« La Grande Librairie », émission vivante, divertissante et souriante, consacrée aux livres. La seule, évitons la fine bouche, et le fruit d’un travail, un vrai, celui de son animateur, pour donner envie de lire. Pour faire vendre des livres, on est d’accord, des livres de stars, c’est vrai, mais soyons justes, pas seulement.
Le problème est ailleurs. C’est celui d’un boycott militant, d’un passage à la trappe de ce qui fait - aussi - la qualité d’une librairie : les idées. Dans « La Grande Librairie », les idées, ça n’existe pas. La critique, pas plus. Les documents, les sciences humaines, ça n’existe pas non plus. On en est à se demander si il y a des rayons documents et sciences humaines en librairie, si il y a des tables, des piles, et, par-dessus tout, des autrices et auteurs.
Réponse d’Augustin Trapenard et de son producteur, François Busnel : passez votre chemin, ça n’existe pas, tout ça. « La Grande Librairie », c’est un commerce qui refuse de vendre certains livres, sous un prétexte qu’on imagine - et qu’on redoute : « ça n’intéresse pas nos clients ». Vous comprenez, les gens, ils veulent se divertir, pas se prendre la tête. Des philosophes ? On en invite, regardez, dès que Frédéric Lenoir ou André Comte-Sponville sort un livre, on les invite ! Des documents d’actualité ? Regardez, Delphine Horvilleur, on l’a invitée !
C’est incontestable, autant que l’invitation de Danièle Sallenave pour « La splendide promesse » - réduite à ne parler que de son enfance, quand le livre couvre toute la vie de cette toujours brillante octogénaire. Les philosophes sont invités sur le plateau de Trapenard, tant qu’ils n’assènent pas de discours qui pourraient - horreur ! - amener le téléspectateur de 21h à se poser des questions normalement réservées à son homologue de 23h. On imagine Pivot s’interdisant d’inviter Claude Lévi-Strauss de peur d’égarer son public ?
Ca suffit. Les livres n’ont qu’une fenêtre de vie à la télévision, ouvrons-la à tous les livres.