Y avait-il une "bonne" réaction, c'est à dire consensuelle et juste, à l'annonce de la campagne de Fayard dans les gares en faveur de son jeune écrivain de (petit) génie ? La décision de Médiatransports de la refuser au prodige de la littérature politique est-elle appropriée, ou fait-elle dans le contre-emploi en lui offrant une promotion indirecte et opportune ?
Le nouveau héraut du retour à l'Occident flamboyant (ou "make Occident great again") a beau jeu de protester contre la "censure" dont il serait l'objet. Il aurait eu tort de se priver d'une telle tribune - et rien ne dit que le débat autour de la décision de Médiatransports ne fait pas partie intégrante du plan promotionnel habilement concocté par le virtuose (combien de lignes a-t-il effectivement écrites?) et sa grandiose éditrice.
Reste que la théorie du boomerang est une évidence pour tout le mainstream médiatique. Pas un plateau, ou presque, où l'on n'entende que le phénix sort gagnant du match, bien fait pour Sud-Rail, la CGT et Médiatransports, considérés comme à peine plus que des crétins, à la vindicte impuissante et serviteurs zélés et inconscients de leurs prétendus ennemis.
La leçon est claire : la meilleure solution était de ne rien faire. Baisser les bras. La fermer. Attendre que ça passe. Et puis, le Grand Auteur se serait bien abîmé lui-même, sans qu'il eût été nécessaire de lui servir la soupe.
Alibis misérables pour la lâcheté et l'aveuglement devant une part de marché du nationalisme qui n'est plus seulement politique mais aussi commerciale - aux bons soins du tycoon breton que l'on sait. Alibis qui masquent difficilement, d'abord, la pénétration dans les esprits de nos résignations, de nos fatigues, meilleurs cadeaux à offrir à l'illustrissime plumitif, à son parti, à ses conquêtes des esprits. Et ensuite la concentration des médias et de l'édition-diffusion-distribution dans les mains du tycoon, rien de moins qu'un danger gravissime pour la République.
Tout ce qu'ont fait Sud-Rail, la CGT et Médiatransports, c'est entraver le temps de cerveau disponible, brillamment théorisé jadis par Patrick Le Lay, pour l'ascension encore résistible du nationalisme français. Mais pour combien de temps ?