vie, pensez-vous, mais en décochant un bon coup de pioche sur son socle. Non en changeant son horaire, mais en le faisant démarrer un peu plus tard, et en rétrécissant son temps de diffusion. Ni vu, ni trop connu.
A-t-on attenté à l’existence du « Masque » ? On vous a déjà dit que non, jamais de la vie. On a fait plus fin, en démontrant que le monument n’est plus invulnérable. On a fait mentir Jérôme Garcin, qui, en partant, jugeait inconcevable de changer l’horaire de diffusion de l’émission. On a prouvé que tout est possible, au nom de la nécessaire bousculade des auditoires pour éviter tout immobilisme, au nom du rétrécissement du « Masque » pour donner plus de temps à l’émission qui le précède, « Les p’tits bateaux ».
Une remise à niveau pour auditrices et auditeurs réputé(e)s inertes et fatigué(e)s, à laquelle l’animatrice a apporté sa touche personnelle, en maintenant au générique du « Masque » la fameuse « fileuse » de Mendelssohn, en la prolongeant avec une partie de synthé.
La morale de cette histoire, banale et triste, c’est qu’un premier coup de pioche en annonce souvent un autre, c’est que l’attente, de la part de l’auditeur ou auditrice lambda, du maintien en l’état d’une séquence radiophonique (et culturelle, en général) parce qu’elle apporte un arpent de bonheur, est insupportable aux décideuses et décideurs - celles et ceux de France Inter ont fait savoir qu’ils ne reviendraient pas sur leur décision - et balayée avec dédain.
« On avance, on avance, on avance », chantait Alain Souchon.